Dans les coulisses du tunnel du Mont Royal

4 juillet 2024
Par Sandra Soucy

Avec un taux d'avancement à l'intérieur du tunnel de 82 %, c'est un véritable cap symbolique qui vient d'être franchi pour le Réseau express métropolitain (REM).

C’est une étape décisive qui se termine en raison des travaux d’envergure et des aléas multiples liés à la régénération du tunnel centenaire. Un chantier hors norme, pour le moins que l’on puisse dire, avec ses nombreux enjeux rencontrés en cours de route causés notamment par la vétusté de l’infrastructure physique du tunnel. D’entrée de jeu, Jean-Philippe Pelletier, directeur principal, Phase Ouest pour CDPQ Infra, résume en quelques points les principales étapes de ce projet colossal : « En 2015, la Caisse de dépôt et le Gouvernement du Québec parviennent à une entente pour la création de CDPQ Infra dont l’objectif visait à mettre sur pied un projet qui allait répondre à trois grands besoins, à savoir, la mobilité sur la Rive-Sud, la mobilité vers l’Ouest-de-l’Île et la création d’un lien avec l’aéroport de Montréal. Par la suite, diverses solutions ont été développées afin de déterminer le tracé du projet REM tel qu’on le connaît aujourd’hui. 2018 marquera l’étape où d’importants contrats ont été signés, ce qui mènera à la phase construction qui depuis bat son plein. Juillet 2023 a connu la mise en fonction d’un premier tronçon représentant 16 des 67 km du réseau au profit des gens de la Rive-Sud. Et pour ce qui est de la mise en service des branches Nord et Ouest ainsi que de l’antenne aéroport, celles-ci sont toujours en travaux. »

 

Jean-Philippe Pelletier, directeur principal, Phase Ouest pour CDPQ Infra. Crédit : CDPQ Infra

 

Entreprendre des travaux d’une telle complexité pour ce qui représente le plus grand projet de transport collectif au Québec depuis les 50 dernières années — et dont le coût s’élève maintenant à tout près de huit milliards de dollars — ne saurait se faire sans de multiples mises à jour. Jean-Philippe Pelletier est bien placé pour en parler : « Autant nos échéanciers que les coûts du projet sont régulièrement mis à jour depuis 2018. Mais considérant l’état très avancé du tunnel du mont Royal, “chemin critique” du projet à ce jour, nous avons bon espoir de pouvoir avancer une date de mise en service au cours de 2025 pour toute la phase Ouest. »

 

Des signes d’avancées qui se multiplient

Une fois les travaux du tunnel du mont Royal complétés, le projet fera son entrée dans une nouvelle phase de son développement avec son volet « essai » en collaboration avec le Groupe des partenaires pour la mobilité métropolitaine (GPMM). « Ce qui ne sonne pas pour autant l’achèvement du projet, fait remarquer Jean-Philippe Pelletier. Le GPMM devra déployer ses trains et commencer les essais dynamiques afin de s’assurer qu’ils atteignent les performances souhaitées. Restera à intégrer le nouveau réseau situé au nord de la montagne avec celui déjà en service sur la Rive-Sud. »

 

Agustin Rey, directeur tunnel mont Royal pour NouvLR. Crédit : REM/NouvLR

 

Quoi qu’il en soit, force est de reconnaître que tout le travail accompli quotidiennement à l’intérieur d’une telle infrastructure représente un exploit. Selon Jean-Philippe Pelletier, nulle part au Canada, voire en Amérique du Nord, il n’existerait de projets réalisés aussi rapidement en termes d’ampleur et de déploiement. Agustin Rey, directeur tunnel Mont-Royal pour NouvLR est bien d’accord : « J’ai travaillé auparavant sur bon nombre de projets internationaux, dont celui du métro de Riyad. Et je peux affirmer que ce qu’on a réussi à faire, ici, au Québec, en si peu de temps, avec toute l’expertise dont on dispose et la confiance de notre client, demeure quelque chose d’absolument incroyable »! »

 

De nombreux défis

Un tunnel creusé en 1912 et mis en service en 1918 concentre bien évidemment de multiples enjeux en raison, notamment, de la vétusté de son infrastructure, mais pas que »! Jean-Philippe Pelletier révèle l’ampleur du défi que l’on pourrait certainement qualifier de titanesque : « Il s’agit d’une rénovation qui se traduit par une transformation complète de l’infrastructure qui auparavant accueillait 60 trains par jour et qui, avec le REM, passera à 500 trains quotidiens. De toute évidence, ce ne sont pas les mêmes prérequis en matière de sécurité qui sont exigés pour l’utilisation de cette infrastructure. À titre d’exemple, il a fallu retirer l’ensemble de l’infrastructure, et la seule chose qui a été conservée, c’est le roc. Ce qui veut dire que toutes les infrastructures techniques ont été reconstruites à partir de zéro »! »

 

À CONSULTER

 

Et c’est sans parler de la dégradation prématurée du tunnel, ni des charges explosives centenaires découvertes en cours d’excavation. Et la liste est loin d’être exhaustive. Un projet qui se démarque sur toute la ligne, soutient Agustin Rey, et qui incarne le parfait exemple de ce que veut dire aller dans une même direction : « Nous avons trouvé un problème, nous avons parlé avec notre client, et nous avons trouvé une solution ! Un exemple ? En collaboration avec la CNESST et la CPQ, nous avons décidé que la meilleure façon de travailler en toute sécurité était d’utiliser des équipements contrôlés à distance pour effectuer, notamment, des forages, ce qui a constitué, sans nul doute, notre plus grand défi. Imaginez le forage de 60 000 trous, chacun bien à sa place, exécutés à l’aide d’équipements contrôlés à distance. Inutile de préciser que cette technique prend beaucoup plus de temps. Au moins, elle est sécuritaire. »

 

« Tout ça dans le cadre d’une conjoncture pandémique internationale jamais vue depuis 100 ans qui a forcément impacté le quotidien sur nos chantiers et qui a complètement bouleversé la chaîne logistique », tient à rappeler Jean- Philippe Pelletier.

 

Bien d’autres défis dignes de mention s’ajoutent à la liste, notamment la non moins problématique installation de 700 km de câble dans un tunnel de 5 km qui ne dispose que d’une seule entrée. « Un enjeu logistique sans pareil auquel il a bien fallu faire face », relate Agustin Rey. D’où l’idée de relever le défi à l’aide d’une usine ambulante spécialement conçue pour le tunnel.

 

Un train-usine sur les rails

Un « train-usine » destiné au transport du personnel et des équipements a été conçu sur mesure pour ce chantier atypique. Crédit : REM/NouvLR

 

Comme son nom l’indique, il s’agit d’une véritable usine ambulante destinée à transporter personnel et équipements qui a été conçue sur mesure pour répondre aux exigences les plus contraignantes de ce chantier en tous points atypique. Inspiré du concept de tunnelier, ce procédé d’usine roulante, sorte de locomotive dont chacun des wagons servira pour accomplir différentes tâches, comporte une salle à manger et des sanitaires et dispose d’une grande capacité d’entreposage de matériaux de sorte que, lorsqu’une équipe entre dans le tunnel, elle n’en sort pas avant la fin de son quart de travail. « Une fois en marche, le train s’arrête là où il faut installer les câbles, l’éclairage ou autre, ce qui nous permet d’optimiser l’entrée et la sortie des équipements, et aussi d’être plus performants », explique Agustin Rey.

 

« Le volet infrastructure étant terminé, nous pouvons reconnaître que l’ensemble des risques est maintenant derrière nous à ce stade-ci du projet, s’enthousiasme Jean-Philippe Pelletier. Les essais dynamiques sur l’antenne Deux-Montagnes débuteront le 17 juin et les tests devraient se déployer tranquillement, ce qui veut dire que nous pourrons vraisemblablement aller frapper à la porte du tunnel du mont Royal ! »