Pont Perreault : réfection d’une oeuvre patrimoniale

15 juillet 2022
Par Elizabeth Pouliot

Bâties il y des décennies, plusieurs infrastructures sont tranquillement à refaire au Québec. Certaines doivent plutôt faire l’objet de travaux de réfection en raison de leur valeur patrimoniale. C’est le cas du pont Perreault, en Beauce.

Chevauchant la rivière Chaudière à Notre-Dame-des- Pins, non loin de Saint-Georges-de-Beauce, le pont Perreault fait partie du paysage… et du patrimoine depuis bientôt 100 ans. Il a été construit en 1927 avant d’être emporté par les glaces l’année suivante. On l’a donc rebâti peu après, cette fois plus en hauteur, à l’abri du cours d’eau qui rugit au printemps. Mesurant 150 mètres (m) de long, environ 5,5 m de large et 5 m de haut, et utilisé au départ par les automobiles, il sert dorénavant aux cyclistes, aux motoneigistes et aux amateurs de véhicules tout-terrain (VTT).

 

Son piètre état a toutefois forcé sa fermeture complète en 2018. Avec les années, plusieurs pièces de ce pont tout de bois de type « Town élaboré » se sont dégradées et/ou ont montré des traces de faiblesses. « Quand des fissures apparaissent de chaque côté des montants qui mesurent 5 pouces (po) sur 8 po, de mémoire, le concepteur demande de les remplacer », indique Jérôme Matte, chargé de projet pour Cité Construction, l’entrepreneur en génie civil, en coffrage et en excavation de Thetford Mines qui a obtenu le contrat de réfection du pont Perreault.

 

Des ponts couverts et complexes

Un pont comme celui-ci se compose de cordes, qui représentent des assemblages de pièces de bois qui forment ses membrures. « Ce sont des pièces de bois d’environ 3 po sur 9 po, assemblées deux par deux et jointes à un autre assemblage identique. Ça fait donc quatre pièces de bois. Cet assemblage se trouve en bas, à gauche et à droite sur toute la longueur du pont. Il s’agit de ce qu’on appelle la corde inférieure. Il y a aussi deux cordes en haut, qu’on appelle les cordes médiane et supérieure. Ces pièces sont reliées de haut en bas par des diagonales, qui sont des pièces d’environ 2 po sur 10 po et qui forment une espèce de treillis.

 

Jérôme Matte, chargé de projets pour Cité Construction. Crédit : Gracieuseté

 

Ce sont les fermes, c’est-à-dire les côtés du pont et ce qui supporte, donc, le pont », explique Jérôme Matte. Ce sont justement ces assemblages de pièces de bois qui doivent être principalement remplacés, tout comme les autres sur lesquels le temps a fait son oeuvre, tels que les entretoises, les longerons, les traverses et le platelage, c’est-à-dire la surface de roulement.

 

Comment procéder ? Faut-il déconstruire le pont en morceaux et le remonter ensuite avec du neuf ? Non, il faut plutôt travailler section par section et utiliser des outils spécialisés et une méthode de travail qui permettent de soutenir le segment du pont en réparation, tout en évitant d’abimer les autres. « On vient soutenir temporairement la section, le temps qu’on défasse une pièce de bois, qu’on la remplace et qu’on la fixe », ajoute le chargé de projet. Le grand défi de l’entrepreneur est l’impossibilité de mettre du poids sur la structure, à l’heure actuelle, car elle est très endommagée. Il installera donc un soutènement à l’aide d’une structure d’acier placée à l’intérieur du pont et qui des trois piliers de béton se trouvant dans la rivière. « On le lèvera légèrement pour qu’il soit soutenu à la grandeur.

 

Une fois que ce sera fait, on installera une plateforme de travail qui donnera accès au-dessous et aux côtés extérieurs du pont », précise Jérôme Matte. C’est seulement une fois que le soutènement et la plateforme seront en fonction que pourra entreprendre le travail de réfection. « Et, au début, beaucoup de travaux devront être réalisés manuellement, comme on ne peut pas entrer à l’intérieur avec des machines », note-t-il.

 

Patrimoine = contraintes

S’attaquer à la réfection d’une infrastructure à valeur patrimoniale amène plusieurs contraintes, dont le choix des matériaux de remplacement. Pour le pont Perreault, l’entrepreneur se devait de choisir du sapin, de l’épinette ou du pin gris de qualité SS ou numéro 1, c’est-à-dire du bois destiné à une structure. Pour le bien de la réfection, il a aussi demandé la permission d’utiliser du sapin Douglas, une essence de l’Ouest canadien qui permet d’obtenir des pièces de bois très longues (de 20 à 24 pieds), ce qui évite d’ajouter des joints. Un autre point devait être pris en compte concernant le matériau : « Sur les plans, c’est indiqué ’’Même dimension que l’origine’’. Alors, avant de passer la commande, il fallait absolument valider les dimensions précises de chacune des pièces de bois d’origine afin de recréer exactement les mêmes », souligne le chargé de projet. Le bois à utiliser doit aussi être non traité et non plané. L’entrepreneur est très fier d’avoir trouvé un fournisseur de la région pour le projet : Bois Hamel, de Saint-Éphrem.

 

Le chantier s’est amorcé le 2 mai 2022 et s’échelonnera sur 26 semaines, soit jusqu’au 28 octobre 2022. L’équipe travaille actuellement sur l’installation du soutènement temporaire. Ce sera ensuite le tour de la plateforme. À partir de la fin du mois de juin et pour tout l’été, les travailleurs commenceront à remplacer les pièces de bois. En parallèle, une autre équipe de Cité Construction s’affairera à effectuer la réfection des trois piliers en béton à l’aide d’une jetée placée sur la rivière. Le dernier mois de l’échéancier sera, quant à lui, consacré à retirer les équipements et à remettre en place les éléments enlevés le temps de la réfection, comme la glissière médiane qui sépare la piste cyclable. De quoi permettre, pendant quelques semaines, aux cyclistes et aux amateurs de VTT automnaux de passer par le pont Perreault.

 

UNE PREMIÈRE RÉFECTION EN 2003

Il s’agit d’une deuxième réfection pour le pont Perreault. En effet, en 2003, une première restauration a été effectuée. À l’époque, certaines pièces ont été remplacées ou encore renforcées. Comme ils sont encore en bon état, ces morceaux ne font d’ailleurs pas partie de la réfection actuelle. C’est aussi en 2003 que le toit de tôle a été ajouté à l’infrastructure de la rivière Chaudière, classée patrimoniale depuis 2004.