La santé au travail par le biais du design et de l'architecture

8 octobre 2024
Par Elizabeth Pouliot

Afin de favoriser l’épanouissement de leurs employés et, par le fait même, leur rétention, les entreprises québécoises souhaitent de plus en plus favoriser leur santé au travail. Le design et l’architecture des espaces de bureaux, notamment, peuvent avoir des impacts positifs sur celle-ci.

C’est plutôt depuis peu que l’humain réfléchit à marier santé et travail. « Il s’agit d’un phénomène moderne, cette recherche de la santé et du bien-être au travail. Il y a eu d’énormes changements dans le monde professionnel, le plus majeur étant qu’aujourd’hui, le travail n’est souvent plus un effort physique, mais mental », explique Hubert Mansion, président de l’Université dans la nature. Cette organisation à but non lucratif a comme objectif principal d’enseigner les impacts positifs du contact avec la nature. Pour M. Mansion, une notion intéressante à aborder est celle de la santé cognitive, qu’il définit comme la capacité à penser, se concentrer et mémoriser, des éléments essentiels au monde du travail.

 

Hubert Mansion, président de l’Université dans la nature. Crédit : E. Tamko

 

Aujourd’hui, le travail n’occupe plus seulement l’esprit de l’employé quand il s’y trouve; ses tracas professionnels l’accompagnent avant et après aussi. C’est ce que le président de l’Université dans la nature appelle le mind space. « Cet élément, dont on parle peu, est pourtant fondamental. Avant, il suffisait de ne plus faire le travail pour se reposer. Maintenant, il se prolonge souvent après les heures de travail. » Cette nouvelle situation surcharge l’esprit et peut créer des problèmes de santé mentale et cognitive. Alors, comment une entreprise peut-elle arriver à soulager le mind space ? Le design et l’architecture peuvent devenir des alliés non négligeables.

 

La nature à la rescousse

Pendant longtemps, c’est le lean design qui primait, et qui prime encore beaucoup, c’est-à-dire des espaces de travail vides de diversions, qui ne comprennent que l’ordinateur, la souris et le téléphone, sans décoration murale et sans accès à la lumière naturelle. Et les espaces à aire ouverte sont dorénavant légion. Pourtant, les interruptions incessantes (conversations d’autres employés, bruits divers) que de tels espaces créent ainsi que le manque de lumière naturelle seraient les plaintes que les employés formulent le plus souvent.

 

Encore peu présent au Québec et en Europe, le Biophilic Design est de plus en plus répandu aux États-Unis. Des entreprises d’envergure telles qu’Amazon, Microsoft, Airbnb et Etsy l’appliquent, et la créativité et la productivité de leurs employés se verraient augmentées. Ce concept englobe plusieurs aspects, dont l’accès à la lumière naturelle, la limitation de la pollution sonore ainsi que l’ajout de lieux de sociabilité et d’éléments qui permettent de restaurer l’attention et de réduire le stress des employés. Quand il est à l’extérieur, l’humain se trouve dans un espace en mouvement, ce qui force son attention à demeurer en alerte : un insecte qui passe, un oiseau qui chante, une feuille d’arbre qui tombe. Ces éléments qui paraissent anodins lui permettent en fait de recharger son attention. Recréer un environnement semblable à l’intérieur, à l’aide de plantes, mais aussi de fenêtres, de couleurs intéressantes, ne serait que bénéfique pour les employés.

 

« L’évolution humaine a fait en sorte que notre attention est limitée dans le temps. Il faut absolument qu’on puisse recharger cette attention. Et comment y arriver dans un environnement terne? On ne peut pas! C’est la grande erreur du lean office. Des recherches scientifiques ont démontré que quand il y a des éléments naturels dans un bureau, l’attention des employés se recharge et leur productivité augmente », souligne Hubert Mansion.

 

Et qu’en est-il des chantiers de construction? « Pour les chantiers, c’est exactement l’inverse! Les problématiques viennent du fait que les employés sont à l’extérieur », note-t-il. La pollution sonore, le contact avec des produits chimiques et les températures difficiles sont les principaux problèmes des travailleurs de la construction. Des accessoires comme des casques, des masques et des gants peuvent alors grandement aider… ainsi que consulter les travailleurs eux-mêmes, soutient le président.

 

Des employés aux petits soins

Deux entreprises québécoises ont mis certaines de ces notions en pratique dans l’élaboration de leurs espaces de bureau. Optima Aero, qui évolue à Beloeil dans le domaine de l’aéronautique, a développé son bâtiment avec, en tête, des approches semblables aux principes BOMA BEST, qui mettent de l’avant une construction et une rénovation en phase avec le développement durable. En plus d’accentuer le confort de ses employés avec une climatisation et un chauffage adéquats ou encore une importante fenestration, Optima Aero compte un gymnase, des vestiaires et des douches. Une terrasse sur le toit, qui comprend deux serres maraîchères, est également accessible aux employés. « Ils viennent souvent nous remercier d’avoir fait un environnement de travail aussi beau et inspirant.

 

Valéry Lapointe, chargée de projets internes chez Optima Aero. Crédit : Brophoto

 

Ça nous a aussi permis de recruter des talents de Montréal et d’un peu partout pour venir travailler en banlieue », indique Valéry Lapointe, chargée de projets internes chez Optima Aero. Chez Novo SST, une entreprise qui oeuvre en santé sécurité et qui a des antennes à Québec, à Longueuil et à Laval, favoriser la santé des employés passe par le design actif, entre autres, qui vise à soutenir l’activité physique et les bonnes habitudes de vie. En plus d’offrir une grande luminosité, les bureaux de Novo SST proposent des douches et des vestiaires aux personnes qui voyagent à pied, par la course ou à vélo. Les employés ont aussi accès à des bureaux élévateurs, des pédaliers, des lampes de luminothérapie. De plus, les locaux sont situés à un niveau intéressant pour ceux qui voudraient s’y rendre par les escaliers. « Et on a développé, à l’interne, une application pour encourager l’employé à poser des gestes en lien avec les saines habitudes de vie. Il accumule ainsi des « santé dollars », qui peuvent être monnayés contre des biens ou services en lien avec la santé au travail », illustre Sylvie Renaud, vice-présidente des ressources humaines chez Novo SST.

 

Néanmoins, pour Hubert Mansion, l’amélioration de la santé au travail réside dans la consultation des employés. « Il me paraît absolument essentiel de leur demander leur avis, de les questionner sur leurs besoins. On vit dans un monde de silos, c’est important d’en sortir pour essayer de créer des environnements positifs pour la santé humaine, qu’elle soit mentale ou physique », réitère en terminant le président de l’Université dans la nature.

 

LES TOILETTES, REMPART DE LA SANTÉ AU TRAVAIL ?

Il existe un endroit commun à toutes les entreprises et où les employés trouvent une certaine intimité, s’y réfugiant tout naturellement : les toilettes! « Il me paraît très important de bien aménager les toilettes. Les gens y font le replay, revoient des événements qui se sont passés, y réfléchissent », mentionne Hubert Mansion. Les toilettes font aussi office de carrefour, c’est-à-dire que des employés de différents départements et fonctions s’y retrouvent. « Il faut des lieux de rencontres fortuites. C’est un élément très important, qui peut faire aboutir à des innovations. »