Les robots intelligents : nouveaux inspecteurs du réseau d’Hydro-Québec

21 juin 2018
Par Michel Bouchard

En créant son institut de recherche, il y a déjà plus de quatre décennies, Hydro-Québec s’est donné les outils pour maximiser l’efficacité de son réseau, tout en exportant ses technologies. Ses projets d’innovation ont débouché sur des dispositifs technologiques qui facilitent grandement l’entretien et l’inspection de son réseau de transport d’électricité. Du lot, la robotique de ligne.

La technologie de la robotique de ligne est utilisée régulièrement par Hydro-Québec depuis 2006, étant annuellement mise à profit avec une quinzaine d’inspections sur l’ensemble du réseau. Déployée dans sept pays différents, soit le Canada, les États-Unis, la Chine, l’Inde, la Belgique, le Royaume-Uni et la France, elle permet à la société d’État de s’établir comme leader mondial en la matière. Une expertise d’ailleurs récompensée par de nombreux prix.

 

L’Institut de recherche d’Hydro-Québec (IREQ) a récemment conçu le LineRanger, une plateforme roulante qui se veut révolutionnaire dans la façon dont elle franchit les obstacles sans avoir à ralentir sa progression. « C’est une conception mécanique dite de mécanique intelligente, explique Serge Montambault, jusqu’à tout récemment chef de l’unité Robotique d’inspection et de maintenance de l’IREQ. On utilise peu de moteurs, mais on fait appel au sous-actionnement en utilisant des systèmes de ressorts très simples, en prévoyant leur comportement. »

 

 

Serge Montambault. Photo de Hydro-Québec

 

L’implication des gens concernés directement sur le terrain est un facteur clé dans l’élaboration de tels appareils. Des monteurs de lignes aux techniciens en passant par les ingénieurs, tous les partis sont sondés afin de bien cerner les contraintes. « Eux, ils veulent des outils spéciaux qui s’installent avec les outils dont ils disposent déjà. Soit un treuil, des poulies ou des tiges de travail isolées », précise M. Montambault.

 

Des origines lointaines

Ce dernier explique la genèse d’une technologie qui s’est implantée comme un instrument incontournable, voire indispensable. « On pourrait dire que la robotique de ligne a débuté en 1998 lors de la crise du verglas. Nous étions devant de nombreux enjeux liés à la présence de glace sur les conducteurs et sur les câbles de garde qui agissent à titre de parafoudre. Pendant la fameuse crise du verglas, nous avons trouvé une solution rapide permettant de déglacer les câbles de garde efficacement. »

 

Si la solution n’a pas été utilisée durant la crise, le prototype présenté, qui n’était alors pas motorisé et seulement tiré par un câble, a attiré l’attention. Il fallait ensuite le rendre autonome et, tant qu’à y être, permettre au chariot télécommandé de fonctionner sur un réseau sous tension et le doter d’une caméra d’inspection.

 

Il s’avère ardu de mettre hors tension une ligne pouvant aller jusqu’à 765 000 volts. La possibilité de procéder à une inspection d’un réseau électrique sans le faire offre une économie de temps et d’argent à grande échelle, en plus d’éviter les interruptions de service pour les clients. « On a frappé dans le mille par rapport aux besoins de l’industrie du transport d’énergie en général. Outre le besoin stratégique des informations qu’il procure, il procède sur tension et donc, n’entraine pas de coupure de service. »

 

Au terme de cette démarche est né le LineROVer, le premier appareil télécommandé adapté au réseau du transport d’électricité. « On y retrouve une caméra thermographique qui permet de détecter d’éventuels points chauds sur le réseau, un appareil de mesure de résistance électrique des jonctions entre deux sections de câbles jointées. On peut aussi l’utiliser pour remplacer des conducteurs avec la méthode poulie-berceau, une méthode qui vise à remplacer un conducteur ou un câble de garde en utilisant l’ancien comme support. »

 

Une innovation constante

Parmi les contraintes, le robot devait être doté d’une force de traction lui permettant de tirer un câble sur une distance de 500 mètres. Après avoir constaté son évidente efficacité, Hydro-Québec TransÉnergie montre un intérêt envers la conception d’un modèle en mesure de traverser les obstacles et de passer d’un pylône à un autre.

 

« Le projet LineScout voit le jour en 2003. Le robot, plutôt costaud, possède un bras articulé robotisé qui permet des assemblages temporaires et même de visser et dévisser des assemblages boulonnés. Il est équipé de quatre caméras et d’un capteur pouvant mesurer et détecter la corrosion dans les câbles. En somme, il offre la possibilité de faire une évaluation non destructive du câble pour procéder à une inspection. »

 

Les prouesses technologiques n’en sont pas restées là, alors qu’un appareil de radiographie numérique sans isotopes radioactifs y a été introduit, permettant la vérification de l’état des composantes à l’intérieur d’un câble. Les facteurs à prendre en compte sont nombreux lorsqu’il est question de travailler sur des lignes à haute tension. Non seulement faut-il tenir compte du voltage important qui circule dans les câbles, mais il est aussi nécessaire de munir les robots de protection contre les champs magnétiques induits.

 

« Les robots fonctionnent avec des batteries variant de 12 à 24 volts. Que ce soit des systèmes de communication, des GPS, des bras robotisés, il faut les rendre fiables et sécuritaires avant de les embarquer sur un réseau. »

 

L’expertise de pointe acquise par Hydro-Québec dans toutes les sphères d’activité touchant l’inspection, l’entretien et la maintenance des installations électriques lui a permis d’exporter son savoir-faire technique et scientifique partout sur le globe. Ce type d’innovations est également ce qui permet le maintien des plus hauts standards. « Travailler sur un réseau sous tension, ici ou ailleurs, représente une économie importante. On a réussi à le faire grâce à une expertise unique au monde », conclut Serge Montambault.

 

COMMENT INSTALLE-T-ON UN ROBOT SUR UN RÉSEAU EN TENSION ?

Arrivé au chantier, un premier monteur de ligne grimpe dans le pylône, y installe une poulie et glisse un câble isolant dont les extrémités se rendent au sol. Une extrémité du câble est attachée au treuil du camion, tandis que l’autre est attachée au robot. En actionnant le treuil, le robot, qui peut peser jusqu’à une centaine de kilos, se voit soulevé. Une fois le robot hissé à la hauteur du conducteur, la personne attachée au pylône utilise une tige isolée pour le pousser et l’arrimer à la ligne sous tension. Le robot n’est pas isolé du câble, mais ses systèmes le sont par le biais des boucliers électromagnétiques et des stratégies de mise à la terre. L’inspection peut alors débuter en toute sécurité.

 

DES DRONES À TOUTE ÉPREUVE

Toujours dans l’objectif de concevoir de nouveaux systèmes en mesure de faciliter l’entretien du réseau, l’équipe de l’IREQ travaille actuellement sur les derniers détails d’un prototype de drone capable de se poser directement sur les câbles en tension. « C’est notre plus imposant défi en 20 ans. Une fois posé, l’appareil doit rouler sur le fil et prendre des mesures; un exploit auquel personne ne croyait dans l’industrie, mais nous l’avons fait avec le LineDrone. Nous effectuons actuellement des tests et nous sommes en période d’essais depuis deux ans sur notre réseau. Jusqu’à présent, on peut dire que le drone répond très bien. L’installation se fait en trois minutes et permet de passer tous les obstacles. La charge utile est cependant faible sur les drones; au-delà de deux ou trois kilos, ils peinent », note Serge Montambault. On peut citer d’énormes avantages à l’utilisation des drones, mais de par la durée des batteries et la capacité de charge qui ne dépasse pas les 2 à 3 kilos, la technologie demeure complémentaire au LineScout, qui peut transporter 10 kilos de charge utile.