Le béton de chanvre : un confort écologique

16 décembre 2015
Par Luc-Etienne Rouillard Lafond

Si le premier bâtiment français en béton de chanvre a été bâti en 1986, son utilisation est encore marginale. Alors qu’ingénieurs et architectes commencent à découvrir ses qualités, ce matériau novateur était présenté à Paris le 3 novembre dernier,  dans le cadre d’une conférence au salon international BATIMAT 2015.

Désormais utilisé en France dans des projets résidentiels ou institutionnels, comme la nouvelle Maison du tourisme de Troyes, ce béton végétal se démarque par sa simplicité. En retirant les fibres présentes dans les tiges de chanvre, on obtient une paille nommée chènevotte. Livrée en sac sur le chantier, celle-ci est mélangée avec de la chaux et de l’eau pour former le matériau.

 

La structure microporeuse de la chènevotte lui donnant un comportement hygroscopique, il a une très grande capacité d’absorption et de résorption de l’humidité. Pour cette raison, le béton de chanvre offre un confort hygrothermique élevé, en mettant à profit l’humidité contenue dans le bâtiment pour réguler sa température.

 

« L’humidité que le chanvre est capable d’absorber va générer des transferts de chaleurs latentes, qui sont liées aux changements d’état de l’eau, explique l’ingénieur Laurent Mouly. La vapeur contient énormément d’énergie. Quand cette vapeur va se condenser dans le mur et être absorbée par le chanvre, elle va se refroidir, se condenser dans le mur et libérer cette chaleur. »

 

Cette propriété est mise à profit tant pour le confort d’hiver, alors qu’elle réchauffe la surface des murs intérieurs, que d’été, car elle refroidit les murs et crée une température de surface plus fraîche. « Grâce au béton de chanvre, avance-t-il, il y a un décalage entre la température maximale extérieure et la température intérieure de 5 °C. »

 

Matériau cinq fois plus léger qu’un béton traditionnel, il ne peut être utilisé qu’en remplissage et non de façon structurelle. Pour cette raison, il doit être jumelé à une structure de bois afin d’assurer sa stabilité. S’il peut être appliqué par coffrage, un procédé de projection a également été développé.

 

Comme il est fait uniquement avec des composantes naturelles, ce béton est entièrement recyclable. Aussi, sa démolition ne produit que de la paille de chanvre et du calcaire, qui peuvent être utilisés en terre végétale après avoir été broyés.

 

Une utilisation encore artisanale au Québec

Gabriel Gauthier, avec son entreprise ArtCan, est un des rares Québécois à utiliser ce matériau. Après l’avoir découvert lors d’un séjour en France, il a été impressionné par son efficacité à améliorer les coûts de chauffage et de climatisation, malgré nos températures hivernales plus froides.

 

Les maisons qu’il construit ont un facteur d’isolation R-25, mais celui-ci ne prend pas en compte des facteurs comme la masse thermique ou la régulation de l’humidité. Le béton de chanvre impose donc selon lui une transformation de nos conceptions. « Il ne fait pas juste isolé. Il quitte le concept industriel de garder de l’air hermétique à chauffer et à refroidir. »

 

S’il ne réalise pour l’instant que des maisons, le Sheffordois croit que le chanvre pourrait être privilégié pour des bâtiments plus volumineux, notamment avec le développement de murs-rideaux préfabriqués. L’approvisionnement est cependant au Québec un frein à son utilisation, puisqu’il doit souvent se rabattre sur la France pour obtenir sa matière première. Pour populariser ce matériau novateur, une filière industrielle devra donc selon lui être implantée.

 

« Il faut que l’on sorte de la technique artisanale pour aller là. Soit que l’on sorte de la technique artisanale, soit que l’on consente des budgets de l’ordre du double ou du triple de ce que nécessite la construction conventionnelle. »

 

Cet article est paru dans l’édition du jeudi 26 novembre 2015 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !