Sensible aux enjeux liés à la protection de l’environnement et aux changements climatiques, Maçonnerie Gratton pose les jalons en matière de valorisation et de préservation de ressources naturelles non renouvelables en créant une machine qui facilitera la réutilisation de briques autrement destinées à l’enfouissement.
Une réflexion créative à la fois écologique et économique s’est engagée dans l’esprit du président de Maçonnerie Gratton, Tommy Bouillon, en lien avec la nécessité de recycler les briques. « Cette réflexion s’est imposée comme une évidence. On démantèle un mur en bon état et jour après jour nous voilà contraints de transporter vers le dépotoir des conteneurs remplis de briques parfaitement réutilisables, puis d’avoir à tout reprendre avec de nouvelles briques. Alors que nous recyclons nos pots de yogourt à la maison, cela m’est apparu comme une véritable catastrophe de gaspillage une fois sur le chantier ! De là a germé l’idée de concevoir un appareil mobile qui nettoie les briques et les remet à neuf directement sur le chantier. » Deux ans de réflexion et de travail auront débouché sur une solution inédite : la création de la machine BRIQUE RECYC.
Celui qui est à la tête de l’entreprise estime que la quantité de déchets de maçonnerie pouvant être recyclée, mais qui ne l’est pas, atteint facilement les 80 %. « Le plus gros entrepôt de briques se situe sur nos bâtiments, dans nos villes, ce qui, en d’autres mots, constitue notre patrimoine québécois. De là à penser que 80 % du patrimoine part annuellement de nos murs vers le dépotoir, il n’y a qu’un pas à franchir », se désole-t-il.
Le taux de récupération de briques est, pour l’heure, très faible puisqu’elle se traduit en une méthode longue et onéreuse qui nécessite que les briques soient démontées à la main, puis débarrassées de leur mortier, les unes après les autres, à l’aide de marteaux ou d’outils à air comprimé. Il ne faut donc pas s’étonner si l’innovation de Maçonnerie Gratton fait l’envie de bien des entrepreneurs qui, déjà, la sollicitent de toutes parts, au pays comme ailleurs. D’autres entreprises en maçonnerie ont bien tenté l’expérience de recycler les vieilles briques vouées à être jetées, mais comme toutes les opérations étaient exécutées manuellement et exigeaient trop de temps, leur projet fut abandonné.
Il est indéniable que BRIQUE RECYC répond à un besoin réel. Dès le départ, observe Tommy Bouillon, l’objectif était de simplifier le processus et de conserver la brique sur les lieux mêmes où elle se trouve et d’éviter ainsi toute manutention. Il explique : « Entreprendre de recycler un mur brique par brique, c’est-à-dire nettoyer et réutiliser les mêmes matériaux, correspond à plus de 760 heures de travail pour un mur d’une surface de 1 000 pieds carrés, alors que tout jeter et recommencer à neuf exigera 600 heures de travail. Avec BRIQUE RECYC, nous parvenons à recycler les briques plus rapidement en faisant appel à moins de main-d’oeuvre. Pour une même surface de mur, nous réussissons à effectuer le travail en seulement 440 heures ! »
Des bénéfices à la pelle
Pour lui, il est clair que l’approche mécanisée comporte de nombreux avantages en matière d’efficacité, d’économie de couts et d’impact sur l’environnement, et il est bien placé pour en parler : « Nous cherchions une technologie qui pourrait nettoyer la brique sans percussion. Nous avons donc mis au point une machine qui, à l’aide d’un système de lasers, guide la brique entre deux lames en diamant qui procéderont au nettoyage du mortier par effleurement, et ce, en quelques secondes. Résultat ? Près de 100 % des briques sont récupérées. Cette machine compacte peut tout autant être utilisée en échafaudage ou à l’extérieur du site. Elle est munie de dépoussiéreurs, est alimentée à l’électricité, ne fait pas de bruit et est tout à fait sécuritaire pour les employés puisque la brique est nettoyée à l’intérieur de l’appareil ».
Autant faire d’une pierre deux coups, à savoir éviter le gaspillage tout en faisant des économies. Économiquement parlant, cette machine portative permet surtout de réaliser une économie de temps, chaque brique étant nettoyée rapidement, mais aussi, elle remplace tout le système de levage, ce qui évite l’achat d’équipement très couteux et de faire appel à de la main-d’oeuvre supplémentaire.
L’utilisation de matériaux recyclés comporte son lot d’avantages sur le plan de l’environnement, notamment la réduction de l’enfouissement des rebuts et la préservation des ressources naturelles non renouvelables, mais aussi, cela permet de pallier la pénurie des matériaux et la hausse des couts. Tommy Bouillon en est bien conscient alors qu’il fait remarquer que la gestion de déchets s’avère d’endroits acceptent les déchets de briques. « Cela va sans dire que cette pratique qui consiste à recycler les matières résiduelles est la plus appropriée pour éviter qu’elles ne soient expédiées vers un lieu d’enfouissement. Nos déchets de mortier de chaux sont réutilisables et trouvent même preneur. Puisqu’il n’y a aucun contaminant dans notre machine, nous réussissons à séparer parfaitement l’argile de la chaux lors du nettoyage de la brique. Cela nous évite d’avoir à payer pour se débarrasser des résidus de ciment et de plus, nous obtenons un additif qui peut être racheté pour la fabrication du ciment. Il s’agit de chaux vive qui est très recherchée sur le marché au point où nous ne parvenons pas à répondre à la demande ! »
Doit-on s’attendre à ce que la brique ainsi recyclée soit d’aussi bonne qualité qu’une neuve ? Le président de Maçonnerie Gratton estime que la qualité d’une brique varie selon les conditions sous lesquelles elle a vécu. « C’est souvent du cas par cas. Tout dépendra aussi de la gestion de l’eau sur le bâtiment, mais une chose est certaine, elles sont souvent plus performantes que les nouvelles briques et offrent l’avantage de bien résister aux cycles de gel-dégel de notre climat. Les nouvelles briques ont une moins grande quantité d’argile qui les compose et on y retrouve souvent de gros trous. À preuve, une brique d’époque peut peser jusqu’à quatre livres alors que celles d’aujourd’hui peinent à atteindre deux livres ! De plus, les nouvelles briques sont manipulées par des robots et parcourent de longues distances, ce qui fait que l’on obtient fréquemment un lot de briques neuves plus endommagées que celles que l’on retrouve sur un mur d’époque lorsque ce mur est défait par notre machine sans percussion. »
Effet domino
Avec BRIQUE RECYC, Maçonnerie Gratton se donne les moyens de réussir un pari technologique et écologique qui surpasse les attentes et qui, de jour en jour, prend une envergure mondiale. Il n’est pas exclu qu’elle puisse offrir son innovation, commercialement, à d’autres joueurs dans l’industrie de la construction d’ici et d’ailleurs. L’avantage de travailler avec de la brique offre des possibilités multiples alors que les appels fusent de partout, de Vancouver comme de Paris. Il n’est donc pas question, pour l’instant, d’adapter cette machine à d’autres types de matériaux, l’équipe de Maçonnerie Gratton en ayant déjà plein les bras ! Son président affirme qu’à sa connaissance, aucune approche ne serait aussi avancée que la leur en ce moment.
« Nous avons créé BRIQUE RECYC d’abord pour répondre à nos besoins, mais voilà que nous réalisons qu’elle constitue une solution pour beaucoup d’autres. En ce qui concerne nos perspectives d’avenir, nous souhaitons être en mesure d’offrir la machine dans les grandes métropoles d’Amérique du Nord et d’Europe en 2023. Toutes les villes s’efforcent de conserver leur patrimoine bâti d’origine et cela nous oblige à pousser la réflexion encore plus loin », révèle Tommy Bouillon. Ce disant, l’équipe de Maçonnerie Gratton travaille actuellement à la création d’une innovation technologique de type numérique, mais le projet demeure pour l’instant confidentiel.
Pas moins de 5,9 tonnes de CO2 ! Voilà ce qu’un seul mur de 1 000 pieds carrés remplacé brique par brique avec la machine BRIQUE RECYC permet d’économiser, soit l’équivalent d’une voiture et demie de moins sur les routes. Sachant que Maçonnerie Gratton réalise 500 chantiers annuellement, cela correspond à 750 voitures de moins en termes de réduction des GES. L’innovation de la maçonnerie de Verdun permet aussi la réduction considérable des déchets de construction tout en relevant d’importants défis en matière de développement durable et d’économie circulaire.
Cet article est tiré du Supplément thématique – Équipement de chantier 2022. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
Ce sujet pique votre curiosité ? Lisez tous les articles du dossier ÉQUIPEMENT DE CHANTIER 2022 :