Le projet était ambitieux, les défis multiples et les délais serrés. Sans compter un imprévu de taille. Mais la volonté première et l’engagement de chaque intervenant se sont avérés inébranlables. Et leur collaboration exemplaire. Petit récit d’un chantier d’avant-garde mené vers l’excellence.
Ce qui allait s’avérer une grande aventure a été entrepris par le président-directeur général du Collège Sainte-Anne, Ugo Cavenaghi, dont d’aucuns saluent l’engagement : doter l’institution d’un campus carboneutre, soit celui situé à Dorval, sur l’île de Montréal.
« La commande est venue de notre PDG, car il est un visionnaire et parce qu’à l’ère dans laquelle nous vivons, c’est ce qui a le plus de sens. Parce que c’est le futur, que c’est plus écologique et que ça fait partie de ce que l’on veut enseigner aux prochaines générations », explique Isabelle Valiquette, directrice des Ressources matérielles et développement durable du Collège.
L’ingénieur Martin Roy, LEED Fellow, cofondateur et président de la firme Martin Roy & Associés (MRA), se désole que certains clients fassent des demandes sans trop y croire ou à tout le moins pour montrer qu’ils peuvent être plus vertueux qu’ils ne le sont en réalité. « Ce n’est vraiment pas le cas de Hugo et de son équipe. Ce projet-là, oui en ce qui concerne le bâtiment, la construction, c’est exceptionnel. Mais ce qui l’est encore plus, c’est le projet école, la façon dont ils voient l’enseignement, la visée sociale de participer à l’effort collectif lié aux changements climatiques. »
Une invitée surprise
À chaque réunion du groupe de travail réunissant professionnels, entrepreneurs et enseignants, le concept de la nouvelle école secondaire à faible consommation énergétique se précisait. Le projet était sur les rails. Jusqu’à ce qu’au printemps 2020, un incendie ravage l’immeuble patrimonial qui abritait l’école primaire. La perte a été totale.
L’équipe, qui regroupait maintenant les firmes de génie- conseil MRA, CDGU, NCK et LGT, l’entrepreneur général JCB Construction et, bien entendu, Atelier Pierre Thibault et Architecture49, qui étaient à la base du projet, s’est immédiatement mobilisée.
Cet investissement d’ensemble de quelque 50 M$, pour lequel la durabilité demeurait l’objectif, comportait maintenant la nouvelle école secondaire de quatre étages, un nouveau pavillon préscolaire et primaire et la récupération de deux ajouts construits dans les années 1970 et 1980, qui avaient été sauvés des flammes et que l’on appelle le bâtiment B.
Conception à carbone zéro
De l’enveloppe performante à la production de chaleur avec des thermopompes aérothermiques, en passant par les capteurs photovoltaïques couvrant 25 pour cent de la toiture, le vitrage triple, la récupération de chaleur par roue thermique et la distribution d’air par déplacement, les planchers radiants pour chauffer ou refroidir les locaux, l’éclairage naturel ou aux DEL avec détecteurs de mouvements et les robinets à faible consommation, tout a été pensé pour rendre ces bâtiments écoénergétiques, voire d’en bonifier la performance dans le futur avec la possibilité d’ajouter d’autres panneaux solaires lorsque la technologie et leur abordabilité évolueront.
« Moi, je vous dirais que lorsque nous sommes dans le bâtiment, nous le sentons que c’est carboneutre. Nous le sentons que c’est du bon air filtré, qu’il y a beaucoup de lumière, que les matériaux sont durables. C’est une ambiance, c’est une énergie… Quand nous y sommes, nous ne voulons pas nous en aller. Il y a beaucoup d’avantages humains », témoigne Isabelle Valiquette.
Les lieux font la part belle aux matériaux nobles tel le bois, la cafétéria est emplie de plantes, les fenêtres, abondantes, peuvent s’ouvrir et l’école secondaire est dotée d’un spacieux atrium, de coursives et de balcons qui permettent aux enseignants de donner, à l’occasion, leurs cours hors des classes.
« Ces pratiques innovantes en éducation, cette ouverture ont stimulé toute l’équipe pour développer un projet super intéressant pour la conception des espaces », s’enthousiasme l’ingénieur Dominique Maheu, directeur de projets – Structure et génie urbain chez LGT. « C’est un dossier qui m’est très à coeur, ancré en moi. Puis l’un de mes projets c’est de travailler sur la décarbonation de nos autres bâtiments, qui ne sont pas nécessairement nouveaux », indique la directrice, qui est architecte paysagiste de formation et responsable du développement durable pour les cinq écoles que compte le Collège Sainte-Anne, soit également à Outremont et à Lachine. Le campus du Collège Sainte-Anne de Dorval a pu ainsi obtenir la certification de la Norme du bâtiment à carbone zéro (BCZ) – Design du Conseil du bâtiment durable du Canada (CBDCa). L’organisme lui remettait de plus le Prix d’excellence en bâtiment durable, en juin dernier.
Esprit d’équipe
« C’est un projet qui a été développé rapidement, mais qui s’est avéré un succès sur toute la ligne ! s’exclame Dominique Maheu. Quand toute l’équipe se mobilise, je pense que c’est ce qui donne les meilleurs projets, qui fait que l’on arrive à ces résultats-là. » « Ç’a été fantastique ! » lance pour sa part Isabelle Valiquette, qui souligne que tous ont travaillé de concert et n’avaient comme seule préoccupation que le résultat, notamment JCB construction. « C’est la première fois que je travaillais avec eux. Nous avons été enchantés. De tout le monde ! »
Nouvelle cible : le carbone intrinsèque
Nous avons la chance, au Québec, d’avoir une électricité qui est vraiment décarbonée, expose Martin Roy. Cela permet de concevoir des bâtiments réellement à carbone zéro sur le plan de leur exploitation. Mais pour mener l’exercice encore plus loin, observe-t-il, il importe d’évaluer la quantité de carbone intrinsèque des matériaux. « Ça va être l’objectif des prochaines années, au Québec, si on veut décarboner. Parce que la quantité de carbone nécessaire à la construction des bâtiments est, dans certains cas, cent fois plus grande que la quantité de carbone nécessaire pour son opération sur 60 ans. Nous devons donc trouver des moyens de réduire le carbone partout. »
À l’instar des autres intervenants au projet du campus Dorval, Martin Roy a dû faire des deuils. Des choix s’imposaient en raison de diverses contingences, notamment du plafond budgétaire. « Ça fait partie de mon travail; je comprends. Mais je suis fier de voir qu’on avance rapidement au Québec. Parce que je vais souvent dans des conférences internationales sur le bâtiment durable. Nous avons ici des projets qui, souvent, dépassent de beaucoup ceux qui y sont présentés. On est bons, on avance ! Mais c’est sûr que pour moi, personnellement, j’aimerais parfois que ça aille plus loin et plus vite. »
Cet article est tiré du Supplément thématique – Bâtiment 2023. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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