Serait-ce l’heure de la levée des barrages entre les deux solitudes de la province ? Portrait de l’engagement annoncé par Hydro-Québec envers les Premières Nations et la nation inuite.
Lancée en 2019, la politique « Nos relations avec les autochtones » annonçait les couleurs d’Hydro-Québec et ses intentions de vouloir impliquer les peuples autochtones non seulement dans ses prises de décision, mais également dans les projets eux-mêmes. S’en est suivie, en novembre dernier, dans le cadre du développement énergétique du Québec, une déclaration réitérant son désir d’approfondissement et de solidification du dialogue avec les Premières Nations et la nation inuite. « Nous avons été conviés à participer au Grand cercle économique des Peuples autochtones du Québec », explique Francis Labbé, porte-parole d’Hydro-Québec en matière de relations autochtones. « À cette occasion, nous nous sommes demandé comment exprimer notre posture en ce qui concerne notre relation avec les Premiers Peuples. »
La société d’État a par la suite exprimé que le développement énergétique du Québec se ferait dorénavant en collaboration avec les peuples autochtones. « Nous avons une histoire commune, qui fut parfois heureuse, parfois douloureuse, comme l’a affirmé Sophie Brochu. Mais aujourd’hui, nous sommes tournés vers l’avenir avec des engagements qui reconnaissent la vitalité des peuples autochtones et notre engagement à travailler avec eux », ajoute Francis Labbé.
Un désir, quatre actions
Hydro-Québec traduit son désir de réconciliation en quatre actions concrètes. La première, l’élaboration d’une stratégie d’approvisionnement, a pour but d’échanger avec des entreprises autochtones et des acteurs de développement économique de ces communautés pour éventuellement adapter certains processus. Cette action pourrait résulter en un accès facilité aux appels d’offres, par exemple. « Car, à l’heure actuelle, il est possible que certains de nos critères empêchent une entreprise autochtone de nous offrir ses services », précise Francis Labbé.
L’organisation d’un forum sur la main-d’oeuvre autochtone s’inscrit comme deuxième action du plan d’Hydro-Québec, qui aimerait devenir un employeur de choix pour les Premières Nations et la nation inuite. « Les communautés autochtones sont présentes sur le territoire, souvent à proximité de nos installations. La moyenne d’âge dans ces communautés est plus jeune que celle du Québec et il y a là un potentiel de main-d’oeuvre important », souligne le porte-parole. La société profitera aussi du forum pour trouver des façons de faire, avec les membres des Premières Nations et la nation inuite, qui seront bénéfiques pour toutes les parties.
HEC Montréal met actuellement sur pied un tout nouveau programme, l’École des dirigeants des Premières Nations. En guise de troisième action, Hydro-Québec tient à soutenir cette initiative et le fait à travers une contribution de 500 000 $, répartie sur trois ans. Ce programme d’études supérieures a pour objectif de « faciliter l’accès aux décideurs autochtones à une formation de haut niveau adaptée à leurs besoins », indique Francis Labbé. « Notre contribution permettra aux dirigeants de perfectionner leurs compétences, qu’ils soient élus, administrateurs ou gestionnaires, et de bonifier les outils des entrepreneurs des Premières Nations, ce qui générera des retombées plus que positives dans les communautés », croit le porte-parole.
Dans la même veine, la quatrième action d’Hydro-Québec concerne la création d’une initiative qui soutiendra l’entrepreneuriat chez les femmes des Premières Nations et de la nation inuite. « Pour y arriver, nous souhaitons établir un partenariat avec un ou des organismes autochtones et nous engager financièrement à long terme », dit Francis Labbé. En ce sens, une démarche consultative auprès d’agents clés du milieu et de femmes entrepreneures a déjà été entamée, et la société d’État est présentement en discussion avec un organisme autochtone en vue d’un partenariat éventuel.
Le passé étant teinté de nombreux ratés, les peuples autochtones concernés par cette nouvelle démarche de réconciliation engagée par Hydro-Québec, s’ils en sont heureux, restent néanmoins méfiants et soulignent qu’elle doit faire appel à la bonne foi et s’inscrire dans la durée. L’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL) déplorait par exemple, en décembre dernier, la décision de la société d’État d’annoncer la publication de deux appels d’offres visant un bloc de 480 mégawatts (MW) de sources renouvelables et d’un bloc de 300 MW de source éolienne, et ce, alors que leurs composantes étaient sujettes à une décision de la Régie de l’énergie. L’APNQL estimait cette décision prématurée, car elle avait justement formulé des recommandations détaillées de modifications aux critères de sélection et de pondération, notait-on.
Parallèlement, parmi les 11 nations autochtones du territoire de la province, certaines marchent déjà main dans la main avec Hydro-Québec. C’est le cas des communautés d’Ekuanitshit, de Nutashkuan, d’Unamen Shipu et de Pakua Shipu. Actives sur le complexe hydroélectrique de La Romaine, sur la Côte-Nord, ces dernières en sont partie prenante. Le chantier fait appel à des travailleurs autochtones et fait a aire avec des entreprises autochtones. « En ce moment, 12,5 % des travailleurs présents au chantier, dans le dernier droit des travaux, sont autochtones, soit 108 sur 840 », note Francis Labbé. « Ce projet est devenu réalité grâce à nos ententes avec les communautés présentes sur le territoire. Ces accords prévoient des versements dans différents fonds, comme la formation, le patrimoine, les activités traditionnelles et le développement économique et communautaire », énumère le porte-parole. À plus petite échelle, la ligne Micoua-Saguenay a aussi suscité l’embauche de travailleurs autochtones.
Rappelons qu'Hydro-Québec a obtenu, en 2021, la certification argent du programme Relations progressistes avec les autochtones de la part du Conseil canadien pour le commerce autochtone. Cette certification se décline en quatre points :
- l’engagement de la haute direction
- le développement économique des entreprises autochtones ;
- l’embauche, la rétention et la formation des employés autochtones ;
- les relations avec les communautés autochtones.
Cet article est tiré du Dossier régional – Est du Québec 2022, accessible gratuitement ici.
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