Faire de l’exercice pour prévenir les troubles musculosquelettiques

8 octobre 2024
Par Aurélia Crémoux

Malgré les nombreuses stratégies mises en place, plus de 45 000 travailleurs québécois sont touchés par les troubles musculosquelettiques (TMS) chaque année selon la CNESST. Quelles sont les méthodes les plus efficaces pour les éviter ?

Les TMS sont des affections qui touchent les muscles, les tendons, les ligaments, les articulations, les cartilages et parfois les nerfs. Selon la CNESST, les parties du corps les plus affectées sont les mains, les poignets, les coudes, les épaules, le cou et le dos.

 

« Ces affections peuvent survenir de manière traumatique, après une chute par exemple, ou de manière plus graduelle, en raison d’un poste de travail mal adapté », précise la kinésiologue Vanessa Henri. Elle ajoute que dans la deuxième situation, l’inconfort va persister même après le repos et qu’à un certain stade, cela risque de causer une blessure. À terme, ils peuvent même mener à un arrêt de travail.

 

Intégrer des exercices sur le lieu de travail

Selon un article scientifique de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), une étude datant de 2005 réalisée par les chercheurs Eva Holmström et Björn Ahlborg sur des travailleurs de la construction a permis de montrer des effets positifs sur la mobilité de certaines articulations et sur l’endurance des muscles lombaires pour les salariés réalisant des échauffements durant dix minutes avant la prise de poste comparativement à un groupe de salariés ne s’échauffant pas. Il n’y aurait toutefois pas d’effet sur les douleurs ou sur les incapacités fonctionnelles.

 

Vanessa Henri, kinésiologue. Crédit : Marie-Joëlle Boivin

 

« Une autre étude qui touchait le secteur du bâtiment et des travaux publics a évalué le ressenti des employés, précise Vanessa Henri. Ils estiment qu’après les exercices, ils avaient une meilleure vigilance, une baisse du stress et donc indirectement une diminution des risques de blessures. »

 

Effectuer des exercices avant de commencer le travail, selon la kinésiologie, aide aussi les travailleurs à identifier les zones douloureuses de leur corps, leur permettant ainsi d’aménager leurs tâches pour la journée et donc de renforcer les mesures de sécurité au quotidien.

 

La kinésiologue distingue trois types d’exercices à mettre en place. Tout d’abord, les échauffements (rotation des épaules ou levage des genoux) vont permettre d’augmenter le flux sanguin et la température musculaire. Les tissus mous qui sont généralement plus touchés par les TMS vont devenir plus élastiques. « Le fait de s’échauffer va augmenter la vitesse de contraction musculaire, ce qui est intéressant pour les tâches plus physiques », explique Vanessa Henri. Ensuite, il y a les étirements. « Ils vont permettre d’améliorer la posture et peuvent aussi bien aider au travail que dans la vie quotidienne », poursuit-elle.

 

Le troisième type d’exercice est le renforcement musculaire : « On veut, par exemple, que les employés soient plus forts physiquement, on va donc par exemple renforcer les bras ou la région cervicale », précise la kinésiologue.

 

Ces trois types d’exercices nécessitent toutefois des encadrements différents. « Pour les exercices d’échauffement et d’étirements, on va y aller de manière plus globale, explique Vanessa Henri. Tandis que pour un renforcement musculaire, on va aller viser des structures ou des articulations spécifiques. »

 

Mettre en place une stratégie

Pour mettre en place une stratégie qui vise à diminuer les TMS dans les entreprises, Mme Henri conseille plusieurs étapes. Tout d’abord, il faut s’assurer de la collaboration de la direction, en les invitant à faire les exercices avec les travailleurs, pour montrer qu’ils y croient aussi. Il faut aussi déterminer certains indicateurs qui seront mesurés avant la mise en place du programme, comme le niveau d’inconfort, le niveau de la performance et le taux d’absentéisme au travail. Il sera ainsi possible de les réévaluer plus tard.

 

Deuxièmement, il faut informer les employés, les encourager et leur donner le choix d’y prendre part tout en améliorant la participation au fur et à mesure. « On peut par exemple former des ambassadeurs, des gens motivés et dynamiques qui vont aider à faire mousser le projet », poursuit Mme Henri. Elle ajoute qu’il est important d’être accompagné par un kinésiologue pour évaluer les positions et les parties du corps qui travaillent le plus. Il faut aussi éviter la répétition : « Dans une entreprise, on avait bâti douze programmes différents, pour changer chaque mois et amener une plus grande variété. »

 

Des exercices : oui, mais pas seulement

Pour Vanessa Henri, il ne faut pas uniquement mettre le fardeau sur le travailleur. La mise en place seule d’exercices n’est pas suffisante : Il est nécessaire d’éliminer le problème à la source.

 

William Audet est directeur général et associé d’Olympe, une entreprise qui promeut les saines habitudes de vie et la santé globale en entreprise. En plus d’aménager des centres d’entraînement en entreprise, William Audet et son équipe d’ergologues et de kinésiologues implantent des programmes d’activation pour des personnes qui travaillent avec des postures contraignantes ou qui ont besoin d’utiliser une certaine force. « Dans le secteur de la construction, il est difficile d’implanter un centre d’activité physique sur un chantier qui va durer quelques mois seulement, précise M. Audet. On va donc plutôt faire des formations en ergonomie, comme des formations en manutention de charges, par exemple. »

 

William Audet, directeur général et associé, Olympe. Crédit : Olympe

 

Nicolas Cadrin, président de Cadrin & Co, une entreprise de gestion de projets de construction, constate que certains de leurs sous-traitants, en maçonnerie par exemple, utilisent des squelettes robotisés pour venir libérer les charges sur les articulations des ouvriers. « Désormais, on fait en sorte que la plupart des charges soient déplacées par des outils de levage », précise-t-il.

 

Vanessa Henri intervient dans une usine deux jours par semaine. Une plateforme y a été mise en place pour gérer la santé et la sécurité. « Chaque fois qu’un travailleur a un inconfort, il le note sur la plateforme puis il va être pris en charge, précise-t-elle. Cela nous permet ensuite d’agir sur l’aménagement du poste de travail. » Durant ses interventions, la kinésiologue donne des conseils et des exercices aux travailleurs puis les revoit quelques jours plus tard.

 

Les coûts d’indemnisation des travailleurs touchés par des TMS s’élèvent au Québec à 500 millions de dollars par an, selon la CNESST. Même s’il est difficile d’évaluer ce que la prévention rapporte aux entreprises, Mme Henri estime que dans la majorité des cas, les travailleurs sont en mesure de reprendre leur poste. « Si je n’étais pas intervenue pour les accommoder, peut-être qu’ils auraient eu quelques jours plus tard un accident de travail », estime la kinésiologue.

 

DES CONSÉQUENCES À NE PAS NÉGLIGER

La CNESST souligne que, selon la partie du corps atteinte, les TMS peuvent provoquer problèmes physiques, comme une tendinite, une bursite, une épicondylite, une ténosynovite, un syndrome du canal carpien, une entorse ou une hernie discale. En plus des souffrances physiques provoquées, ils peuvent avoir des conséquences sur la santé mentale et détériorer la qualité de vie du travailleur. Au travail, ils peuvent être à l’origine d’une baisse de la productivité et d’une diminution de la qualité des produits et des services offerts.