Un design aérien pour le marché public de Sainte-Foy

6 novembre 2020
Par Marie Gagnon

Le marché public de Sainte-Foy s’ancre dans la permanence avec sa structure atypique et sa fenestration généreuse. Zoom sur un concept à la frontière de l’art et de l’architecture.

C’est une élégante structure de bois, de verre et de métal qui remplace depuis juillet les tentes jaunes saisonnières du marché public de Sainte- Foy. Inspiré de l’esprit des lieux, ce concept hors norme réinterprète, à travers une architecture tout en légèreté et en transparence, le mouvement et l’animation qui caractérisent les foires marchandes. Ce faisant, il bonifie l’expérience client, quelles que soient les conditions climatiques, tout en offrant aux marchands un espace sécurisé.

 

Josée Malenfant, cheffe d’équipe à la Division des grands projets de la Ville de Québec. Photo : Gracieuseté

 

Développé par CCM2, puis bonifié par Fugère Architecture, ce design atypique découle d’abord de la fonction et de l’emplacement du bâtiment, explique Josée Malenfant, cheffe d’équipe à la Division des grands projets de la Ville de Québec. « D’un côté, on voulait un bâtiment saisonnier qui reflète la dynamique propre à ce type de lieu public, dit-elle. De l’autre, on devait protéger les producteurs des intempéries et sécuriser les marchandises en dehors des heures d’ouverture. »

 

Une vitrine en mouvement

S’inscrivant dans un plan global de requalification du Plateau de Sainte-Foy, qui comprend notamment le projet de rue conviviale sur la route de l’Église, la construction du Centre de glaces et le passage du tramway dans la rue Roland-Beaudin, le bâtiment de 1 400 mètres carrés (m2) répond à ces conditions initiales par sa volumétrie longitudinale et ses murs-rideaux qui s’érigent en remparts contre les éléments. Et, de ce fait, mettent en vitrine l’activité qui se déroule entre ses murs.

 

Pour exprimer cette impression de mouvement, les concepteurs ont donné à la toiture une forme singulière : celle du paraboloïde hyperbolique, un design mis en valeur notamment par Le Corbusier et Iannis Xenakis au pavillon Philips, lors de l’Exposition universelle de Bruxelles en 1958. Ce profil particulier, rarement exploité dans un bâtiment commercial de cette envergure, représente en soi un beau défi sur le plan conceptuel.

 

Une mise en oeuvre complexe

Sa mise en oeuvre s’est toutefois avérée plus compliquée que sur papier. Il faut dire que ce toit, conçu au moyen d’une structure de bois tout comme le reste du bâtiment, est composé de nombreux angles droits. Les planches qui constituent son platelage devaient donc épouser ces différents angles tout en restant parallèles. Comme si cela ne suffisait pas, certaines colonnes sont décalées par rapport à la structure du toit, pimentant d’autant l’assemblage des différents éléments structuraux.

 

« La jonction des colonnes avec les poutres a représenté tout un défi, et il était hors de question d’utiliser des cales pour assurer la connexion, souligne Josée Malenfant. Un travail remarquable a été fait en usine par Structure Fusion. Tous les éléments se sont assemblés pile poil. De plus, comme on avait autant de connexions que d’angles, les connecteurs étaient tous différents. Encore là, le fabricant s’est dépassé. Et au bout du compte, Construction Durand a gagné du temps sur son échéancier. »

 

La forme singulière de la toiture, celle du paraboloïde hyperbolique, a été la source de nombreux défis techniques.. Photo : Construction Durand

 

Elle ajoute que cette structure complexe a poussé les concepteurs à s’engager un peu plus loin sur le chemin de l’innovation. L’intention de départ étant de concevoir un bâtiment polyvalent et flexible, les espaces marchands devaient être modulables pour suivre le rythme des récoltes. Pour résoudre cette équation, le design élimine toute colonne de soutien au centre de l’immeuble et mise plutôt sur un contreventement en périphérie.

 

Les étals devaient en outre être alimentés en eau et en électricité. Pour satisfaire cette prémisse, les concepteurs ont imaginé un treillis d’aluminium pour y camoufler les services publics. Suspendu à la structure du toit, ce treillis se complète de colonnes amovibles dans lesquelles cheminent les fils électriques et les conduites d’eau. « Si un marchand veut doubler son kiosque, il suffit d’enlever le filage et les conduites, de déplacer la colonne puis de rebrancher les services », illustre Josée Malenfant.

 

Une transparence invitante

Afin de rappeler l’ambiance chaleureuse et dynamique des anciennes tentes jaunes, le concept initial prévoyait par ailleurs un bâtiment ouvert sur tous les côtés. Cependant, les conditions du site, qui est très dégagé et, de ce fait, fortement exposé aux éléments naturels, ont amené la Ville à revoir sa position et à lui préférer un bâtiment entièrement cloisonné. Du coup, les marchands sont protégés des intempéries et leurs marchandises, à l’abri des convoitises d’éventuels malfaiteurs.

 

« Mais comme il fallait aussi donner vie au marché et l’envie aux gens d’y faire leurs achats, on a opté pour la transparence et installé des murs-rideaux sur toutes les faces, mentionne l’architecte. Les douze portes vitrées qui y donnent accès sont toutefois maintenues ouvertes pendant les heures d’ouverture. D’abord pour rendre le marché plus accueillant. Ensuite pour assurer la ventilation de l’édifice, qui n’est desservi par aucune mécanique. »

 

Josée Malenfant précise en outre que, pour optimiser la ventilation du bâtiment, le pied et la tête des mursrideaux s’appuient sur une bande d’acier perforé d’environ 15 centimètres qui laisse passer l’air mais pas la pluie. Mais qui dit mur-rideau dit également gains thermiques et éblouissement visuel. Il faut donc trouver une solution pour occulter en partie le rayonnement solaire. La solution la plus simple, et la moins couteuse, consiste à apposer une pellicule givrée dans la partie supérieure des vitrages.

 

« Mais on devait aussi intégrer une oeuvre d’art, notet- elle. On a donc changé notre fusil d’épaule et confié à une artiste, Ilana Pichon, le soin de transformer cette pellicule en oeuvre d’art. Elle s’est inspirée des fruits et légumes que l’on trouve au marché, comme des crosses de fougères, des épis de maïs et des ombelles d’oignon, et les a présentés sous forme de parterres, en créant des silences à l’emplacement des colonnes. Cette composition artistique ajoute à la légèreté de l’ensemble. »

 

DÉCALAGE TEMPOREL

COVID-19 oblige, l’inauguration du nouveau marché public de Sainte-Foy, initialement prévue pour la fête des Mères, a été reportée en juillet. Pourtant, le chantier de 5,5 millions de dollars était bien parti pour réaliser un sans-faute. Le projet avait d’abord été scindé en deux phases. La première consistait à refaire le stationnement et les travaux de fondation du futur marché. Une étape franchie à l’automne 2019, pour le cout de six millions de dollars.

 

La seconde concernait la construction du bâtiment. La structure a été réalisée en janvier et février derniers, selon l’échéancier prévu et malgré le froid mordant. Les murs-rideaux ont été installés en mars. Puis le chantier, à l’instar des autres chantiers de la province, a été suspendu. Deux mois plus tard, les travaux reprenaient, mais lils accusaient maintenant un retard, que l’entrepreneur général s’est employé à combler. Le bâtiment a finalement été livré le 30 juin. Entre-temps, le Ville a aménagé un marché temporaire le temps d’orchestrer le grand déménagement.