Faire place à l’aluminium dans les structures routières du Québec

12 janvier 2014

Suivant la logique du bon matériau au bon endroit, tout semble indiquer que l’aluminium s’avère un choix rentable dans le domaine des ponts et des passerelles.

Par Marie Gagnon

 

Il est léger, exige peu d’entretien et possède une valeur de revente élevée. Par ailleurs, le Code canadien sur le calcul des ponts routiers lui consacre maintenant tout un chapitre.

 

Malgré tout, le recours à l’aluminium reste marginal dans la conception de structures routières au Québec. Mis à part le pont d’Arvida, qui reste le plus long pont en son genre au monde, et quelques passerelles, l’aluminium est confiné dans le rôle d’équipement d’appoint sur le réseau routier.

 

Pourtant, ailleurs dans le monde, les exemples foisonnent depuis une quinzaine d’années. Comme le pont Forsmo, construit en 1996 en Norvège. Entièrement en aluminium, il possède une portée de 39 mètres. Deux poutres-caissons supportent son tablier. Aux Pays-Bas, les ponts Helmond et Riekerhavenburg, érigés respectivement en 1999 et en 2003, démontrent que l’aluminium peut être mis à profit dans la conception de ponts levants et à bascule.

 

On observe également aux États-Unis une tendance en faveur de l’aluminium dans le remplacement de tabliers de pont. En 2012, au Massachusetts, le tablier du pont de Sandisfield a été remplacé par une structure en aluminium extrudé, montée sur quatre poutres en acier galvanisé. Dans les pays industrialisés, le métal gris se retrouve aussi de plus en plus dans la construction de passerelles piétonnes et cyclables.

 

Les freins

Chez nous, divers facteurs ont freiné l’usage de l’aluminium dans les ponts routiers. Notamment sa faible limite élastique, des lacunes importantes sur le plan normatif et de la formation ainsi qu’un coût relativement élevé par rapport à celui du béton ou de l’acier. Des embûches qui ont été levées graduellement. D’abord, par la mise au point de nouvelles techniques d’assemblage, comme la soudure par friction-malaxage, et d’alliages d’aluminium plus résistants. Les nouveaux alliages possèdent en effet des propriétés mécaniques satisfaisantes ainsi qu’une résistance à la corrosion encore plus grande.

 

Ensuite, par l’ajout du chapitre 17 du Code canadien sur le calcul des ponts routiers, qui regroupe désormais les directives et spécifications officielles pour le dimensionnement de ponts et passerelles en aluminium, charpente et tablier compris. Sauf que les concepteurs connaissent peu le matériau et, par conséquent, hésitent à le spécifier.

 

« Les universités doivent élaborer des programmes de formation continue sur les structures d’aluminium, relève Jean Simard, président-directeur général de l’Association de l’aluminium du Canada (AAC). Comme l’a fait la Société canadienne de génie civil l’an dernier, avec une formation sur le calcul des ponts et passerelles en aluminium. Mais il reste que le principal frein à un usage plus répandu de l’aluminium, c’est son coût. »

 

Un investissement

Il avance du même souffle que, même à un coût d’acquisition plus élevé que celui du béton ou de l’acier, les pouvoirs publics ont tout à gagner en généralisant l’utilisation de l’aluminium dans la réfection des ponts routiers. En effet, au Québec comme ailleurs en Amérique du Nord, on assiste à une lente dégradation des structures de béton et d’acier. Le nombre de ponts d’après-guerre qui nécessitent aujourd’hui des interventions plus ou moins musclées serait d’ailleurs estimé à plus de 250 000.

 

Et les sommes en jeu sont faramineuses. Selon une étude commandée par l’AAC, les coûts de modernisation et de remplacement des ponts et routes en milieu urbain au Canada sont présentement évalués à 66 milliards de dollars. De son côté, Québec entend investir d’ici 2015 près de 2,7 milliards de dollars dans la conservation de ses structures routières. La pression sur les finances publiques sera bientôt insoutenable.

 

« Pour que l’utilisation de l’aluminium soit avantageuse, il faut cibler les applications où ses qualités seront mises à profit, comme son faible poids propre, sa résistance à la corrosion et sa durabilité, qui est d’environ 50 ans, souligne Jean Simard. Par exemple, dans le remplacement et l’élargissement de tabliers ou pour des éléments structuraux secondaires, comme une passerelle, des lampadaires, des panneaux de supersignalisation et des dispositifs de retenue. »

 

Selon les données de l’AAC, le recours à l’aluminium permettrait d’alléger jusqu’à 60 % le poids total du tablier. En conservant la sous-structure existante sans augmenter la charge sur les assises, il serait en effet possible de rendre à un ouvrage d’art sa capacité perdue et de prolonger sa durée de vie utile. Et d’économiser des sommes substantielles sur les frais globaux de réfection.

 

Autre avantage du métal gris : sa mise en oeuvre rapide. Le tablier, préassemblé en usine, pourra en effet être mis en oeuvre rapidement, entraînant du coup une diminution significative des entraves à la circulation. Par ailleurs, dans un environnement corrosif, le choix de poutres maîtresses, d’entretoises et de contreventements en aluminium réduira les coûts d’entretien de l’ouvrage pendant toute sa durée de service.

 

Regard sur l’avenir

« Il faut faire son choix en se basant sur le coût total de possession, conseille Jean Simard. C’est-à-dire en tenant non seulement compte des coûts d’acquisition, mais également des coûts réels d’exploitation, comme les frais de maintien et les coûts de mise au rebut. En analysant la question sous l’angle du cycle de vie, l’aluminium l’emporte haut la main. »

 

Évidemment, la culture du plus bas soumissionnaire qui prévaut dans les appels d’offres publics nuit à l’utilisation, à plus grande échelle, de l’aluminium dans les ponts routiers. Une situation à laquelle le ministère des Transports du Québec (MTQ) se dit sensible, selon son porte-parole Mario Saint-Pierre.

 

« Des travaux sont en cours à l’interne pour trouver de nouvelles applications à l’aluminium sur le réseau québécois, d’autant plus qu’il s’agit d’une ressource abondante, signale-t-il. On a également un projet- pilote qui démarre cette année. Il s’agit d’un pont de rang dans la municipalité de Saint-Ambroise. »

 

Il mentionne en outre qu’une entente de partenariat est intervenue entre le MTQ et le Centre québécois de recherche et développement de l’aluminium (CQRDA). Cet organisme a pour mandat d’organiser une veille technologique sur les ponts en aluminium et de produire un catalogue recensant les nouvelles connaissances et de les diffuser.

 

« Nous en sommes également à préparer des séminaires afin de sensibiliser les donneurs d’ouvrage aux avantages de l’aluminium, précise André Dorion, le directeur général du CQRDA. On invitera des sommités internationales provenant de Hongrie, du Japon et d’ailleurs dans le monde, à venir présenter leurs travaux et les dernières avancées dans le domaine des ponts routiers en aluminium. »

 

CINQ AVANTAGES
  • Légèreté structurelle
  • Grande durabilité
  • Rapidité de mise en oeuvre
  • Résistance élevée à la corrosion
  • Responsabilité environnementale