Une solution pour gérer les eaux de ruissellement

31 juillet 2013

Une nouvelle solution permettant de gérer les eaux de ruissellement sans aménager de bassins de rétention.

Par Jean Garon

 

La compagnie Techo-Bloc a investi près de un million de dollars en 2011 pour mettre au point et à l’essai un nouveau procédé de pavage perméable utilisant son pavé drainant INFLO de type monolithique en béton. Il s’agit d’une solution écologique brevetée pouvant endiguer le problème de ruissellement des eaux de surface sur les chaussées, notamment celles des aires de stationnement.

 

Le projet de Techo-Bloc a consisté à concevoir un système de gestion du ruissellement à travers la structure de la chaussée, en installant toute une infrastructure de pavage perméable sur une surface de près de 400 000 pieds carrés dans la cour de manutention et de stockage de l’usine Stonedge à Chambly. Pour ce faire, il a fallu relever plusieurs facteurs pouvant influencer la capacité de drainage et la capacité portante du sol, ainsi que les coûts de réalisation. Une étude de sol effectuée au préalable sur le site a d’abord permis de déterminer que celui-ci avait une faible perméabilité, une faible capacité portante, une faible résistance au cisaillement, ainsi qu’un module de résilience très faible (3 000 psi ou 21 MPa).

 

Les concepteurs de Techo-Bloc ont par la suite basé leurs calculs sur les occurrences de précipitations de 50 années à Saint-Hubert (45 mm/h en moyenne), afin de régler le débit des drains branchés au réseau d’égout pluvial de Chambly. Le débit admissible à l’égout public était de 0,0129 mètre cube/seconde par hectare (m3/s/ha), ce qui représente au total un débit admissible de 0,0577 m3/s pour les 4,4 hectares ainsi développés.

 

En l’absence du système de rétention du ruissellement en structure de chaussée ainsi installé, le débit théorique du terrain développé aurait pu apporter à l’égout pluvial un débit beaucoup plus élevé que celui prescrit par la municipalité. Fait à noter, la capacité de rétention requise pour ce projet s’élevait à 1 571 m3, alors que la capacité de rétention finale, après construction du système, totalise 2 672 m3 en raison des contraintes structurales apportées par le contexte d’utilisation de la chaussée.

 

De plus, une estimation du trafic de l’aire de stockage soumis à un usage intensif de 2,1 millions de ECAS (1 ECAS = 1 passage d’un essieu à roues doubles avec une charge de 18 000 livres) avait permis de concevoir le système avec une durée de vie utile potentielle de 40 ans. Enfin, une estimation des coûts a été faite sur la base de trois options de pavage. La première concernait un pavage conventionnel avec rétention souterraine en conduite ; la deuxième, un pavage conventionnel avec rétention en surface ; et, la troisième, un pavage perméable avec rétention en chaussée, celle de Techo-Bloc. Selon ces options, le coût du projet revenait respectivement à 95 $/m2, 60 $/m2 et 62 $/m2.

 

C’est l’option du pavage perméable de Techo-Bloc qui a été retenue, pour un coût total quelque peu supérieur à 2,7 millions de dollars. Les travaux ont été exécutés en plusieurs étapes. Il a d’abord fallu excaver 75 centimètres de sol sur toute la superficie de la cour. Une membrane géotextile filtrante de type III a ensuite été installée, puis recouverte d’une couche de 50 millimètres de pierre concassée de 9 mm (3/8 po). Un réseau quadrillé de drains perforés de 150 mm a été ajouté et ajusté à un régulateur de débit branché à la conduite pluviale municipale. Le réservoir de rétention a été constitué d’une couche 508 mm de pierre concassée de 20 à 75 mm (1 à 3 po) recouverte d’une couche de 100 mm de pierre concassée de 5 à 14 mm légèrement compactée. Notons que la masse d’air entre les granulats représente près de 40 % de l’espace entre les pierres.

 

Le pavage a été finalement complété par la pose des pavés INFLO (100 mm d’épaisseur x 200 mm de largeur x 300 mm de longueur), puis les joints remblayés par de la petite pierre nette de calibre 2,5 à 10 mm. L’inclinaison du pavage perméable de ce projet ne dépasse pas 1 %. À noter que ce concept est efficace dans des pentes pouvant aller jusqu’à 5 %.

 

Notons également au passage que l’installation du pavé INFLO peut se faire manuellement ou mécaniquement. Cette dernière option se fait à l’aide d’une machine conçue spécialement à cette fin : le Grappin TB-100si, qui s’installe sur le bras d’une pelle excavatrice régulière sur roues. Il permet la pose d’une rangée de 8 pi2 de pavés à la fois, soit l’équivalent de 80 à 85 palettes par jour ou 5 000 à 6 000 pi2 par jour.

 

Une approche originale

Le concept de pavage perméable n’est pas vraiment nouveau, convient Éric Dion, représentant technique chez Techo- Bloc. Diverses solutions sont effectivement utilisées depuis plusieurs années en Angleterre, dans les états du sud des États-Unis, à Toronto et Vancouver. Techo-Bloc s’en est inspiré pour développer sa propre solution, en fabriquant le premier pavé perméable de type commercial comportant un système intégré de mortaises et tenons. Il est à noter que l’expérimentation du projet de Chambly constitue une première au Québec pour un projet de cette ampleur.

 

Solution pour gérer les eaux de ruissellement - Photo de Techo-Bloc

 

L’idée derrière le concept est de favoriser l’infiltration d’eau dans le sol au lieu de la diriger vers les canalisations d’égout ou les cours d’eau, comme c’est le cas depuis l’avènement de l’urbanisation. En fait, l’eau s’infiltre entre les pavés pour s’accumuler dans le granulat de l’infrastructure du pavage. Une partie de cette eau est filtrée par une membrane géotextile, en retenant la plupart des matières polluantes accumulées à la surface du pavage, avant d’être absorbée dans le sol. La partie excédentaire est collectée par des drains installés sous le pavage, puis dirigée vers l’égout pluvial municipal. Cela a donc pour effet d’améliorer la gestion des eaux pluviales tout en diminuant les surcharges des infrastructures existantes, surtout lors de fortes pluies, en plus de procurer une solution durable écologique et économique.

 

En bout de ligne, fait remarquer Éric Dion, il en résulte moins de risques de refoulement d’égout, moins de contamination des cours d’eau, moins d’eaux de ruissellement à traiter et moins d’investissements pour amender ou grossir les infrastructures d’égout ou construire des bassins de rétention.

et économique.

 

Pour ce qui est de l’entretien, il suffit généralement de passer le balai mécanique deux à quatre fois par année et de remplir les joints avec le granulat manquant, soit avec le granulat amassé et tamisé (recyclé), soit avec du granulat neuf. Pour éviter d’égratigner ou d’abîmer les pavés, il est conseillé d’utiliser des lames de déneigement munies de patins ou de glissières. En cas de colmatage du granulat de surface pouvant diminuer la capacité d’infiltration, il suffit d’aspirer le granulat et d’en réinstaller une nouvelle couche.

 

Éric Dion souligne que d’autres recherches sont présentement menées avec l’École de technologie supérieure (ÉTS) sur le système de pavé INFLO. Elles visent à peaufiner les modèles mathématiques sur la capacité d’infiltration des pavés et leur stabilité en surface grâce à leurs mortaises et tenons.