Plus petit volume de contrats, rareté de main-d’œuvre qualifiée, distance des fournisseurs d’équipements et de matériaux… ces facteurs poussent les entreprises à développer leur autonomie afin d’assurer leur croissance.
Construction Cotton, fondée en 1983 dans le village de Rivière-au-Renard, à Gaspé, en est un bon exemple. L’entreprise a connu une croissance spectaculaire depuis la reprise par le fils du fondateur, Tony, en 2020. En quatre ans, le chiffre d’affaires est passé de 1,2 M$ en 2020 à 10 ou 12 M$ prévus en 2024, et le nombre des employés de 4 à 34. Mais quels sont les secrets de cette réussite depuis la pointe de la Gaspésie ?
Tony Cotton, 38 ans, se souvient : « J’ai suivi mon père sur les chantiers dès que j’ai su marcher.» Ses parents sont partis de rien, travaillant tous les soirs et fins de semaine. Tony a commencé à travailler sur les chantiers familiaux en 2004, gravissant les échelons, d’apprenti menuisier à contremaître.
Voulant voler de ses propres ailes, il est aussi parti pendant deux ans, « pour mieux revenir à Gaspé en 2019. J’avais la fibre entrepreneuriale en moi.» Son retour coïncidera avec le dernier grand projet de son père : une usine de congélation pour l’industrie de la pêche, un chantier de plusieurs millions qui scellera la passation de pouvoir au printemps 2020.
Consolider ses bases pour une meilleure croissance
Construction Cotton a un savoir-faire dans la construction de projets commerciaux et industriels, avec une expertise historique dans le secteur des pêcheries, et, depuis peu, le multirésidentiel.
« L’industrie de la pêche nous a toujours amené beaucoup d’ouvrage, incluant l’époque de mon père », souligne Tony. En tant qu’entrepreneur général spécialisé dans les projets clé en main, l’entreprise réalise une bonne partie du travail, tout en coordonnant les tâches de collaborateurs externes pour les plans, la mécanique, la plomberie, l’électricité et parfois le terrassement.
Tony reconnaît que ses parents ont connu des années beaucoup plus difficiles, avec moins de projets dans la région. « Si j’ai pu défier mon père, je réalise aujourd’hui les défis qu’ils ont dû relever », confie-t-il.
Miser sur les talents internes et locaux
En reprenant l’entreprise de son père, Tony rêvait grand. Les quatre employés historiques lui ont accordé leur confiance pour un bon départ. Le jeune leader croit d’ailleurs en ses employés et les professionnels en région.
« J’ai toujours été convaincu que nous avions, en interne comme en Gaspésie, toutes les compétences et l’expertise nécessaires, au même titre que les grandes entreprises de Québec qui viennent réaliser ici des projets de 5 M$», estime-t-il. Le nom Cotton était connu, bénéficiait d’une base solide. « Les clients ont eu confiance, mais aussi les anciens membres de l’équipe de mon père qui ne se voyaient pas travailler ailleurs, souligne Tony, les yeux brillants. Il est fier d’avoir maintenu une masse salariale à 100 % à Gaspé, avec des retombées économiques locales.
Pour lui, un leader doit s’entourer de compétences complémentaires, voire supérieures. C’est cette complémentarité qui lui permet de gérer plusieurs projets importants. «Pour envisager une croissance rapide et continue, j’ai renforcé l’équipe bureau de projets avec des jeunes», explique-t-il.
L’équipe s’est étoffée, comprenant des saisonniers pour suivre la cadence : 25 charpentiers-menuisiers (dont une femme), deux surintendants, trois contremaîtres, deux peintres-plâtriers (dont une femme), une technicienne en architecture, une directrice administrative, deux chargés de projet (dont une femme), un directeur général, etc.
Tony a réalisé qu’il devait déléguer pour réussir. « Sinon, je ne pourrai pas tout livrer dans les temps, et encore moins prendre du temps pour ma famille ou rechercher le prochain projet, la prochaine technologie», dit-il.
Laurie Denis, chargée de projet et des ressources humaines, explique que «Tony sait s’entourer des bonnes personnes». Dans le bureau de construction, on compte trois femmes pour trois hommes, ce qui est peu commun dans la profession. « Notre environnement de travail est sain. Nous n’avons pas de pénurie de main-d’œuvre, ce qui est assez rare. » Tony Cotton note que, sans l’investissement total de ses troupes, « il lui serait impossible de faire des projets de 5 M$ ».
Ne pas se contenter du succès
En Gaspésie, tout le monde se connaît et prend des références. « Nos priorités sont la qualité de construction et la satisfaction du client. La croissance n’est pas possible sur la durée sans cette philosophie, croit Tony Cotton. Un des premiers enseignements de mon père a été de ne jamais faire de concessions sur la qualité. Le client sera content et il nous rappellera.» Un conseil avisé, puisque l’entreprise a d’ailleurs remporté le prix « coup de cœur » du jury 2024 de la Chambre de commerce de Gaspé.
Si l’entreprise a des projets pour deux ans, le calendrier est ensuite vide. « On ne peut jamais s’asseoir sur le succès. Je continue de chercher des projets, d’approcher des promoteurs et de leur montrer jusqu’où nous pouvons amener leurs projets. Cette partie de mon travail me plaît beaucoup », confesse-t-il. Son but ultime est que les deux parties se serrent la main « avec plaisir » à la signature du contrat et surtout à la livraison.
Pour rester concurrentielle avec les entreprises de l’extérieur, l’entreprise investit également dans l’outillage et des équipements de pointe, notamment de levage et de manutention. Plus de 50 000 $ ont été investis cette année dans une station totale, un robot automatisé qui permet d’implanter un chantier et de mesurer précisément et rapidement. Trois personnes sont formées afin de pouvoir l’utiliser.
Des exosquelettes ont aussi été acquis pour améliorer l’ergonomie des peintres et plâtriers. Mais au-delà des défis que représente le fait d’être en région éloignée, c’est sans doute son attachement à cette dernière qui fait le succès de Construction Cotton. Lors de la déconstruction de l’hôtel de ville, Construction Cotton a donné tous les matériaux récupérés à un organisme de bienfaisance de Gaspé, l’Accueil Blanche Goulet. Cette association œuvre dans l’aide alimentaire et au logement des plus démunis. « Il est important de rester connecté à sa communauté et de la soutenir», estime-t-il.
Cet article est tiré du Magazine – Les Leaders de la construction 2024. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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