Trois entrepreneurs nous témoignent de leur expérience pour réussir une acquisition et atteindre ses objectifs tout en évitant les pièges.
Consolider ses fondations
En septembre dernier, l’entreprise familiale Forage CBF a fait l’acquisition d’ETPO Géodex après 18 mois de discussion entre les deux parties. L’objectif des acquéreurs est principalement d’accroître leur présence dans le secteur privé. « Environ 80 % de nos clients étaient du secteur public. Nous réalisions notamment des ponts, des routes, des barrages et des édifices institutionnels. En acquérant Géodex, très présent dans le secteur privé, nous devenons un incontournable en fondation profonde dans l’est du Canada », se réjouit David Blais, président de Forage CBF.
Avant d’en arriver à une entente qui a permis de doubler les effectifs de Forage CBF, le travail de persuasion a été ardu. En effet, Géodex a été acquis en 2016 par des Français qui n’avaient pas l’intention de vendre à court ou à moyen terme avant d’être contactés par l’entreprise québécoise. « Il a fallu leur expliquer les aspects positifs que cela pourrait avoir pour eux et pour le marché », indique le président de Forage CBF.
Certaines entreprises patientent pour saisir une opportunité alors que d’autres, comme Forage CBF, la provoquent.
Une communication essentielle
Lors de chacune de ses acquisitions, Forage CBF vérifie s’il y a des gestionnaires dans l’entreprise acquise qui ont le goût de s’investir et de croître avec l’acquéreur. « Nous nous assurons qu’il y a des personnes fortes en place. Dans le cas de Géodex, il y avait des gens intéressés par la fusion », relate David Blais, qui donne tout l’accompagnement nécessaire aux nouveaux employés pour permettre une transition réussie.
Selon lui, le plus grand enjeu demeure néanmoins la communication. « Avoir un bon plan de communication, autant pour les clients que pour les employés, est essentiel. Le message doit être clair, fort et raconter la vérité », soutient le président de l’entreprise.
Bien se préparer
Avant de faire une acquisition, l’entrepreneur doit s’y préparer, notamment en réalisant une planification stratégique, souligne-t-il. Le chef d’entreprise doit, par exemple, savoir où il voit celle-ci dans trois, cinq et dix ans. « Pour voir passer des opportunités, il faut être prêt. Il en passe 50 devant nos yeux chaque jour. » De son côté, son entreprise, qui compte maintenant 200 employés, a un plan de croissance comprenant d’autres acquisitions dans les prochaines années.
Une vision commune
Le Groupe Atwill-Morin, spécialiste en restauration de maçonnerie, est un habitué des acquisitions. Dans les dix dernières années, l’entreprise montréalaise a quasiment procédé à une acquisition par année. La dernière en lice est l’achat de l’un de ses concurrents, Restaurations DYC, de Delson.
« Nous avons des objectifs de croissance, mais nous voulions également aller chercher des employés compétents et expérimentés. Avec la pénurie de main-d’oeuvre, cet objectif est crucial pour nous », explique Matthew Atwill-Morin, président et chef de la direction de l’entreprise.
Le Groupe Atwill-Morin n’aurait pas effectué cette transaction si les vendeurs n’avaient pas partagé les mêmes valeurs entrepreneuriales et familiales ainsi que la même vision. « Il faut absolument s’assurer que leur culture d’entreprise et leurs valeurs s’intègrent bien avec les nôtres. Nos acquisitions qui connaissent le plus de succès sont celles qui s’arriment le mieux avec nous », raconte le président.
Un engagement fort
Pour favoriser le succès d’une acquisition, il faut aussi un engagement fort de la part des nouveaux employés et une bonne planification en gestion du changement. « Cela demande beaucoup de travail de comptabilité, de vérification et de validation. Mais le vrai travail commence lorsque la transaction est conclue. Nous devons écouter les nouveaux employés, puisqu’ils savent plus que nous comment fonctionne leur entreprise », fait valoir Matthew Atwill-Morin.
Son équipe fait donc en sorte de comprendre les enjeux de l’entreprise acquise et ses objectifs, en plus de bien intégrer les nouveaux collègues dans l’entreprise.
Des questions à se poser
Avant de faire une acquisition, l’entrepreneur doit d’abord se poser quelques questions, note l’homme d’affaires. « Est-ce que vous connaissez bien le business dans lequel vous vous en allez ? Est-ce que le marché est en croissance ou en décroissance ? Est-ce qu’il y a beaucoup de compétition ? Est-ce qu’une start-up pourrait être créée et rapidement devenir compétitive ? La pérennité de l’entreprise est très importante. »
De plus, il est primordial d’être bien entouré. Cette entreprise est passée de 40 à 1 000 employés en quelques années. Il est donc impossible pour une seule personne d’être impliquée partout. « C’est important que votre garde rapprochée soit heureuse et adhère à votre plan stratégique », explique Matthew Atwill-Morin. L’entreprise a connu une croissance phénoménale qui se poursuivra dans les prochaines années. « S’il y a des entreprises qui sont vendeurs, nous sommes acheteurs », lance-t-il.
« Tout s’est fait dans la simplicité »
En juin dernier, la transaction entre Uniroc et Asphalte Ste-Agathe, deux entreprises familiales, s’est faite naturellement. Les dirigeants des deux entreprises se connaissaient depuis des années et le propriétaire d’Uniroc, David Whissell, avait depuis longtemps fait savoir à son homologue qu’il était intéressé par l’usine s’il désirait vendre.
« L’entente s’est réglée entre les parties, autour d’une table, en discutant dans la simplicité et la confiance », fait savoir Justine Whissell, vice-présidente exécutive d’Uniroc et fille de David. Pour son entreprise, cet achat vise deux objectifs : avoir un pied à terre dans ce secteur des Laurentides où elle réalise des travaux de pavage et s’assurer qu’aucun concurrent ne mettra la main sur cette usine. « En utilisant dorénavant l’asphalte de Sainte- Agathe, plutôt que de notre usine de Mirabel, nous venons optimiser les travaux que nous réalisons dans cette région », affirme Justine Whissell.
Au point de vue des ressources humaines, la transaction a été peu complexe, car l’usine de Sainte-Agathe comptait seulement deux employés et le propriétaire. Le défi a plutôt été d’effectuer l’intégration des processus, des systèmes informatiques et des méthodes de travail.
Éviter les pièges
Avant la transaction, Justine Whissell a tenu à en informer les employés clés : « Le directeur de production, le directeur des ventes et la directrice des finances, entre autres, étaient au courant. Nous ne l’avons pas caché. Il faut bien se préparer et impliquer les gens clés à l’interne pour que l’acquisition soit une réussite. »
Le nombre d’employés de son entreprise a plus que doublé dans les dix dernières années. Il y a toutefois un piège à cette forte croissance dans lequel elle ne veut pas tomber. « La croissance rapide d’une entreprise peut avoir des impacts négatifs sur la culture d’entreprise et sur les opérations. C’est important de suivre le plan stratégique et de faire des acquisitions de façon structurée pour ne pas perdre notre culture d’entreprise et notre identité. Les gens sont très fiers de travailler pour une entreprise québécoise familiale », souligne Justine Whissell.
La gestionnaire veille à ce que les membres de l’équipe de direction se réservent du temps pour rencontrer les employés sur le terrain et pour participer à des événements festifs comme des 5 à 7 afin de maintenir un bon esprit d’équipe au sein de l’entreprise.
Cet article est tiré du Magazine – Les Leaders de la construction 2023. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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