Carboneutralité et travaux de tunnels : un fossé à combler pour un Québec durable

4 juillet 2024
Par Benoit Poirier

Les travaux de creusage de tunnels ont un impact bien réel sur l'environnement. Qu'elles soient réalisées avec de la dynamite ou à l'aide d'un tunnelier, ces activités émettent une grande quantité de gaz à effet de serre. Or, l'industrie s'en soucie peu dans un Québec qui, pourtant, vise la carboneutralité.

Ben Amor, professeur agrégé au Département de génie civil et de génie du bâtiment de l’Université de Sherbrooke, s’en étonne et le déplore. « Lorsque nous nous sommes penchés sur la problématique, nous nous sommes rendu compte que personne n’avait évalué les impacts environnementaux du cycle de vie des méthodes de creusement d’un tunnel. Je trouvais cela surprenant que, dans un cas où nous allons voir de plus en plus d’ouvrages souterrains comme la ligne bleue du métro de Montréal, par exemple, nous nous retrouvons en terrain vierge. C’est comme quelque chose qui n’existe pas, alors que c’est une grande part de l’équation. »

 

Le professeur, qui est également directeur du Laboratoire interdisciplinaire de recherche en ingénierie durable et en écoconception (LIRIDE), effectuait alors avec son équipe une étude comparative des deux méthodes de creusage sur une distance d’un kilomètre et demi.

 

« Le développement d’une expertise commence à devenir important, s’alarme-t-il, surtout que, ne l’oublions pas, le secteur des transports et des infrastructures est celui qui est le plus polluant au Québec. » L’électrification, observe Ben Amor, tient actuellement le haut du pavé sur la place publique. « Mais les infrastructures qui supportent ces transports-là ont, elles aussi, leur part du gâteau en ce qui concerne le gaz à effet de serre. Nous n’avons pas le choix. Parce que la réduction des impacts par rapport au transport, ça ne concerne pas juste le transport lui-même, mais aussi les infrastructures, qui sont là pour plusieurs années. »

 

Ben Amor, professeur agrégé au Département de génie civil et de génie du bâtiment de l’Université de Sherbrooke et directeur du LIRIDE. Crédit : LIRIDE

 

La construction d’une infrastructure est très énergivore et très polluante, insiste-t-il. Ainsi, souligne-t-il, toutes les émissions de l’infrastructure se font durant la production de l’ouvrage et non lors de son utilisation. « On travaille sur le choix des matériaux pour les routes, par exemple. Mais quand on arrive au creusage, on ne fait rien. Un tunnel a une durée de vie, disons, d’une centaine d’années. Les matériaux que l’on choisit sont bons pour 30 ou 40 ans. Donc, l’impact carbone de ces matériaux se fait aujourd’hui, parce qu’on ne peut plus les changer avant les 40 prochaines années. »

 

Tu tires ou tu pointes ?

« Le tunnelier offre cette possibilité-là en ce qui a trait à la rapidité du chantier comparativement au dynamitage. Si ce sont des roches friables, on peut facilement utiliser un tunnelier. Mais quand on tombe sur des roches plus dures, ça devient un peu plus compliqué », explique Ben Amor. « On trouve de gros tunnels surtout en Europe. Nous n’en voyons pas encore beaucoup au Canada, parce que nous avons une géologie relativement simple. Dans le cas du REM, à Montréal, c’était une distance très courte. Le recours à un tunnelier n’était pas nécessairement justifié. Mais c’est sûr que, quand même, ça fait un beau travail au niveau de l’exécution. »

 

Laquelle des deux méthodes est susceptible d’avoir l’empreinte carbone la plus marquée ? La fabrication d’un tunnelier exigeant énormément d’énergie et de matériaux, note l’étude du LIRIDE, son impact écologique peut être amoindri, voire déclasser le recours à la dynamite, pour un ouvrage d’envergure ou s’il est utilisé sur plus d’un chantier. Plus un tunnel à excaver est long, plus les répercussions environnementales seront amorties, comparativement à la méthode classique, dont l’empreinte s’accroît lors de son utilisation et non de sa fabrication.

 

LE LIRIDE. QU’EST-CE QUE ÇA MANGE EN HIVER ?

Affilié à l’Université de Sherbrooke, le Laboratoire interdisciplinaire de recherche en ingénierie durable et en écoconception a développé une expertise multidisciplinaire et interuniversitaire liée à l’analyse du cycle de vie (ACV) et l’économie circulaire et leurs applications dans les secteurs, entre autres, de la construction, de l’énergie et des matériaux.

Reconnu internationalement pour ses travaux, le LIRIDE, dans sa volonté de soutenir l’industrie, les PME et les organisations dans leur engagement vers un véritable développement durable, peut-on lire sur le site de l’organisme, maintient plusieurs collaborations avec cinq chaires de recherche industrielle : la Chaire SAQ de valorisation du verre (UdeS); la Chaire CRSNG sur le développement et l’utilisation du béton fluide à rhéologie adaptée (UdeS); la Chaire industrielle de recherche sur la construction écoresponsable en bois – CIRCERB (ULaval); la Chaire de gestion du secteur de l’énergie (HEC Montréal); et la Chaire de recherche industrielle CRSNG – Canlak en finition des produits du bois d’intérieur (ULaval).