Économes en ressources, proposant une esthétique filigrane et permettant l’utilisation de formes créatives, les membranes crées grâce à l’architecture textile présentent également des propriétés bioclimatiques et acoustiques. Aperçu de cette pratique encore sous-exploitée au Québec.
Qu’ont en commun le Biodôme de Montréal, l’Amphithéâtre Cogeco à Trois-Rivières et le Centre de découverte de Mont-Tremblant ? On y a utilisé l’architecture textile pour leur aménagement.
« C’est un marché qui est en pleine expansion. La demande est très grande et notre entreprise est en progression », se réjouit le président-fondateur de la firme montréalaise Sollertia, Claude LeBel, qui est en pleine période d’embauches.
Et pour cause ! Les avantages de ces membranes techniques tendues sur des structures légères d’acier ou de bois sont nombreux: légèreté, souplesse, rapidité d’installation, économie d’énergie, étanchéité. De plus, le textile permet la couverture de surfaces de grande envergure avec moins de matériaux qu’en construction traditionnelle.
Puis, les options géométriques très variées offrent une liberté sans limites en matière d’expression architecturale. Ajoutons à cela que ces structures textiles sont résistantes à la fois au vent, à la neige, à la pluie et à différentes intempéries. Par exemple, les toiles installées à l’Amphitéâtre Cogeco, situé au confluent de la rivière Saint-Maurice et du fleuve Saint-Laurent, sont conçues pour résister à des vents de 256 km/h. « Les membranes sont toutes aussi valables que le bois, l’acier, le verre, le béton ou d’autres matériaux traditionnels. Il faut juste les connaitre », observe Claude LeBel, qui a fondé Sollertia en 2000. Aujourd’hui, son entreprise comptant une trentaine d’employés conçoit, fabrique et installe ces structures tendues légères.
Permanentes ou temporaires, mobiles ou rétractables, les membranes tendues peuvent être autant utilisées à l’intérieur qu’à l’extérieur pour différentes applications : espaces de spectacle, halls d’exposition, chapiteaux de cirque, installations sportives, parcs, passages couverts et couvertures de scène, de gradin et d’amphithéâtre, entre autres.
Des propriétés bioclimatiques et acoustiques
Leurs utilisations sont également multiples. On peut les installer comme revêtement de façade, comme toiture de protection ainsi que comme parois et plafonds acoustiques, lumineux et structuraux.
Au Centre de découverte de Mont-Tremblant, dans les Laurentides, une grande membrane microperforée a été posée pour protéger les visiteurs du vent et des rayons de soleil. Toutefois, le rôle de cette paroi ne s’arrête pas là. « Cette structure est vraiment intéressante sur le plan esthétique. Lorsqu’il fait noir, elle devient une lanterne. Le jour et le soir, il y a tout un jeu de lumière avec les ombres de la membrane. De plus, la translucidité de celle-ci permet aux gens à l’intérieur du Centre de voir à l’extérieur et permet un éclairage naturel », raconte Nathalie Lortie, directrice de la conception et de l’innovation chez Sollertia. Les propriétés bioclimatiques de cette membrane permettent également d’optimiser le contrôle de la température à l’intérieur des bâtiments, afin d’économiser de l’énergie. « Le marché des façades bioclimatiques va exploser dans les prochaines années parce qu’il y a de grosses économies d’énergie à réaliser, avance Claude LeBel. On peut le voir avec les secondes peaux de textile tendu réalisé sur des façades de verre qui permettent des économies d’énergie allant jusqu’à 47 %. » Au Biodôme de Montréal, Sollertia a utilisé des membranes acoustiques afin d’assurer un confort sonore.
D’un peu plus d’un demi-kilomètre de long et s’élevant sur près de quatre étages, ces immenses murs ondoyants forment les couloirs de transit de l’infrastructure et les espaces de transition entre les différents écosystèmes. « Le défi le plus important était d’éviter les obstacles du bâtiment, comme la ventilation, la mécanique, les ascenseurs. Heureusement, la souplesse des textiles techniques permettait de venir créer des formes courbes et de contourner ces éléments. Nous pouvions modeler la toile comme nous le voulions dans l’espace », explique Nathalie Lortie.
« On fait tout de A À Z »
Ce sont des employés formés de son entreprise qui assemblent et installent les membranes. « Il faut des gens qui connaissent bien la membrane pour la calibrer correctement. On fait tout de A à Z pour bien contrôler notre produit », indique Claude LeBel.
Avant d’y arriver, Sollertia travaille avec des logiciels spécialisés pour analyser les membranes, travailler les bonnes formes de structures textiles et calculer les charges. Ensuite, les toiles sont fabriquées en atelier. Cinq types de membranes sont principalement utilisées : les armatures de fibre de polyester enduite de polychlorure de vinyle, les armatures de fibre de verre enduite de polytétrafluoroéthylène (PTFE), le film éthylène tétrafluoroéthylène, les armatures de fibre de verre enduite de silicone et l’armature de PTFE expansée enduite de PTFE (Tenara).
Toujours sous-exploitée
Même si Sollertia existe depuis plus de deux décennies, l’architecture textile s’avère encore peu connue et sousexploitée au Québec. Pour cette firme, le plus grand défi est donc de faire connaitre ses membranes tendues. « Nous approchons nos clients, qui sont des architectes, d’une façon éducative. Nous leur présentons par exemple ce qu’il est possible de faire. Nous voulons vraiment pousser les limites de l’imaginaire. »
Comme la mise en tension de membranes n’est pas une technique encore enseignée dans les écoles d’architecture ou d’ingénierie au Québec, les architectes ont rarement le réflexe d’avoir recours à cette membrane pour leurs projets.
Pourtant, la légèreté de la membrane, combinée à sa nature translucide et l’économie de matériaux, crée des opportunités pour des projets respectueux de l’environnement, chers aux architectes. « Ceux-ci ont beaucoup d’intérêt pour le développement durable. C’est également quelque chose qui nous tient à coeur dans l’équipe. Je tiens à avoir un impact positif dans mon milieu de vie. Cela teinte les actions de notre entreprise », affirme le président-fondateur de Sollertia.
L’avenir de l’architecture textile semble assuré puisque celle-ci suit cette forte tendance pour la réduction de l’empreinte écologique et de l’écoresponsabilité.
Cet article est tiré du Supplément thématique – Bâtiment 2022. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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