Opération vertige : construction d’une plateforme d’observation au Géoparc de Percé

22 juin 2017
Par Léa Méthé-Myrand

La région de Percé, en Gaspésie, présente un patrimoine géologique d’intérêt international. Afin que les visiteurs puissent en prendre la pleine mesure, le Géoparc de Percé a fait bâtir, à flanc de falaise, une plateforme d’observation suspendue au plancher vitré. La mise en oeuvre de cette expérience à couper le souffle était une aventure en soi.

Le Géoparc de Percé a vu le jour à l’automne 2016, fruit d’une initiative locale pour mettre en valeur l’impressionnant panorama que constitue la pointe de Percé, là où la chaîne des Appalaches vient mourir dans le golfe du Saint-Laurent.

 

En plus de sa topographie unique, le secteur possède une faune et une flore riches ainsi qu’un vaste réseau de sentiers. « On voulait proposer une expérience touristique nouvelle et mettre en valeur la montagne, explique Cathy Poirier, présidente du Géoparc de Percé. On misait aussi sur des éléments punch pour constituer une offre payante et ainsi assurer la pérennité financière du projet. »

 

L’idée de plateforme au plancher vitré s’inspire du Grand Canyon Skywalk, près de Las Vegas, et de la passerelle du parc nationalde Jasper, en Alberta, surplombant le champ de glace Columbia. Au Québec, un seul précédent : le belvédère de la chutede Val-Jalbert, au Saguenay. La firme d’ingénieurs Norda Stelo a été retenue pour concevoir une structure suspendue à l’aspect impressionnant, sans toutefois dénaturer le paysage désigné « arrondissement naturel », en vertu de la Loi québécoise sur les biens culturels.

 

Situé à 194 mètres au-dessus du niveau de la mer, le belvédère est adossé à une falaise du mont Sainte-Anne et surplombe le village de Percé et le littoral. Il offre un point de vue inédit sur le célèbre rocher. « Le coup d’oeil est époustouflant. C’est un incontournable ! dit Cathy Poirier. La structure elle-même est déjà une icône qui sera bientôt presque aussi photographiée que le rocher », prédit-elle en rigolant.

 

La plateforme de 25 mètres de long projette en porte-à-faux en direction est, à partir de la paroi rocheuse. Conçu comme une portion de passerelle haubanée, le tablier de 35 mètres carrés est soutenu à l’aide de câbles reliés à la tête d’une arche d’acier de 13 mètres de haut, positionnée à angle. Ironiquement, c’est la géologie du site qui présentait le principal défi de mise en oeuvre puisque le sol à cet endroit est constitué de roche de conglomérat friable. Les travaux entrepris à la mi-juin 2016 ont commencé avec l’aménagement d’un chemin sur 300 mètres, là où seul un sentier permettait d’accéder au site auparavant.

 

L’entrepreneur général BSL a par la suite installé une série de tirants au roc, dont certains jusqu’à 11 mètres de profondeur. Les forages qui n’étaient pas conformes au test d’étanchéité ont subi des injections de coulis cimentaire avant l’installation des barres d’ancrages. L’étape suivante consistait à coffrer les éléments de béton. Deux massifs de 8 mètres cubes ont été coulés pour amarrer les suspentes d’acier. Une culée sert d’appui et de stabilisateur pour la portion horizontale de la structure et deux piliers de 18 mètres cubes soutiennent les mats de l’arche.

 

Le matériel a dû être acheminé à l’aide d’un chariot élévateur placé en amont.  Photo de Géoparc de Percé

 

« Un des plus gros défis du projet était le coffrage des piliers, explique Jimmy Fortier, chargé de projet chez BSL. Il a fallu être imaginatif pour installer et stabiliser des coffrages cylindriques à angle dans un endroit très difficile d’accès. Le matériel a dû être acheminé à l’aide d’un chariot élévateur à mat télescopique positionné en amont, avec le soutien de signaleurs pour compenser la mauvaise visibilité de l’opérateur. »

 

Le transport de la structure d’acier s’est également avéré complexe puisqu’aucune entreprise n’acceptait de livrer les éléments fabriqués par MétalFab, en Estrie, jusqu’au lieu des travaux, situé près du sommet du mont Sainte- Anne. « On devait tout décharger en bas de la montagne et c’est finalement un transporteur local qui s’est chargé de la dernière portion », dit-il.

 

L’arche d’acier est arrivée en deux parties symétriques qui ont été soudées avant d’être mises en place à l’aide d’une grue. L’entrepreneur a ensuite assemblé les sections du tablier avant d’y installer le platelage de bois. BSL possède une expérience certaine en matière de structures suspendues. L’entreprise a notamment réalisé la passerelle des Trois-Soeurs qui enjambe la rivière Saint-Charles, à Québec. À l’extrémité de la plateforme, la portion transparente est constituée de verre trempé de 35 millimètres d’épaisseur.

 

Si l’impression de vertige est incontestable, le matériau n’en est pas moins sécuritaire. « Avec de telles spécifications, le verre a la capacité de reprendre trois à quatre fois la charge d’un plancher ordinaire », dit Jimmy Fortier. Sertie dans une armature métallique, chaque section est déposée sur un matelas de néoprène et fixée à l’aide d’un fer angle, puis scellée.

 

L’installation sera officiellement inaugurée pendant l’été 2017. Avis aux amateurs de sensations fortes : ceux dont la soif de vertige ne serait pas assouvie en foulant le plancher vitré seront ravis d’apprendre que le Géoparc installe actuellement une tyrolienne de 200 mètres de long, dont le départ est situé à quelques pas de la plateforme. Une buvette avec terrasse servira également des rafraîchissements aux randonneurs et aux aventuriers dès l’été 2017.