Une architecture favorisant la guérison pour Isuarsivik

22 octobre 2019
Par Marie Gagnon

Le Centre régional de rétablissement Isuarsivik, qui offre depuis 25 ans des services en toxicomanie aux 14 communautés du Nunavik, s’installera en 2021 dans un nouvel édifice au design inspiré de la culture inuite.

Le futur centre a en effet été conçu dans le but de créer un environnement propice à la réappropriation culturelle et à la reconstruction de l’estime de soi. Il fera notamment appel à des éléments architecturaux propres à la culture locale, dont le qaggiq rappelant l’igloo communautaire. Son cout de construction est évalué à 40,5 millions de dollars et il sera réalisé en trois phases.

 

Ce projet s’inscrit dans le Plan de développement mis en œuvre en 2016 par Isuarsivik, qui prévoyait par ailleurs une révision du programme de guérison. « La toxicomanie et les dépendances sont très répandues au Nunavik, souligne Philippe-Alexandre Bourgouin, coordonnateur du Plan de développement. Elles sont liées aux traumatismes associés à la colonisation, aux relocalisations forcées et à la sédentarisation. Il y a eu aussi une déconnexion entre les parents et les enfants, envoyés dans des pensionnats, où certains ont subi des abus physiques et sexuels.

 

« Cela a généré beaucoup de souffrances au sein des communautés, ajoute-t-il. On constate aujourd’hui une passation des traumatismes de génération en génération, et le recours à la drogue et à l’alcool pour soulager les souffrances. C’est pourquoi notre nouvelle approche met davantage le focus sur les traumatismes, les causes de la souffrance, et qu’on travaille plus sur la fierté inuite et l’estime de soi. »

 

Une architecture favorisant la guérison pour Isuarsivik. Image : EVOQ Architecture

 

Pour répondre à ces besoins, le nouveau centre sera érigé sur une péninsule rocheuse surplombant la rivière Koksoak. Situé à l’écart de Kuujjuaq, l’emplacement profite d’une proximité avec la nature qui favorise la guérison et la reconnexion culturelle. L’architecture du centre a été pensée dans le même esprit. Les concepteurs d’EVOQ Architecture se sont notamment appuyés sur deux éléments fondamentaux de la culture inuite, le qaggiq et l’urpiq.

 

Chez les Inuits, le qaggiq est le lieu de tous les échanges. Quant à l’urpiq, c’est le nom inuit du saule et le symbole de la régénérescence. Il représente le centre et s’exprime dans le déploiement des ailes du bâtiment, de part et d’autre du volume central. L’édifice s’articulera par ailleurs autour de trois qaggiq, dont le principal, situé à l’intersection des deux ailes du bâtiment, en constituera le cœur. Deux autres, plus intimes, seront aménagés à l’extrémité des ailes des chambres.

 

Ces nouvelles installations feront plus que tripler la capacité d’accueil d’Isuarsivik. Au total, 32 lits seront à la disposition des usagers, contrairement à 9 pour le centre actuel. « On va pouvoir mettre en œuvre notre nouveau programme familial, signale Philippe-Alexandre Bourgouin. C’est important de travailler la dynamique familiale, parce que lorsqu’un membre de la famille est aux prises avec un problème de dépendance, c’est tout le monde qui en subi les conséquences. »

 

En plus des deux ailes d’hébergement individuel, le centre proposera des suites familiales ainsi qu’un service de garde et une salle de classe. Il inclura également des salles de thérapie, de consultation et d’examen médical, ainsi qu’un local d’artisanat et de couture, sans compter des bureaux et une salle polyvalente. Le tout sera compris dans un bâtiment de 2 150 mètres carrés sur deux niveaux, érigé sur fondation de béton et au moyen d’une structure d’acier. Compte tenu de la rigueur du climat, le bâtiment dépassera d’au moins 20 % les exigences du Code national de l’énergie.

 

Le projet s’est amorcé avec la construction d’une route d’accès et du stationnement. Cette première phase est réalisée simultanément avec la construction d’un premier quadruplex destiné à loger le personnel, dont la livraison est prévue pour novembre. Quant à la dernière phase, soit la construction du centre et de deux autres quadruplex, elle doit s’amorcer l’été prochain. Elle sera précédée d’un appel d’offres à l’hiver 2020.

Cet article est paru dans l’édition du 4 octobre 2019 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous.