Désigné produit le plus novateur lors de l’édition 2012 du World of Concrete, le béton cellulaire tarde pourtant à faire son entrée sur les chantiers québécois. Une avancée bien de chez nous pourrait cependant changer la donne.
Le béton cellulaire, également appelé coulis cellulaire, béton léger ou béton mousse, est un béton sans agrégats dans lequel des bulles d’air sont incorporées par millions. Une fois durci, le mélange forme des microcellules fermées qui empêchent les remontées capillaires. Bien que novatrice, la technologie n’est pas nouvelle pour autant. Le premier béton cellulaire est en effet apparu en Allemagne vers la fin du 19e siècle, mais il faudra attendre jusqu’en 2016 pour le voir s’immiscer au Québec. « On a été approchés pour un besoin spécifique à l’échangeur Turcot, rapporte Mike Ductan, directeur technique pour Béton Provincial. Certains producteurs de béton se sont montrés craintifs et ont décliné l’invitation. Mais nous, on y a vu un défi à relever. On a donc développé une formulation spéciale et on la commercialise depuis ce temps. »
Léger et fluide
Le mélange mis au point par Béton Provincial consiste en un béton-coulis sans agrégats, dans lequel est incorporé un additif baptisé Stable Air. Une fois le béton durci, cette mousse gonflante donne un béton relativement léger dans lequel les bulles d’air forment des cellules fermées. Sa composition étant semblable à celle d’un béton classique – il est fait de ciment, de sable et d’eau –, il atteint la résistance spécifiée en 28 jours de cure et son retrait après séchage est d’environ 1 % par mètre linéaire.
« Notre coulis cellulaire contient entre 25 et 80 pour cent d’air, précise Nikola Petrov, directeur de la qualité pour Béton Provincial. Plus il y a d’air, moins la résistance en compression est élevée. Ce qui convient, par exemple, au remblayage temporaire de tranchées d’excavation lors de la réparation ou l’installation de services publics. Comme avec des équipements traditionnels. »
Les bulles d’air et l’absence de granulats grossiers rendent ces bétons très fluides, d’où le nom de coulis cellulaire. Sur un plancher, ils se placent comme un béton autonivelant. Ils remplissent aussi parfaitement les coffrages verticaux, enveloppant les barres d’armature sans qu’il soit nécessaire de recourir à un vibrateur. Leur mise en place se fait donc très rapidement et le pompage en est facilité d’autant.
Gainage et isolation
Directeur des opérations pour Construction Demathieu & Bard, Martin Beauvilliers en témoigne. Il rappelle que, dans le cadre de la reconstruction de l’échangeur Turcot, le ministère des Transports devait orchestrer la dérivation du collecteur Haut-Saint-Pierre afin qu’il ne soit pas abimé lors de la démolition et de la reconstruction du pont Saint- Jacques, un des chantiers phares du projet. Toutefois, une section de l’ouvrage construit en 1930 est tellement vétuste qu’elle ne peut être déviée sans risque. Il faut donc la renforcer.
« Pour la protéger, on a opté pour un gainage structural avec un coulis de béton fibré dont la résistance en traction est excellente, dit-il. Avec un coulis, c’est plus facile, car c’est très fluide. D’ailleurs, une des applications courantes du béton cellulaire s’avère justement le comblement. La section à renforcer avait 110 mètres de long sur un mètre de haut. On l’a remplie en trois levées. Au total, on a utilisé 740 mètres cubes de ce coulis, dont la formulation a été développée spécialement pour ce projet. »
Le béton cellulaire est aussi recherché pour les propriétés isolantes – thermiques et phoniques – que lui confère la mousse gonflante qui le compose. Il peut notamment servir de base isolante sous une dalle structurale, en lieu et place des matériaux habituellement utilisés pour cet usage, comme les panneaux de polystyrène expansé.
Rapidité et résistance
Mais c’est surtout sa légèreté qui le rend attrayant. Sa masse volumique varie en effet entre 1 100 et 2 000 kilogrammes par mètre cube (kg/m3), alors que celle du béton classique tourne autour de 2 300 kg/m3. « Il est quatre fois plus léger que l’eau, illustre Nikola Petrov. C’est dire qu’un bloc de ce béton, si on le jette à l’eau, il va flotter. Sauf qu’à cette masse volumique, ce béton n’est pas très résistant. »
Il l’est cependant assez pour constituer des remblais légers. C’est d’ailleurs à cet usage qu’il a servi lors de la construction du nouveau pont Champlain. « C’était au printemps 2018, on devait construire des remblais en rive, mais d’importantes conduites d’aqueduc traversent le secteur, relate Raymond Côté, responsable des travaux souterrains pour Signature sur le Saint-Laurent. On ne pouvait qu’ajouter une charge minimale par-dessus. La mise en place a été très rapide. »
Si le produit a de l’avenir, il reste que son emploi est marginal. « Auparavant, les concepteurs préféraient le béton plus cher, note Nikola Petrov. Mais aujourd’hui, le climat économique a changé. Le béton cellulaire offre de nouvelles possibilités comparativement au béton classique. Il faut les exploiter au mieux. En d’autres mots, il s’agit d’utiliser le bon matériau au bon endroit. »
- Faible masse volumique
- Fluidité et facilité de pompage
- Stabilité statique et dynamique
- Isolation thermique et phonique
- Autoplaçant et autonivelant
Cet article est tiré du Supplément thématique – Infrastructures et grands travaux 2019. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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