Vent d'Ouest sur la construction multiétage en bois

9 novembre 2012
Par Dominique Lemoine

Des aventuriers témiscabitibiens de la transformation du bois sont revenus le 24 octobre 2012 d'une mission de découverte d'une semaine des territoires explorés par les artisans de la Colombie-Britannique en construction multiétage à ossature de bois, eux-mêmes ayant d'abord regardé ce qui se faisait ailleurs.

 

« En 2009, cette province a amendé le Code national du bâtiment pour permettre la construction en bois d'édifices de cinq et six étages, ce que le Québec, limité à quatre, pourrait aussi faire », dit Éric Fournier, directeur général du Créneau d'excellence Systèmes de construction en bois (SCISA). La mission a été entreprise par le SCISA pour identifier les enjeux et opportunités liés au développement de ce marché.

 

Explorer la construction multiétage en bois

L'idée d'une mission exploratoire a émergé grâce à une veille des tendances des marchés qui a permis de constater une tendance à la densification urbaine et à la construction de plus d'immeubles résidentiels de trois étages et plus (constitués surtout de ciment et d'acier). Et ce, en raison de la hausse des prix des terrains limitant le développement de nouveaux quartiers. D'où la perception d'opportunité pour le bois !

 

Les participants régionaux étaient : ArtCad, Groupe Conseil TRAME, Chevrons Rouyn-Noranda, Modulabec, Structures Première, Murs Cameron et l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT). Ils étaient accompagnés par Cecobois, l'Ordre des architectes du Québec (OAQ), l'Office municipal d'habitation de Québec (OMHQ), la Société d'habitation du Québec (SHQ) et le ministère des Ressources naturelles (MRN).

 

Les objectifs étaient de « voir de nos yeux les exigences de construction liées à la réglementation, et de vérifier si les solutions sont à notre portée et si les projets sont à la hauteur des compétences au Québec, pour pouvoir ramener l'expertise et développer de nouveaux marchés comme Montréal et Toronto ».

 

En plus d'immeubles de logement et de quartiers multiétages en construction ou construits, ils ont visité entre autres l'anneau olympique de patinage, le Centre des congrès de Vancouver et des édifices des campus des universités Simon Fraser et de la Colombie-Britannique. D'où une impression de retard du Québec en utilisation et design des produits de la nature dans l'architecture, selon Jacques Grenier, président du SCISA et président-fondateur de Modulabec (125 employés).

 

Pas de différences majeures en techniques et matériaux

La visite de chantiers a permis de noter que les composantes sont préfabriquées en usine et assemblées sur le chantier. Elle a aussi permis d'observer les contraintes du Code provincial du bâtiment amendé, liées à la protection contre les incendies, compression verticale et affaissement avec le poids des étages. Et de constater que l'industrie de la construction en bois de la Colombie-Britannique a trouvé des solutions à ces défis.

 

Pour la protection incendie, on installe des murs pare-feu entre les logements et un plus grand nombre de gicleurs. Pour prévenir la pression du poids des étages sur les composantes, on utilise des joints de contraction dans le système de plomberie pour qu'elle ne bouge pas, du bois d'ingénierie plus résistant à la compression pour les planchers, poutres, têtes de portes et de fenêtres, et on laisse un jeu de 3 à 5 pouces de hauteur dans le parement extérieur sur six étages, sans compter les appareils antisismiques.

 

Rien d'impossible pour l'industrie de la construction du Québec

« Ce sont des défis de conception, mais quand on en est conscient c'est assez facile d'y remédier. Rien qui semble impossible à réaliser au Québec, dit Éric Fournier. L'impression générale donc était qu'il n'y avait pas de grandes innovations nécessaires ni de grandes différences entre les façons habituelles de procéder et les ajustements apportés là-bas pour s'adapter aux contraintes réglementaires », ajoute-t-il.

 

Par ailleurs, ingénieurs, architectes et promoteurs d'ici ont l'expérience pour s'ajuster et réaliser ces projets, selon le participant Denis F. Fortin, architecte du Groupe Conseil Trame. Il dit que ce sont les mêmes méthodes avec ajustements faciles selon des calculs qui existent déjà (par exemple, des joints de dilatation dans le revêtement en prévision d'un assèchement du bois). Sur le plan technique, « rien n'empêche de faire autant et mieux ».

 

Pour une firme d'architecture, tout développement de créneau en bâtiment qui stimule la construction est intéressant. Il s'agirait donc, selon Denis F. Fortin, d'une autre option avec des avantages entre autres en rapidité d'exécution, logistique de logement de la main-d’œuvre en région éloignée et coûts (ex. : maximisation de fondations),  pouvant être offerte aux clients promoteurs en immobilier. Autre exemple, économiser deux ascenseurs en construisant quatre édifices de six étages plutôt que six édifices de quatre étages.

 

Avantages du développement du créneau

Selon Éric Fournier, ce marché serait une belle opportunité pour l'industrie de la construction du Québec et ses artisans. Il y aurait des économies en temps et en argent par rapport aux autres types de construction. Et en région, la main-d’œuvre ayant les compétences similaires requises en unifamilial et capable de les appliquer à de plus gros projets est plus disponible que la main-d’œuvre spécialisée en acier et ciment, constate-t-il.

 

Selon Jacques Grenier, le créneau créera de l'emploi dans la toile industrielle des produits du bois (scieries et entreprises de poutres d'ingénierie, toits, murs, chevrons et planchers, par exemple). Mais aussi dans tout le Québec, en incitant des promoteurs d'immeubles de logement ralentis par des considérations actuelles de coûts et rentabilité.

 

Présent et avenir ?

À la suite de cette mission, les participants vont regarder comment développer le créneau, faire un bilan des savoirs, sonder l'intérêt des promoteurs et vérifier avec la Régie du bâtiment la possibilité de lancer un projet pilote vitrine de six étages respectant à la lettre le code de la Colombie-Britannique. « Le principal frein est réglementaire », dit Éric Fournier. Selon lui, le code du bâtiment canadien devrait être modifié en 2015.

 

La première ministre Pauline Marois a dit le 31 octobre 2012, dans son discours inaugural à l'Assemblée nationale « qu'il serait temps, par exemple, de favoriser la construction d'édifices en bois de six étages comme ailleurs dans le monde ». Elle a dit que son gouvernement demandera à la Régie du bâtiment d'agir en conséquence. La naissance du créneau dépendra donc du temps nécessaire à la Régie pour modifier la loi et permettre six étages, selon Jacques Grenier.