Délester des charges en toute sécurité

Au chantier, les charges les plus lourdes sont manutentionnées au moyen d’un appareil de levage, tel qu’une grue, un treuil, un palan ou encore un camion-flèche. Pour ce faire, on recourt habituellement à un système d’élingage pour attacher la charge à l’équipement de levage qui la soulèvera pour ensuite la déposer à l’endroit désigné. Là où les choses se corsent, c’est lorsque vient le moment de détacher l’élingue, une opération à haut risque pour le travailleur affecté à cette tâche.

Pour éviter que l’élingueur ne soit blessé par le rebond de l’attache lors du décrochage de la charge, Équipements de grue, une entreprise spécialisée dans la conception et la fabrication d’appareils de levage, a mis au point un déclencheur d’élingue commandé à distance. Baptisé GOTCHA!, ce déclencheur automatique qui s’adapte à tout crochet de grue élimine les risques de blessures associées au décrochage de l’élingue : ses capteurs n’autorisent le délestage qu’une fois la charge déposée au sol.

Élargir le champ des possibles

Cependant, bien qu’il satisfasse aux plus hauts standards de sécurité, cet équipement ne répond pas à tous les besoins de l’industrie. Notamment à ceux des fonderies. « Le responsable d’une fonderie nous a contactés pour acheter le GOTCHA!, mais il voulait qu’on en retire tous les capteurs afin de pouvoir faire tomber le chargement de métal directement dans la cuve du fourneau », mentionne Chantale Lachance, vice-présidente d’Équipements de grue.

Elle explique qu’actuellement le haut fourneau de la fonderie est alimenté au moyen de poches contenant 5 000 livres d’acier, qui sont acheminées sur rail jusqu’au-dessus de la gueule du creuset, où elles sont déchirées par deux hommes. On imagine les risques pour les travailleurs, mais aussi l’inconfort occasionné par la chaleur intense qui se dégage du four. « Il fallait donc inventer un nouvel appareil qui élimine toute intervention humaine, mais qui offre le même niveau de sécurité que le GOTCHA! », dit-elle.

Puiser aux origines

Après douze mois de recherche et développement, l’entreprise montérégienne, par le truchement de son fondateur, Paul Desaulniers, met au point le PHÉNIX, une version modifiée du GOTCHA! qui possède la faculté de délester une charge toujours suspendue. À première vue, peu d’éléments distinguent les deux appareils. Tout comme son prédécesseur, le PHÉNIX se reconnait en effet à sa forme cylindrique qui lui permet de se glisser un peu partout, sans risque de coincement.

Tout aussi léger que le GOTCHA!, il se transporte d’une seule main. Également actionné au moyen d’une télécommande possédant un rayon d’action d’environ 150 mètres, il émet lui aussi un puissant signal sonore pour aviser les travailleurs de chantier de son déclenchement imminent. Seule ombre au tableau : le nouveau prototype n’offre pas la possibilité de sécuriser le périmètre de déchargement.

« Il fallait trouver une solution pour éliminer le danger associé au largage d’une charge à distance, confie Chantale Lachance. Paul voulait un équipement qui fasse une lecture de l’endroit où tomberait la charge. Il pensait à un genre de radar qui balaierait la zone lorsque l’opérateur actionnerait la télécommande. Lorsque le radar détecterait une présence humaine, la procédure serait annulée et le mécanisme de largage automatique ne pourrait être déclenché. »

Prendre un nouvel essor

L’aventure prend une nouvelle tournure en 2018, lorsque les dirigeants d’Équipements de grue sont invités à participer aux Feux de l’innovation, une activité de réseautage organisée par le Groupe de partenariats d’affaires (GPA) de l’Université de Sherbrooke qui met en relation des industriels désireux de développer un produit avec des chercheurs universitaires de divers horizons. Le prototype du PHÉNIX séduit aussitôt les membres du GPA, qui mettent l’entreprise de Verchères en contact avec l’équipe de François Ferland, professeur à la Faculté de génie de l’université.

L’équipe, qui réunit trois étudiants gradués, deux chercheurs en génie mécanique et un stagiaire en génie robotique, s’attèle aussitôt à la tâche. « Le but, c’était d’intégrer une caméra à l’appareil pour surveiller l’espace de travail et vérifier si des personnes s’y trouvent, explique François Ferland. Pour que la caméra soit capable de détecter les gens à distance, on a eu recours à différents capteurs, comme ceux qu’on retrouve dans les systèmes avancés d’assistance au conducteur dans l’industrie automobile. »

Il ajoute qu’une preuve de concept est venue démontrer la faisabilité de la chose à l’été 2019. « On est toujours à l’étape du prototypage, indique toutefois le professeur. Sur le plan mécanique, la COVID est venue ralentir le processus. Certaines pièces sont déjà fabriquées, mais il reste des tests à faire. Le PHÉNIX n’est donc pas encore prêt pour la commercialisation, mais ça s’en vient. »