Repenser la gestion en télétravail

Ce changement organisationnel peut représenter un défi de taille pour nombre de gestionnaires, mais aucune recette miracle n’existe en termes de gestion d’employés. Il demeure essentiel, dans tous les cas, de s’adapter au milieu de travail et aux différents individus avec lesquels nous interagissons. Cette réalité est aussi vraie lorsque nous opérons une transition vers le travail à distance.

L’établissement d’un cadre de travail et d’objectifs clairs semble constituer un élément clé. « Une compétence importante à développer en tant que gestionnaire, c’est l’art de déterminer ensemble des objectifs de performance à atteindre. Ils doivent être flexibles et adaptés aux réalités de l’entreprise », souligne Éric Brunelle, professeur titulaire à HEC Montréal.

À cet effet, la tenue de courtes rencontres régulières peut aussi favoriser une bonne structure au travail : « De petites mises au point virtuelles d’une durée d’une quinzaine de minutes en début de journée peuvent permettre d’aligner les priorités de toute l’équipe pour la suite des choses. C’est utile pour maintenir le momentum des troupes et garder les employés engagés », ajoute Mario Côté, conseiller en ressources humaines agréé et consultant chez Gestion Conseil Mario Côté.

Par la suite, un simple suivi des objectifs établis suffit généralement à assurer une bonne structure de travail, seuls les livrables pouvant faire l’objet de contrôle en télétravail. D’ailleurs, dans ce contexte plus que jamais, établir un canal de communication privilégié entre le gestionnaire et les employés sera plus payant pour la performance et le bien-être des employés. « Ce que j’ai appris, c’est que la construction d’un lien étroit est très importante. Il faut faire confiance aux employés en leur permettant de démontrer leur plein potentiel », affirme Éric Brunelle.

Communiquer

Que ce soit pour effectuer un suivi des performances ou pour s’assurer du bien-être des employés, le maintien d’une communication régulière avec ces derniers est fondamental : « Tout l’informel tend à disparaitre dans le travail à distance. Pourtant, il s’y passe beaucoup de choses importantes. On y apprend, par exemple, qu’un employé éprouve des difficultés à atteindre ses objectifs ou qu’il ne va pas bien moralement. Il faut donc provoquer ces moments », déclare Éric Brunelle. Les gestionnaires peuvent cependant se sentir débordés et avoir peu de temps à consacrer à des rencontres d’équipe. Pour remédier à ce genre de situation, Mario Côté propose une nouvelle approche. « Certaines compagnies mettent en place un système de compagnonnage, où l’on jumelle formellement deux ou trois personnes afin qu’elles puissent s’entraider et prendre des nouvelles. »

S’il est important de communiquer, il faut le faire de façon efficace. Le choix du médium par lequel on établit les différents types de communication est donc capital. La tenue de rencontres virtuelles n’est pas toujours nécessaire pour aborder des sujets moins complexes. En effet, l’échange de courriels suffit souvent et évite d’accabler les employés avec un nombre de réunions trop élevé.

Respecter la vie privée

Dans un contexte où la frontière entre le bureau et la vie personnelle s’efface, le respect de la vie privée apparait comme un nouvel enjeu. L’impossibilité d’effectuer un suivi serré des employés peut constituer une source d’inquiétude chez les gestionnaires. Pris d’angoisse, certains d’entre eux peuvent se montrer trop accaparants : « Un aspect important pour le respect de la vie privée est de ne pas envoyer des courriels à tout moment. Il faut accepter et encourager que les employés se déconnectent lors de leurs temps libres », souligne Éric Brunelle.

Le bureau des employés se trouvant à leur domicile, le gestionnaire a cependant le droit d’avoir certaines exigences à propos de cet espace : « On peut demander aux employés de respecter un certain code vestimentaire ou de tenir leur espace de travail propre et tranquille, par exemple », propose Mario Côté. Encore une fois, l’établissement de règles choisies par l’ensemble de l’équipe peut s’avérer bénéfique : « On recommande de prendre le temps de déterminer des règles et de les écrire pour que les employés puissent s’y référer et pour pouvoir les adapter au fil du temps », conseille le professeur.

Mes exigences sont-elles trop élevées ?  

Il ne semble pas recommandé de la part des gestionnaires de réduire leurs exigences en raison du télétravail : « Il est nécessaire que le gestionnaire mette en place les outils pour s’assurer de l’efficacité des employés. Bien qu’il soit important de demeurer compréhensif, chacun a sa part de responsabilité afin de maintenir la productivité de l’entreprise », souligne Mario Côté. De plus, une hausse de rendement est souvent observée après une transition vers le télétravail : « En dehors de la pandémie, le télétravail a fait ses preuves. On réalise dans les études que ceux qui travaillent de la maison consacrent entre cinq et sept heures de plus par semaine à leurs tâches. En temps de crise, cependant, d’autres variables viennent s’ajouter », précise Éric Brunelle.

Ce dernier encourage par ailleurs les gestionnaires à demeurer réceptifs aux besoins de tous, y compris des leurs : « Il faut arrêter de réfléchir comme si on était au bureau avec la porte ouverte. Les circonstances sont différentes, mais le gestionnaire a toujours besoin de moments seul pour travailler. Un gestionnaire heureux, selon les recherches, est toujours plus performant ».