Pour une résilience architecturale accrue

4 novembre 2013
Par Mathieu Fleury, architecte, P.A. LEED BD+C*

Flexibilité, démontabilité et expansibilité constituent des concepts intrinsèques à toute construction durable. Si l’objectif de cette adaptabilité des bâtiments est de permettre leur ajustement à l’évolution des besoins de la société, une récente tendance avant-gardiste traite maintenant de résilience climatique : d’une possibilité d’adaptation face à des réalités environnementales futures, hypothétiques, prévisibles et extrêmes telles sécheresses, précipitations accrues, températures élevées, etc.

 

Les concepts et objectifs évoluent. Les codes, normes et standards utilisés dans l’industrie de la construction étant généralement basés sur des statistiques ou des expériences antérieures, nous construisons comme si le futur allait être similaire au passé. Face aux changements climatiques, cette approche doit changer. La plupart des programmes de certification environnementale, dans leurs efforts pour contrer les changements climatiques, demeurent essentiellement axés sur la réduction des gaz à effet de serre (GES).

 

Malgré toutes ces mesures qui sont prises pour limiter le changement climatique, la communauté scientifique nous indique que le monde va certainement devoir faire face à un certain degré de réchauffement planétaire, et ce, peu importe notre réduction d’émission de GES. Un point de non-retour serait actuellement franchi.

 

En tant qu’intervenants de l’industrie de la construction, nous devons comprendre les impacts probables de ces changements climatiques sur notre environnement construit et incorporer des stratégies d’adaptation afin que nos constructions puissent faire face à un futur incertain, possiblement caractérisé par des conditions environnementales inhabituelles et intenses.

 

Résilience architecturale

La résilience architecturale se définit comme étant la capacité d’un système bâti d’absorber les effets négatifs des changements climatiques tout en préservant ses structures et ses fonctions. Dans le contexte actuel, un système résilient doit être capable d’opérer normalement, et ce, peu importe les phénomènes météorologiques nouveaux qui peuvent survenir.

 

Pour les professionnels du bâtiment vert, l’adaptation au contexte du réchauffement climatique consiste à poursuivre l’effort afin de réduire les émissions de GES tout en améliorant les techniques d’adaptabilité. Pour ce faire, des stratégies doivent être mises en œuvre à toutes les échelles : de l’aménagement du territoire au bâtiment lui-même, jusqu’aux aménagements paysagers. Les enjeux liés à l’eau, à l’énergie et à l’approvisionnement sont particulièrement essentiels, prioritaires.

 

Adaptation aux changements climatiques

De nombreuses villes à travers le monde, dont plusieurs municipalités au Québec, de toutes les tailles, sont confrontées aux changements du climat. On peut penser à Percé, cette petite municipalité québécoise en bord de mer, qui voit son quai, sa promenade et sa grève être soumis aux grandes marées maintenant que la mer n’y gèle plus en hiver. Les habitants de l’endroit sont parmi les premiers témoins d’un des effets les plus tangibles des changements climatiques. 

 

De nombreuses villes d’importance font également face  à ces conséquences, notamment en ce qui a trait à la  gestion des eaux pluviales. Leurs systèmes de drainage des eaux de pluie fonctionnent à pleine capacité et l’ampleur des précipitations tend à augmenter. Dans ces circonstances, la gestion in situ des eaux pluviales devient de première importance. La récupération des eaux de pluie permet également une résilience en maintenant l’apport d’eau disponible lors de longues périodes sans précipitation.

Les prédictions météorologiques indiquent que le réchauffement affectera tant la saison estivale qu’hivernale. Au niveau énergétique, si le réchauffement permettra de réduire le chauffage requis pour nos bâtiments, il entraînera une forte augmentation du besoin de climatisation en été.

 

Besoin de climatisation accru

La mise en place de systèmes d’occultation solaire couplés de systèmes de ventilation naturelle peut permettre de limiter l’augmentation de la demande énergétique des bâtiments pour le refroidissement. La mise en place de végétation, au sol et sur les toitures, permet de réduire l’effet d’îlot de chaleur qui vient décupler la chaleur engendrée par le réchauffement atmosphérique en milieu urbain.

 

Les impacts des changements climatiques sur les systèmes énergétiques pourraient affecter tant l’approvisionnement que la demande. La crise du verglas qu’a connue le Québec est un bon exemple de conditions météorologiques extrêmes affectant l’approvisionnement. En intégrant aux bâtiments des systèmes de production électrique in situ, ceux-ci deviennent indépendant du réseau et conséquemment résilients face à une situation qui compromettrait celui-ci. Notre électricité étant dépendante de l’eau, une modification hydrologique à la suite d’un réchauffement pourrait affecter la capacité de production d’Hydro-Québec.

 

Infrastructures de transport touchées

Les changements climatiques risquent également d’affecter les infrastructures de transport. Le transport terrestre, maritime et aérien joue un rôle essentiel dans l’interconnexion des communautés de même que pour l’approvisionnement de celles-ci en matériels et denrées. Les fortes précipitions, la hausse du niveau des océans, la fonte des glaces constituent  des réalités qui peuvent affecter le transport en diminuant la fiabilité et la sécurité des déplacements tout en augmentant de manière significative les coûts opérationnels.

 

Afin d’être résilients, les bâtiments doivent limiter au minimum leurs besoins en ressources matérielles (réduction de l’utilisation de papier ou autres) et conséquemment minimiser leur production de matières résiduelles qui nécessite du transport. L’intégration de cultures maraichères aux aménagements paysagers constitue également une approche intéressante et viable.

 

Si aujourd’hui nous concevons et construisons nos bâtiments de manière à en minimiser les impacts environnementaux, l’architecture de demain devra aller encore plus loin dans cette recherche de solutions : des bâtiments à faible empreinte écologique, conçus pour résister aux fluctuations extrêmes de l’environnement tout en demeurant pleinement fonctionnels, autonomes et solides. Dans cette perspective, la solidité implique beaucoup plus que la résistance structurale : elle signifie la résilience d’une communauté, sa capacité de continuer à fonctionner à travers des réalités changeantes, parfois difficiles et souvent surprenantes.

 


L’auteur est architecte pour la firme Vachon & Roy à GaspéOn peut communiquer avec lui par courriel à mfleury@vachonroyarchitectes.com. 

Conseil du bâtiment durable du Canada - section du Québec

Cette chronique est parue dans l’édition du vendredi 27 septembre 2013 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !