Implanter un complexe scientifique au coeur d’une friche industrielle exige un certain doigté. Surtout sur le plan architectural.
En soi, la conception d’un complexe scientifique universitaire n’a rien de très sorcier. Il suffit de cerner les besoins des chercheurs et des étudiants, puis de les traduire en une architecture fonctionnelle, c’est-à-dire en locaux, en laboratoires et en équipements. Sa localisation peut cependant pimenter le travail des concepteurs et teinter l’ensemble du projet dès les premières esquisses.
C’est d’ailleurs le cas du Complexe des sciences ducampus MIL de l’Université de Montréal, campé sur le site de l’ancienne gare de triage d’Outremont, au-dessus de la ligne bleue du métro, et à la croisée de quatre arrondissements et de Ville Mont-Royal. Ce pôle scientifique de 60 000 mètres carrés abritera les départements de chimie, de physique, de biologie et de géographie. Il regroupera au total quelque 2 200 professeurs, chercheurs et étudiants.
De surcroit, le nouveau bâtiment vise le niveau Or de la certification LEED NC et doit en outre respecter le principe suivant : abolir les frontières entre l’université, le milieu environnant et la ville. Autant de conditions qui ont fortement influencé son design, qui doit participer à la revitalisation de ce secteur fragmenté par l’ancien usage des lieux.
Conception réfléchie
« La conception du Complexe des sciences a nécessité une grande réflexion, note Alain Boilard, directeur général du développement du campus MIL. Il fallait que l’architecture s’intègre bien dans le cadre bâti, mais aussi qu’elle soit fluide, qu’elle ne crée pas de barrières. Le nouveau pavillon devait aussi répondre aux fins de recherche et offrir des installations de pointe. »
Pour satisfaire à ces prémices, les concepteurs de MSDL/Lemay/NFOE ont d’abord proposé un bâtiment tout en transparence, grâce à une enveloppe constituée de murs-rideaux. Cette transparence assure une perméabilité avec le milieu en mettant les occupants en relation avec l’environnement extérieur et les passants, avec les activités qui se déroulent au centre de recherche. Ils ont également pensé le bâtiment en deux volumes, reliés à leur base par une bibliothèque souterraine.
Ce traitement architectural s’est d’ailleurs imposé de lui-même en raison de la présence de la ligne de métro, indique Anik Shooner, architecte associée chez MSDL. « D’un côté, on ne pouvait pas ajouter de poids au-dessus du tunnel du métro, fait-elle valoir. De l’autre, il fallait empêcher que les vibrations transmises au roc par le métro soient transférées au bâtiment, qui contient des instruments très sensibles aux vibrations. »
Vibrations contrôlées
Pour contrer ces effets délétères, l’équipe de conception a choisi d’asseoir les fondations sur le roc et d’utiliser des poutres de transfert de part et d’autre du tunnel. Dans la même optique, elle a préconisé diverses stratégies pour éviter que le passage des trains du Canadien Pacifique (CP), dont les rails ont préalablement été déplacés vers le nord, ne vienne troubler le fonctionnement des appareils de laboratoire ni la quiétude des occupants.
Sans compter la présence d’équipements, comme les ascenseurs, susceptibles de fausser ces instruments sensibles. « Même l’impact des pas au sol devient un élément contraignant, souligne Anik Shooner. On a donc consulté des spécialistes en acoustique et des ingénieurs en structure. Au final, on a épaissi les murs extérieurs des labos et certaines dalles de plancher. On a aussi eu recours à des tables antivibratoires pour les instruments de laboratoire et on a éloigné les laboratoires des cages d’ascenseur. »
Mécanique adaptée
Le Complexe des sciences se démarque par ailleurs par la grande diversité de ses laboratoires, où pas moins de 352 hottes servent à extraire les émanations chimiques. « Si toutes les hottes fonctionnent en même temps, on estime le volume d’air extrait à 15 000 mètres cubes par minute, signale Alain Boilard. Ça prenait une salle mécanique en conséquence. »
On s’en doute, ces hottes n’évacuent pas seulement l’air vicié, la chaleur aussi. Pour limiter les pertes énergétiques, les concepteurs ont intégré une roue thermique au système de ventilation afin de récupérer la chaleur contenue dans l’air exfiltré. Une analyse approfondie de l’utilisation des laboratoires a toutefois permis de réduire la dimension des systèmes mécaniques et, de là, la consommation énergétique globale du bâtiment.
« On a discuté avec les chercheurs pour établir le taux d’utilisation des hottes, explique Anik Shooner. Contrairement aux laboratoires d’enseignement, où tout le monde fait la même expérience en même temps, on a vu que dans les laboratoires de recherche, les hottes n’étaient pas utilisées à cent pour cent en même temps. On a donc pu spécifier des équipements mécaniques moins imposants. »
Projet intégré
Restait à connecter le Complexe des sciences au cadre bâti pour satisfaire aux prémices de conception. Le site, faut-il le rappeler, est traversé par la voie ferrée du CP et le projet doit multiplier les points de passage vers les quartiers voisins. Pour décloisonner ce secteur de la métropole, une passerelle, qui sera inaugurée au printemps 2019, a été aménagée au-dessus des rails. Cette promenade facilitera par ailleurs l’accès aux stations Acadie et Outremont.
Enfin, la Promenade bleue fera un clin d’oeil à la ligne de métro qui sillonne le sous-sol et qui est associée à l’Université de Montréal. Cette promenade participera également à l’abolition des frontières entre l’Université et la ville en prolongeant la passerelle jusqu’entre les deux bâtiments, où elle formera une place publique verdoyante grâce à ses jardins indigènes cloitrés par les murs de la bibliothèque souterraine.
Le Complexe des sciences, dont les couts s’élèvent à 348 M$, est l’un des plus importants projets de l’histoire de l’Université de Montréal. Pour faire de sa réalisation un succès, l’équipe de projet a choisi le BIM comme outil de travail. « Tout le monde travaille sur la même maquette, ce qui facilite la coordination de l’ensemble du projet, mentionne Alain Boilard. Sur le plan de la qualité, on obtient de meilleurs résultats qu’en 2D. Il est aussi plus facile de contrôler les couts et de respecter l’échéancier. »
Cet article est tiré du Supplément thématique – Bâtiment 2018. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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