L’évacuation des déchets de matériaux et des résidus de construction sur les chantiers est souvent une tâche ardue pour les travailleurs. Une entreprise spécialisée en décontamination a trouvé un moyen innovant et efficace pour leur faciliter celle-ci.
L’an dernier, GSR Construction - Décontamination a inauguré la Salvas Machine, un broyeur hydraulique qui achemine les déchets de matériaux jusqu’au conteneur par aspiration.
Ce prototype peut broyer jusqu’à 1,7 tonne de déchets par heure sur les sites de démolition et de décontamination. Du béton, de la céramique, de la tuile de vinyle, du verre, du gypse, de la pierre réfractaire, entre autres, sont aspirés dans un tuyau pour terminer leur chemin dans un conteneur.
L’idée est venue à Angélique Salvas et à Martin Robichaud, respectivement présidente et vice-président de la compagnie basée à Sorel-Tracy, lors d’une fin de semaine ensoleillée à ramasser des déchets sur un chantier, il y a environ six ans.
« Nous avons dû travailler samedi et dimanche, car des employés n’étaient pas rentrés travailler pour ramasser les déchets durant la semaine. Mais je ne leur en veux pas, c’est plate d’effectuer ce travail, raconte Angélique Salvas. Je me suis demandé pourquoi n’existe-t-il pas une machine qui aspire tout directement dans le conteneur. »
Moins de sacs de plastique
Dirigée par un opérateur et un aide-opérateur, la machine remplace 14 employés qui peuvent ainsi effectuer des tâches plus stimulantes sans s’exposer à la poussière et sans devoir lever de lourde charge du sol.
En plus d’avoir un impact sur l’organisation du travail, l’engin permet l’élimination de moins de sacs de plastique dans les sites d’enfouissement. « Avant, on pouvait par exemple utiliser 1000 sacs de plastique jaunes pour ramasser les déchets. Aujourd’hui, on utilise deux immenses sacs à conteneur que l’on envoie au site d’enfouissement. L’utilisation du plastique est réduite au maximum », constate Martin Robichaud.
Trier à la source
Les déchets ne prennent pas systématiquement le chemin des sites d’enfouissement
sur les chantiers où travaillent GSR Construction - Décontamination. Si les matériaux qui se trouvent sur les terrains décontaminés sont envoyés dans ces endroits, à d’autres occasions, les déchets sont triés à la source.
Un projet pilote sur le tri à la source a connu un franc succès dernièrement en Estrie. « Les entrepreneurs ont reçu une formation des employés du centre de tri et au final les résultats ont été intéressants. Les entrepreneurs ont même affirmé vouloir répéter l’expérience. Il y a moyen de mettre sur pied ce projet ailleurs au Québec », explique l’agent de recherche à Recyc-Québec, Nicolas Bellerose.
Les entrepreneurs davantage conscientisés
À l’heure actuelle, le tri à la source est toutefois peu répandu au Québec, car cette pratique ne fait pas partie des tâches traditionnelles de différents corps de métiers présents sur les chantiers.
En effet, la plupart des déchets de matériaux finissent leur vie dans un site d’enfouissement. Selon Recyc-Québec, un million de tonnes de déchets provenant du secteur de la construction ont été acheminées par conteneurs directement à un lieu d’élimination en 2021. « C’est un million de tonnes qui pourraient être traitées assez facilement par les centres de tri », juge Nicolas Bellerose.
Le nombre de matières éliminées est en croissance de 12 % depuis 2018, mais cette tendance est sur le point de s’inverser. « Le secteur de la construction commence à être plus conscientisé sur le recyclage des matériaux et sur ce qui advient des matières. On le constate, mais c’est récent. Nous allons probablement l’observer dans notre prochain bilan », prédit Nicolas Bellerose.
De bonnes pratiques
Des pratiques de réduction à la source, dont fait partie le tri, ont été implantées sur les chantiers ces dernières années. Celles-ci permettent de réduire le gaspillage, la perte, la dégradation ou le rejet de matériaux, et ce, à toutes les étapes du cycle de vie d’un ouvrage bâti.
Avant tout, les entrepreneurs doivent établir un plan de gestion des déchets rigoureux, précisant entre autres les possibilités de réduction, de réutilisation, de réemploi et de recyclage des matériaux.
Le plan doit aussi contenir la destination des déchets, leurs modes de tri et d’entreposage. Après avoir bien établi le plan, les entrepreneurs peuvent :
- Minimiser les pertes de matériaux dans le chantier de construction
- Organiser la récupération et la réutilisation des matériaux en surplus dans le chantier de construction
- Maximiser la récupération des matériaux dans le chantier de rénovation ou de démolition
- Faire le tri des résidus de CRD dans le chantier
- Faire le suivi de la gestion des résidus de construction et de démolition
S’ils ne sont pas triés à la source, les matériaux peuvent être envoyés dans un centre de tri qui va les recycler et les revaloriser. Toutefois, plusieurs matériaux envoyés dans ces centres peuvent difficilement être recyclés ou revalorisés. C’est le cas notamment du gypse, des plastiques et du bois traité.
Par ailleurs, pour maximiser la récupération de matériaux, la déconstruction est une méthode de travail à favoriser. Toutefois, elle prend plus de temps que la démolition. « La déconstruction permet davantage de faire du tri à la source, de faire du réemploi de certaines composantes et de maximiser le recyclage », précise Nicolas Bellerose.
L’avenir nous dira assez vite si le tri à la source, la déconstruction et toutes les pratiques de réduction de matériaux ne représentent qu’un phénomène ou s’ils s’imposeront pour de bon.
Cet article est paru dans l’édition du 23 novembre 2023 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous.