Le projet de restauration et de réhabilitation du Monastère des Augustines à Québec a fait appel à du génie inspiré afin d’assurer une parfaite intégration de la mécanique à l’architecture. La conservation de ce bâtiment vieux de plusieurs siècles pourrait faire école en matière d’innovation, conjuguant la modernité de sa nouvelle vocation avec la pérennité de son héritage culturel.
Les efforts de l’équipe de professionnels responsable des plans d’interventions, dans un souci de développement durable, se sont notamment traduits sur le plan énergétique. Parmi les mesures qui ont dû être adoptées afin de maximiser l’efficacité et l’économie d’énergie : l’installation d’un système de chauffage et de climatisation géothermique pour desservir l’ensemble du Monastère, nécessitant d’ailleurs l’implantation d’un champ de puits géothermiques sous le stationnement.
Devant être aussi réversibles qu’invisibles, les interventions électromécaniques ont posé plusieurs défis. L’absence d’entre-plafond pour installer des gaines de ventilation a poussé les ingénieurs à se servir des foyers et des escaliers comme conduits. En fait, les combles du Monastère ont été utilisés comme salle de mécanique, toute la tuyauterie et les gaines de ventilation qui alimentent les pièces séparément y étant insérées. Des roues thermiques ont aussi été ajoutées au système pour récupérer la chaleur par l’évacuation de l’air vicié, alors que la ventilation est assurée simplement par le déplacement de l’air.
Utilisée comme masse thermique, la structure non isolée en maçonnerie a également été mise à contribution dans le calibrage de la climatisation. À titre d’exemple, la passerelle structurale dans le hall bénéficie d’une climatisation radiante permettant de compenser la charge supplémentaire d’un hall vitré de plus de 10 mètres de haut.
Concrètement, l’apport en climatisation radiante froide a permis de limiter la capacité de refroidissement du système à 100 tonnes au lieu des 225 tonnes normalement requises pour un bâtiment de cette envergure.
L’architecte chargé de projet, Dany Blackburn, de la firme ABCP Architecture, retire une grande fierté de ce projet dans lequel il a oeuvré de 2011 à 2015. « C’est mon plus beau projet de restauration à vie, dit-il. J’y ai beaucoup appris au plan conceptuel, en composant avec la réalité de cinq bâtiments construits à des époques différentes s’étendant de 1645 à nos jours. »
Conjuguer le présent et le passé
Un autre grand défi rencontré aura été de composer avec la découverte des plus vieilles fondations de l’Amérique du Nord à l’emplacement prévu pour la salle de mécanique principale. Un nouveau concept électromécanique a dû être élaboré afin de les préserver et les mettre en valeur. L’architecte souligne à ce propos que « c’est la partie du projet qui nous a causé le plus grand souci. Il a fallu déplacer cette salle plus loin vers un espace en sous-sol creusé à même le roc, tout en respectant le caractère des lieux ».
Malgré l’ajout de climatisation et la transformation du mode de chauffage, les ingénieurs se sont assurés de maintenir le point de rosée à l’intérieur des murs existants afin de ne pas altérer la durabilité du Monastère. Ils ont même réussi à créer un environnement s’approchant des conditions muséales dans les salles d’exposition en ne modifiant pas l’enveloppe et en conservant les fenêtres à simple vitrage.
Globalement, ce projet a commandé un investissement de 42 millions de dollars. Outre cette intégration adaptée de la mécanique à un vieux bâtiment, le mandat incluait une foule d’interventions, dont la restauration des toitures et des façades des ailes anciennes, la réfection des fenêtres et contre-fenêtres, l’ajout d’escaliers, la mise aux normes du bâtiment, la réfection structurale, la restauration et le réaménagement des espaces intérieurs des voûtes jusqu’aux combles, la conversion des anciennes cellules en chambres contemporaines, la restauration des finis, la restauration de mobilier intégré, l’aménagement paysager et la démolition de tunnels, du hall existant et d’autres bâtiments accessoires.
Un travail d’équipe
La collaboration étroite entre l’architecte et les autres intervenants a permis de minimiser la démolition et de maximiser la récupération d’éléments existants. À titre d’exemple, plusieurs radiateurs en fonte ont pu être restaurés et convertis en chauffage électrique. En outre, tous les éléments de parquet et de plafond qui devaient être enlevés pour y passer les tuyaux et les fils ont été numérotés et réinstallés.
Bref, les solutions apportées devaient être aussi efficaces qu’ingénieuses, question de ne pas se faire intrusives et de respecter les caractéristiques architecturales du Monastère. La récolte de plusieurs prix d’excellence par le projet, dont un Grand Prix dugénie-conseil québécois, n’est donc pas une surprise. Selon l’architecte Dany Blackburn, « le point dominant expliquant la réussite du projet a été le rôle d’intégrateurs des architectes avec les différentes équipes de spécialistes et les autorités pour bien expliquer les problématiques de restauration et de conservation ».
Gestion de projet : Strategia Conseil
Architecture : ABCP
Ingénierie en mécanique et électricité : CIMA+
Ingénierie en structure et civil : WSP
Gérance de construction : Pomerleau
Architecture du paysage : WAA
Cet article est tiré du Supplément thématique – Bâtiment 2017. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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