Gérer sainement ses finances en période de pénurie

11 janvier 2022
Par Vincent Rioux

Avec les délais de livraison qui trainent en longueur, le cout des matériaux de construction qui va en montagnes russes et la main-d’oeuvre qui se raréfie, il devient impérieux, aujourd’hui plus que jamais, d’avoir une saine gestion financière de son entreprise.

Les bouleversements engendrés par la pandémie auraient conscientisé les entrepreneurs quant à l’importance de la gestion financière de leur entreprise, croit Anick Santerre, cofondatrice et présidente d’Alexi Construction, qui se spécialise en gestion d’entreprise en construction.

 

« Souvent les entrepreneurs, ce sont de vaillants travailleurs, ils sont fréquemment sur le terrain et ils aiment ça », remarque-t-elle. Comme ils sont occupés, l’aspect administratif de l’entreprise est parfois délaissé par manque de temps ou d’intérêt. « Ça peut aussi être par manque de connaissances », note-t-elle. Pourtant, accorder de l’importance à la santé financière de son entreprise devrait être une priorité qui nous évite de nous retrouver dans une situation précaire.

 

Travailler en amont

« Tout part des soumissions, car c’est là que nos ventes commencent, explique l’experte en gestion d’entreprise en construction. Il faut mettre du temps afin de développer une bonne méthode d’estimation des couts, de façon à être capable de calculer le cout des soumissions assez détaillées. »

 

Si l’entrepreneur fait bien ses devoirs en amont, ce travail lui facilitera la tâche pour la suite du processus de soumission : « On s’assure ainsi d’avoir une bonne gestion de couts, parce qu’on a de bonnes références dès le départ », suggère la présidente d’Alexi Construction.

 

Avant de donner un prix à un client, il faut que l’entrepreneur soit au courant de ses frais fixes. « L’entrepreneur en construction doit savoir ce que ça coute à l’entreprise en frais administratifs, afin qu’il soit capable de répartir ces frais sur l’ensemble de ses projets », avance la cofondatrice de l’entreprise basée à Québec.

 

Être à l’affût

Il importe de surveiller régulièrement le cout des projets au fur et à mesure qu’ils progressent. « Il ne faut pas attendre à la fin du mois, de l’année ou encore la livraison du projet pour savoir si ç’a été profitable, avertit Anick Santerre. Quelquefois, il est possible d’ajuster le cout du projet en cours de route si on possède l’information juste à cet effet. »

 

Anick Santerre, cofondatrice et présidente d’Alexi Construction. Crédit : Sophie Grenier

 

Ne pas prendre connaissance des chiffres les plus récents peut rendre ardue la prise de bonnes décisions. « Sinon, c’est comme jouer un match de hockey sans voir les points inscrits au tableau d’affichage, illustre la spécialiste. Tu ne sais pas si tu gagnes ou si tu perds, ce qui fait que tu ne joueras pas de la même façon. »

 

Se mettre au parfum périodiquement de l’état financier de l’entreprise permet de mieux se fixer des objectifs à atteindre. Par exemple, l’entrepreneur peut constater que, à la lumière de l’analyse périodique des états financiers, l’équipe de réalisation du chantier devra accomplir les travaux en un nombre restreint d’heures. Il pourra alors en aviser les travailleurs, de manière à donner un but à l’équipe.

 

« Tout ce qu’on peut mesurer, on va pouvoir mieux le gérer et l’améliorer, convient la spécialiste. Ce qu’on ne peut pas mesurer, on ne sait pas si on le perfectionne ou si ça se détériore. »

 

Ménager les liquidités

Une gestion approximative des finances de l’entreprise peut mener à un épuisement imprévu des fonds de roulement. « Beaucoup d’entreprises vont faire faillite, non pas parce qu’elles n’ont pas fait de profits, mais simplement en raison d’une mauvaise gestion des liquidités, confie celle qui cumule plus de vingt ans dans l’industrie. D’autres fois, c’est la facturation qu’il faut faire au bon moment. »

 

Tout commence avec une bonne planification. « Un projet peut couter beaucoup plus cher au début en termes de liquidités et va nécessiter de dégager des sommes, prévient-elle. Il faut être capable d’anticiper cela pour demander un acompte ou facturer rapidement au client le montant nécessaire pour réduire la pression sur les fonds de roulement », explique-t-elle.

 

L’autre aspect délicat, c’est le suivi des comptes clients. Quand ce sont des clients institutionnels, il se peut que le délai du paiement tarde un peu. « Mais au moins, tu es certain d’être payé, assure Anick Santerre. Dans le commercial et le particulier, ça demande de la discipline pour le suivi de ses comptes à recevoir parce que, si ça traine, ça vient impacter la liquidité immédiatement. »

 

Souvent, les entreprises attendent d’avoir besoin d’argent pour aller chercher du financement. Parfois, il arrive qu’il soit trop tard. « Il faut aller le chercher avant d’être mal pris et bien le gérer, conseille-t-elle. Ça aussi c’est une bonne pratique pour éviter d’être dans le trouble. Quand on en a besoin rapidement, c’est là que ça devient généralement plus difficile d’emprunter. »

 

Enfin, pour assurer une saine gestion financière d’une entreprise en construction, Anick Santerre pense d’abord et avant tout qu’il faut avoir des objectifs ambitieux, mais réalisables, afin de savoir où on s’en va.

 

« Ensuite, on est mieux en mesure d’avancer et de poser des actions », reconnait-elle. Il convient de toujours observer les états financiers pour savoir si on se rapproche des objectifs qu’on s’est fixés. Accorder du temps et de l’importance à l’aspect administratif est un gage de succès, ajoute-t-elle.

 

« Les entrepreneurs ont des équipes sur le chantier et les gars attendent après eux pour toutes sortes de choses. Les entrepreneurs peuvent aimer particulièrement leur travail sur le terrain. Pourtant, ils doivent prendre le temps pour planifier et travailler leur projet, c’est très important ! », conclut-elle.