Éclairage en architecture : au-delà du subjectif

24 avril 2015
Par François Cantin, M. Sc. Arch.

Lors de ma précédente chronique, il a été question de l’importance de se (re)synchroniser avec notre environnement extérieur, surtout en milieu de travail, entre autres afin de tirer profit d’une exposition soutenue à un éclairage naturel permettant de réguler notre horloge biologique interne.

En plus d’assurer le bon fonctionnement de notre corps, une telle exposition limiterait les risques de carence en vitamine D et, par le fait même, contribuerait à réduire les probabilités de cancer, d'hypertension, de maladies du cœur, d'ostéoporose et de divers désordres auto-immunes.

 

Malgré les avancées de la science dans le domaine de l’éclairage en architecture et les nombreuses démonstrations relatives à l’impact plus que positif de la lumière naturelle en milieu de travail, force est de constater que plusieurs travailleurs n’ont toujours pas la chance de bénéficier d’un éclairage naturel de qualité (parfois même malgré des réaménagements majeurs récents). Ceci dit, si nous sommes en droit de nous questionner face à un tel état de fait, nous avons certainement la responsabilité d’encourager (pour ne pas dire forcer) le changement.

 

Rendement de l’investissement

Dans un monde où les décisions relatives à un projet architectural sont souvent prises en fonction d’écourter, autant que possible, les périodes de rentabilité de l’investissement, développer une architecture axée sur la qualité et le confort de l’occupant est rarement chose facile. Bien qu’il soit acquis que le bien-être des occupants constitue un avantage certain, le défi demeure essentiellement le même : justifier financièrement les décisions. Notre inaction est, en quelque sorte, directement liée à notre incapacité à effectuer un exercice comptable simple qui permettrait d’associer, hors de tout doute, un rendement à des stratégies architecturales (en éclairage naturel, par exemple) axées sur la qualité de vie des occupants.

 

Et si les choses changeaient ? Imaginons qu’au-delà de la préférence (maintes fois répertoriée) quant à un scénario d’éclairage reposant en partie (ou entièrement) sur la lumière naturelle, il soit possible de quantifier avec précision l’impact positif d’environnements de travail éclairés naturellement sur le niveau de productivité des occupants.[FC1] 

 

Dans les faits, il ne s’agit pas d’une mince tâche, car l’effet de la lumière sur la productivité d’un employé est complexe, voire ambigu, étant donné la multitude de facteurs pouvant entrer en ligne de compte, tels que la motivation face à l’emploi, les relations entre les collègues, le type de management et le niveau de contrôle offert aux occupants sur leur environnement1.

 

Démontrer le positif

Au cours des dernières années, plusieurs travaux de recherches ont néanmoins porté sur le sujet. Parmi ceux-ci, mentionnons la récente contribution d’un groupe de chercheurs basé à l’École polytechnique fédérale de Lausanne2. Grâce à une approche rigoureuse, ces derniers ont pu comparer l’impact d’un éclairage artificiel et naturel sur la satisfaction, la productivité et le bien-être au travail. Pour ce faire, les 25 sujets ayant pris part à cette recherche ont été exposés pendant un après-midi à un éclairage artificiel, puis à une lumière naturelle pendant un deuxième après-midi. Il importe de mentionner qu’afin de ne pas biaiser les résultats des observations et des travaux, aucune vue sur l’extérieur n’était offerte aux participants lors de l’évaluation subjective des situations impliquant la lumière naturelle.

 

De manière générale, en ce qui a trait à leur confort visuel, les participants ont exprimé une préférence pour un éclairage naturel. En parallèle, les chercheurs confirment avoir pu associer les fonctions visuelles et non visuelles, ce qui indique un lien potentiel entre le confort visuel et les fonctions du corps dépendant du niveau d’éveil. Sachant que ces dernières sont susceptibles d’influencer la productivité, la recherche en éclairage semble être sur la bonne voie. Elle devra cependant se poursuivre et s’intensifier afin que les concepteurs puissent connaître (et ultimement utiliser) les arguments qui leur permettront de « vendre » plus aisément des projets à valeur

 

1. Boyce, P. (2003) Human Factors in Lighting. 2nd ed. London and New York: Taylor & Francis

2. Borisuit, A., Linhart, F., Scartezzini, J-L et Munch, M. (2015) Effects of realistic office daylighting and electric lighting conditions on visual comfort, alertness and mood, Lighting Research and Technology, vol. 47, no 2, pp. 192-209


L’auteur est chargé de projet chez Coarchitecture , bénévole au sein de la section du Québec du CBDCa et membre d’ECOOP, une coopérative offrant divers services de consultation en science du bâtiment.

Cette chronique est parue dans l’édition du vendredi 27 mars 2015 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !