22 décembre 2017
Par Léa Méthé Myrand

Les fabricants de matériaux doivent faire face à de nouvelles attentes de la part des concepteurs et donneurs d’ordres. Question de se démarquer sur la scène du bâtiment durable, ces derniers exigent désormais davantage de transparence concernant les impacts environnementaux des produits et matériaux de construction.

Un premier appel a été lancé cet automne par 15 firmes d’architecture réunies sous la bannière de l’Initiative québécoise pour des matériaux de construction durable, pilotée par le Conseil du bâtiment durable du Canada - section Québec (CBDCa-Qc). La demande adressée aux fabricants québécois est claire : ceux-ci doivent entreprendre les démarches de divulgation des impacts environnementaux nécessaires à l’admissibilité de leurs produits dans les programmes de certification LEED V4, WELL et Living Building Challenge. « On conseille aux fabricants d’entamer les démarches maintenant, car ceux qui n’embarquent pas vont se retrouver devant des portes fermées, dit Paul-Antoine Troxler, directeur de l’éducation et de la recherche au CBDCa-Qc. Tous ceux qui l’ont déjà fait sont très contents. »

 

Le domaine du bâtiment durable privilégiait jusqu’ici les matériaux en fonction d’attributs spécifiques comme la provenance locale ou les ressources renouvelables. L’heure est aujourd’hui à l’analyse du cycle de vie (ACV). Cette dernière consiste en une étude multicritère de toutes les retombées écologiques; de l’extraction de la matière première à la fin de vie du produit. Les entreprises sont également invitées à produire des déclarations sanitaires de produits où sont listés tous les ingrédients et les risques qu’ils posent pour la santé.

 

Équipés de la fiche synthèse de l’ACV, les professionnels seront éventuellement en mesure de comparer les mérites des différentes options, et de spécifier les produits en fonction de leur empreinte environnementale.

 

Il reste toutefois du chemin à parcourir. Les certifications émises par Green Business Certification, pour l’instant, exigent des participants une colligation de l’information. Le programme LEED V4, par exemple, octroie un crédit pour le cumul de 20 déclarations environnementales de produits, sans égard aux performances de ceux qui sont visés. Il s’agit d’inciter les fabricants à réaliser des ACV et à publier leurs résultats, pour ensuite se donner la possibilité de faire l’étalonnage des produits.

 

Prendre un nouveau tournant

La fonderie québécoise Bibby Ste-Croix a complété la démarche et publié des déclarations environnementale et sanitaire de produits. Ses raccords de tuyauterie en fonte recyclée étant conformes aux critères du Living Building Institute, l’entreprise a également obtenu son label Declare en novembre. « Les fonderies sont souvent perçues comme des usines polluantes, explique Jean-Pierre Meloche, représentant des ventes au Québec et dans les Maritimes.

 

Nos systèmes sont devenus beaucoup plus performants et nous avons la chance d’avoir un produit fait à 98,1 % de matière recyclée et 100 % recyclable. Nous avons fait ça pour démontrer à notre clientèle que notre production est verte et pour nous distinguer des produits chinois de moindre qualité qui peuvent contenir des substances radioactives. »

 

La réalisation d’une analyse du cycle de vie d’un produit, bien qu’exigeante, se veut constructive pour les fabricants. Des firmes spécialisées pilotent l’exercice en suivant un protocole rigoureux conçu par l’Organisation internationalede normalisation. La démarche est validée par un tiers parti qui cautionne et publie la fiche synthèse. « Il s’agit d’un investissement en temps et en argent dont les retombées restent difficiles à quantifier pour l’instant, dit Jean-Pierre Meloche. La transparence, c’est important. Ce n’est pas encore une nécessité dans le marché actuel et je trouve que ça n’avance pas assez vite, mais j’ose croire que l’avenir se trouve là. »

 

Outre l’avantage compétitif, l’ACV permet d’identifier les intrants ou procédés qui posent problème sur le plan environnemental ainsi que les solutions permettant d’y remédier. La réflexion sur les pratiques d’extraction, la toxicité des ingrédients et l’efficacité énergétique est valorisée par les nouveaux processus de certification. Elle peut également aboutir à une optimisation des procédés, des économies d’échelle, une diminution des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs.

 

Pour que les professionnels évoluant dans le milieu du bâtiment durable au Québec puissent continuer de spécifier des produits québécois dans leurs projets, il est impératif que les producteurs emboitent le pas. De fait, un groupe d’importants donneurs d’ordres s’apprête à joindre sa voix à celle des concepteurs pour inciter les fabricants à l’action.

 

« Ces donneurs d’ordres ont des carnets de commandes importants et peuvent avoir le même effet de levier que les architectes, explique Paul-Antoine Troxler. Pour eux, s’associer à l’Initiative québécoise pour des matériaux de construction durable est une manière de se démarquer comme acteur du bâtiment durable et de se placer à l’avant-garde. »

 


Cet article est tiré du Supplément thématique – Bâtiment 2017. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !