Collaborer est souvent la meilleure solution pour réduire le risque de blessures dans un environnement dynamique comme celui de la construction.
Le déplacement des charges lourdes est une réalité incontournable du milieu de la construction. La sollicitation intense du système musculo-squelettique chez les travailleurs occasionne beaucoup de blessures aux membres supérieurs. Pour éviter les accidents graves et les maux chroniques, mieux vaut prévenir.
En 2014, dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, les troubles musculo-squelettiques constituaient 21,1 % des dossiers ouverts par la CNESST. On y recense autour de 1 500 demandes annuellement depuis 2011. Au Canada, les maux de dos sont la cause la plus fréquente d’indemnisation des travailleurs. De mauvaises manoeuvres de levage peuvent aussi causer d’autres types de blessures comme les chocs ou écrasements provenant d’un objet qui tombe.
Le dos, cette précieuse mécanique
Il n’existe pas de recette infaillible pour prévenir les blessures dans un milieu dynamique comme celui de la construction, où chaque participant exécute une variété de tâches et où l’environnement évolue constamment. On peut toutefois évaluer les incidents et demandes relatives à la santé et sécurité, pour cibler les situations à risque et savoir où diriger les efforts de prévention. L’objectif est de trouver les conditions propices à la réalisation des tâches. Dans ce sens, la sensibilisation doit être faite en fonction du niveau de responsabilité de chaque participant sur le chantier.
Puisqu’ils sont maîtres de leurs mouvements, les travailleurs de la construction doivent ultimement assurer leur propre sécurité. « Le travailleur doit considérer son dos comme une mécanique efficace et précieuse, affirme le docteur Louis Patry, spécialiste en médecine préventive au Centre hospitalier universitaire de Montréal. Les maux et blessures peuvent évoluer vers des symptômes chroniques, d’où l’importance de prévenir et d’intervenir précocement. »
Évaluer et adapter
Le levage manuel sécuritaire implique d’analyser la situation et de prévoir la motion avant de fournir l’effort. « Le risque est plus grand lorsqu’on est en mode réaction, poursuit le docteur Patry. De plus, le port d’équipement de sécurité et d’outils à la taille ajoute un poids additionnel souvent mal réparti qui peut amplifier un déséquilibre. » Pour éviter toute blessure, on lève avec le dos droit, la charge près du corps, et on évite l’effort en rotation ou en torsion.
Sachant que la manoeuvre est plus risquée lorsque la charge est située en haut des épaules ou sous les genoux, on adapte l’effort selon la fréquence de soulèvement et la durée de la tâche. Lorsqu’une situation s’avère problématique, mieux vaut la signaler que de devoir réagir à un événement malheureux.
Le poids des blessures
Pour les entreprises, toutes les blessures ont un coût. Selon la CNESST une blessure au dos entraîne une absence moyenne de 51 jours. Cela peut imposer de reclasser des travailleurs ou occasionner un roulement du personnel et la perte d’expérience qui l’accompagne. S’ensuit un ralentissement de la production et des délais dans la livraison. Enfin, en cas de responsabilité pour une blessure, l’employeur peut être tenu d’indemniser un employé et voir ses frais d’assurances augmenter.
Il doit donc avoir la prévention du risque en tête et éliminer les dangers. C’est à lui de veiller à ce que le chantier soit en ordre, avec des surfaces de travail et des voies de circulation dégagées. Il peut planifier ses livraisons et organiser les tâches de manière à minimiser le déplacement manuel des charges. Il doit aussi mettre en place des postes de travail, des rangements ergonomiques, et fournir des surfaces et supports robustes pour le travail en hauteur.
Le Règlement sur la santé et la sécurité du travail prévoit à l’article 166 que si « le déplacement manuel de charges ou de personnes compromet la sécurité du travailleur, des appareils mécaniques doivent être mis à la disposition de celui-ci ». Les chariots, diables, palans et monte-charge doivent donc être accessibles et bien entretenus.
« La prévention commence toujours avec les connaissances du milieu, dit le docteur Patry. Le responsable du chantier doit avoir la prévention et la sécurité en tête et impliquer les gens qui font le travail, parfois depuis des années. Quand un travailleur expérimenté signale un problème, il faut le considérer comme un incident et agir. »
Réduire la charge ensemble
Cas d’espèce, la CNESST a souligné par un Grand Prix santé et sécurité une initiative de la compagnie de couvre plancher Tarkett, qui exploite une usine à Farnham. Lorsqu’une employée a signalé une difficulté à soulever une pièce mécanique de 19 kg, l’entreprise a formé un comité réunissant des employés de chaque quart de travail et des membres de la direction afin d’élaborer ensemble une solution.
Le résultat de cette concertation est un ingénieux chariot qui permet de déplacer la pièce entre son support et l’emplacement d’utilisation. Le positionnement final est effectué à l’aide d’un levier mécanique actionné par... une visseuse à piles ! « À 15 000 $ pour deux chariots, incluant les frais de développement, c’est une solution simple et peu coûteuse qui a pu être mise en place rapidement à l’usine de Farnham », explique Michel Arseneault, ingénieur chez Tarkett.
Ce que le monde de la construction doit retenir de l’exemple, c’est la pertinence de réunir les principaux intéressés pour évaluer une situation à risque et élaborer des solutions sur mesure. La santé et sécurité au travail sont des responsabilités collectives et dans le cas de la manutention des charges, chacun a un rôle à jouer dans la prévention des accidents.
- S’accroupir, fléchir les genoux
- Adopter une position stable
- Saisir la charge à deux mains
- Garder le dos droit et plat
- Tenir la charge près du corps
Cet article est tiré du Supplément thématique – Santé et sécurité 2016. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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