4 janvier 2019
Par Pierre-Luc Déry

C’est sur un fond de tensions diplomatiques et de crises intérieures que s’est terminée l’année 2018. L’incertitude affectant la majeure partie du temps l’économie, certains craignent qu’une crise pointe à l’horizon. Mais quand est-il véritablement?

Contexte mondial

Au niveau mondial, le pessimisme et l’incertitude semblent avoir affecté les investisseurs; pourtant, peu de signes démontrent que l’actuelle expansion économique tire à sa fin. Un facteur expliquant ces appréhensions est l’escalade des droits de douane initiés par le gouvernement américain. Plus précisément, ce sont les tensions entre les États-Unis et la Chine qui pourraient nuire aux investissements mondiaux.[1]

 

S’il est prévu que la situation entourant le Brexit devrait avoir un impact négatif sur l’économie européenne, c’est l’économie chinoise qui inquiète le plus, car malgré une bonne croissance de près de 6 %, elle connaîtra un ralentissement lors des deux prochaines années[2].

 

Malgré tout, les institutions financières prévoient que l’économie mondiale connaîtra une croissance supérieure à 3 % en 2019. Si la croissance se poursuit, les risques de baisse sont toutefois plus importants, grandement liés aux hausses prévues des taux d’intérêt ainsi qu’au contexte politique plus instable[3].

 

États-Unis

L’économie américaine va bien dans l’ensemble. Les baisses d’impôts et les mesures de relance budgétaires ont entraîné une expansion économique. L’effet de ces mesures devrait néanmoins s’estomper entraînant des croissances plus faibles en 2019 et 2020[4].

 

Un autre facteur expliquant la vigueur de l’économie américaine est l’augmentation des dépenses publiques. Cela serait d’ailleurs la principale source de croissance en 2019, mais comme les autres mesures, son effet diminuera lors des prochaines années[5].

 

Ce serait les conséquences du protectionnisme et la hausse des taux directeurs par la Réserve fédérale américaine qui auront par la suite le plus d’impact. L’annonce d’une hausse de tarif par l’administration Trump ainsi que les représailles qui s’en sont suivies font déjà mal aux exportations. Le déficit commercial a atteint en octobre 2018 son plus haut taux en dix ans[6].

 

Canada

Du côté canadien, rien ne semble alarmant à court terme. Le marché du travail a atteint des sommets historiques, avec le plus bas taux de chômage depuis 1976[7].

 

Selon la Banque de développement du Canada (BDC), la croissance se situera à près de 2 % en 2019. Ce seront la Colombie-Britannique, l’Ontario et le Québec qui agiront comme moteur de l’économie canadienne[8].

 

Si elles inquiétaient au départ, la renégociation de l’ALÉNA n’a pas apporté la catastrophe attendue. De plus, la division du Congrès américain au nouvel accord pourrait s’avérer bénéfique pour le Canada[9].

 

Par contre, la chute du prix du pétrole fait mal à l’économie canadienne. Cela s’explique par les difficultés de transport et les interruptions de raffinage. La baisse des prix a même poussé le Gouvernement de l’Alberta à réduire la production dans cette province[10]. De plus, la hausse des taux d’intérêt et le niveau élevé de l’endettement devraient ralentir la croissance de la consommation, en plus de nuire au marché de l’habitation[11].

 

Québec

Le Québec a connu une très bonne année 2018, avec un taux de croissance de 2,6 %, dépassant ainsi toutes les autres provinces canadiennes[12]. En 2019, la croissance économique du Québec devrait se situer autour de 2 %[13].

 

Si le taux de chômage est faible, de nombreuses entreprises connaissent des difficultés pour recruter de la main-d’œuvre qualifiée, alors que les départs à la retraite s’intensifient[14]. Cette pénurie limitera malheureusement la capacité des entreprises à saisir les opportunités de croissance[15]. La situation de l’emploi et la pénurie de main-d’œuvre devraient toutefois pousser les entreprises à investir dans la machinerie et la productivité des travailleurs[16].

 

Si la construction résidentielle a chuté à l’été 2018, à la suite d’une forte activité lors des dernières années, les mises en chantiers ont augmenté à l’automne. Celles-ci devraient demeurer stables en 2019. De plus, la construction de nouveaux projets de copropriétés et de logements locatifs continuera cette année à Montréal[17]. Cette demande est principalement due à la vigueur du marché du travail, à une augmentation de la migration internationale et à une diminution des pertes provinciales dans la population[18].

 

Et alors, la crise?

Si les économies un peu partout sur la planète semblent ralentir, on ne peut pas prétendre qu’une crise mondiale adviendra cette année. L’économie mondiale devrait toutefois connaître des difficultés en 2020 ou en 2021, ce qui donne le temps aux décideurs d’apporter des correctifs.

 

Les catastrophes peuvent toujours survenir; mais au-delà de l’actualité, ce sont les problèmes structurels, tels l’endettement des ménages, les difficultés liées à l’immobilier ainsi que la pénurie de main-d’œuvre qui pourraient le plus heurter l’économie.

 

Pour ne pas que la situation dans son ensemble s’aggrave, il faudra que des décisions soient prises dans une vision à long terme, tant au niveau des gouvernements que des entreprises.

 


 

1. Beata Caranci, Derek Burleton et Brian DePratto, «Prévisions économiques trimestrielles. Économie mondiale : ralentissement à prévoir.» Sources économiques TD, 13 décembre 2018, p.1.

2. François Dupuis, Mathieu D'Anjou, Hélène Bégin, Benoit P. Durocher, Francis Généreux et Hendrix Vachon, «Prévisions économiques et financières». Desjardins, Études économiques, 18 décembre 2018, p.5.

3. Craig Wright, Paul Farley, Dawn Desjardins et Nathan Janzen, «Perspectives économiques et financières». Recherche économique RBC, Décembre 2018,  p.1.

4. Beata Caranci et al., Op. cit., p.2.

5. Craig Wright et al., Op. cit., p.2.

6. François Dupuis et al., Op. cit., p.6.

7. Ibid., p.8.

8. Pierre Cléroux, «Perspectives économiques pour 2019 : le Canada est en bonne position». Banque de développement du Canada. En Ligne

9. Beata Caranci et al., Op. cit., p.4.

10. Craig Wright et al., Op. cit., p.4.

11. Beata Caranci et al., Op. cit., p.6.

12. Paul Farley, Robert Hogue et Ramya Muthukumaran, «Perspectives provinciales». Recherche économique RBC, 12 décembre 2018, p.7.

13. François Dupuis et al., Op. cit., p.10.

14. Idem

15.Paul Farley et al., Op. cit., p.1

16. Ibid., p.7

17. François Dupuis et al., Op. cit., p.10

18. Paul Farley et al., Op. cit., p.7