[Pénurie de main-d’oeuvre] Innover pour fidéliser

29 novembre 2019
Par Aurélie Beaupré

Bien que la pénurie de main-d’oeuvre représente un défi de taille pour de nombreuses entreprises, des stratégies de recrutement et de rétention des talents efficaces peuvent contribuer à diminuer les contrecoups de ce phénomène démographique et social.

Nicolas Sève et Dominic Migneault se spécialisent en la matière. L’entreprise qu’ils ont cofondée, C3pH, a pour mission d’améliorer le bonheur, la mobilisation et la fidélisation des employés. Plusieurs pratiques innovantes y ont donc été développées en ce sens afin d’aider les directions d’entreprises, tous secteurs d’activité confondus, à contrecarrer les effets de la pénurie de main-d’oeuvre. Après avoir procédé à un travail de veille et au rassemblement de données dans de nombreux pays, les chercheurs et entrepreneurs en sont venus à la conclusion que le recrutement, la fidélisation et l’amélioration de l’expérience relative au travail constituent trois éléments fondamentaux dans la rétention des employés.

 

Le recrutement

Bien que souvent négligé, le processus de recrutement se veut très important, le partage des valeurs organisationnelles par le candidat étant essentiel à son bien-être et à son intégration au sein de l’entreprise. Nicolas Sève encourage d’ailleurs la priorisation de cette qualité lors de l’embauche. « Les compétences techniques peuvent être comblées par des formations, tandis que les valeurs et les comportements sont très difficiles à faire évoluer dans le temps », explique-t-il.

 

Dominic Migneault et Nicolas Sève. Photo : Laurent Canigiani

 

C’est là que l’utilisation de techniques innovantes peut être de mise. Nicolas Sève suggère par exemple de permettre au candidat d’accompagner une personne qui occupe l’emploi pour lequel il postule pendant une journée et d’intégrer des mises en situation lors des entrevues. « Ainsi, la personne peut se projeter sur la situation réelle du poste afin d’éviter d’en avoir une image erronée. »

 

Fidélisation

Un candidat qui vient d’être recruté entre aussitôt dans une période critique de six mois durant laquelle il est plus susceptible d’abandonner son nouveau poste. Aux yeux des deux cofondateurs de C3pH, une bonne intégration à sa nouvelle équipe semble être le meilleur argument pour le convaincre de rester. L’intégration d’un nouvel employé commence avant même que celui-ci ne mette les pieds dans les bureaux de l’entreprise.

 

« On recommande aux organisations d’avoir un processus assez bien balisé, constitué de différentes étapes », souligne Dominic Migneault. Cette tâche reposant principalement sur les épaules du gestionnaire, il est suggéré d’accompagner ce dernier et de s’assurer qu’il est formé à cet effet de façon adéquate.

 

D’autres stratégies permettent de fidéliser les employés déjà intégrés à l’équipe. La transmission régulière de sondages, par exemple, aide à cibler les situations problématiques vécues par ces derniers. Il peut donc être bénéfique de troquer les traditionnels sondages annuels volumineux pour des sondages plus courts et plus fréquents. « Lorsqu’on est en mesure de voir où il y a des problèmes, on peut agir rapidement et corriger la lacune afin d’éviter que les employés démissionnent. » Les réponses obtenues permettent ainsi aux gestionnaires de prendre le pouls de l’entreprise.

 

La flexibilité relative aux heures de travail et aux vacances est une autre stratégie efficace. « Il est indispensable de réfléchir à la souplesse de notre organisation, l’équilibre entre la vie personnelle et le travail étant souvent sollicité par les employés. » Et lorsque certaines responsabilités rendent impossible l’offre d’une telle flexibilité pour l’employeur, il est important d’expliquer au personnel les raisons derrière cette impossibilité afin qu’il comprenne la situation.

 

L’expérience de l’employé

L’expérience du personnel constitue un élément clé pour assurer la rétention des talents. Les cofondateurs de C3pH ont d’ailleurs travaillé activement au cours des deux dernières années au développement d’un outil permettant de cibler les six principaux facteurs assurant la satisfaction des employés.

 

Outre le sentiment d’appartenance évoqué plus tôt, le premier facteur abordé par Nicolas Sève et Dominic Migneault est la relation de confiance entretenue avec le gestionnaire. Une déconnexion entre la haute direction et le reste des membres de l’entreprise est fréquemment observée, nuisant ainsi à cette relation. La tenue de rencontres entre la direction et les employés permet, par exemple, d’établir une meilleure communication entre les deux parties et de fixer des objectifs communs.

 

L’accomplissement professionnel est un autre facteur capital. La satisfaction liée à l’acquisition de nouvelles compétences et à l’épanouissement au sein d’une organisation dissuade souvent les employés susceptibles d’être sollicités par d’autres entreprises de quitter. Pour y arrriver, le recrutement interne est une solution envisageable.

 

Dans le même ordre d’idées, entretenir un sentiment de reconnaissance chez le personnel représente aussi une stratégie simple et efficace. Permettre à un employé d’apprendre les rudiments d’un autre poste grâce au mentorat, par exemple, c’est lui indiquer la possibilité de grandir dans l’entreprise, tout en valorisant le mentor pour ses compétences et son expertise.

 

Il est également valorisant pour un employé de voir son impact dans l’entreprise et sa contribution à un dessein dépassant le poste occupé être soulignés. « Souvent, les solutions à cet effet ne coutent pas grand-chose, mais créent un grand sentiment de fierté chez les employés », avance Dominic Migneault.

 

Finalement, le sentiment de bien-être psychologique et physique demeure essentiel à une expérience de travail positive. Il faut donc être à la recherche constante d’un équilibre entre les contraintes liées au travail et les besoins de la personne.

 

L’importance de ces six dimensions peut cependant varier en fonction de la nature des entreprises. Il ne faut donc pas, selon les cofondateurs, essayer de toutes les remplir à tout prix. La meilleure stratégie à adopter serait de cibler les facteurs les plus importants selon les besoins de l’organisation.

 

ET LES MILLÉNIAUX ?

Les milléniaux changent d’organisation tous les vingt mois en moyenne, et ce indépendamment de la grosseur de l’entreprise. Les différences entre les générations ne sont toutefois pas majeures selon les deux intervenants. L’élaboration d’une stratégie par génération ne serait donc pas particulièrement profitable. Les employés ont essentiellement les mêmes besoins, soit ceux d’être reconnus, d’apprendre et de sortir de leur routine. Il est possible de développer une stratégie globale qui fonctionne très bien.