L'importance de mettre en place une démarche d’acceptabilité sociale dans vos projets

23 mars 2022
Par Maude Ferland

En 1967, une importante infrastructure québécoise est inaugurée : le pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine. Réputée pour sa fiabilité sur le plan de la mécanique et pour sa durabilité, cette infrastructure est néanmoins représentative d’une époque révolue en ce qui concerne la conception d’un projet. Les travaux, aujourd’hui en rupture avec les pratiques courantes en matière d’acceptabilité sociale, auraient certainement rencontré plus d’un obstacle.

Cet ouvrage en béton précontraint est effectivement construit à une époque où environnement et collectivités s’adaptaient aux projets, et non l’inverse. Érigé sur les berges du fleuve Saint-Laurent, le pont-tunnel a alors engendré des impacts environnementaux majeurs. Répercussions sous-estimées, voire ignorées, à une époque où peu de considération était portée à l’environnement.

 

« C’est devenu un critère incontournable », mentionne Mathieu Pelletier, vice-président, Acceptabilité sociale et relations avec les communautés chez Pilote groupe-conseil. En effet, l’environnement est de nos jours un élément incontournable dans l’adoption d’un projet par la communauté, et un projet conçu tel que celui du pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine se disqualifierait dans l’opinion publique en regard des dommages écologiques. Le facteur environnemental est un pilier du principe de l’acceptabilité sociale, au même titre que l’ESG (environnement, social et gouvernance).

 

Mathieu Pelletier, vice-président, acceptabilité sociale et relations avec les communautés chez Pilote groupe-conseil.Crédit : Gracieuseté

 

Dans ce type d’investissement, un projet n’est plus dirigé par une simple logique comptable : il prend aussi en compte les facteurs environnementaux et sociaux. Par sa nature même, l’investissement responsable prend sa pleine signification en appliquant le principe d’acceptabilité sociale dans sa vision du patrimoine bâti. Dorénavant, un projet ne s’impose plus de force ou sans consultation préalable dans un habitat naturel ou au sein d’une collectivité : il est élaboré en collaboration avec elle. La société doit effectivement être prise en compte dans ses nuances et ses particularités, son historique et ses enjeux, ainsi que ses préoccupations et ses besoins. Il s’agit d’un processus qui permet d’évaluer la faisabilité d’un projet et dont la finalité recherchée est l’approbation majoritaire – et non unanime, précisons-le – d’un projet et qui accompagne toutes ses phases de réalisation, et ce, jusqu’à l’après-projet.

 

Une démarche gagnante

Mais par où commencer ? « Dans un premier temps, la démarche doit être entamée en amont du projet, le plus rapidement possible », mentionne Mathieu Pelletier. Le spécialiste en aménagement du territoire et en développement régional pose les bases d’une série d’actions à effectuer dans une démarche concrète d’acceptabilité sociale. Le dialogue doit être engagé dès que possible, car un projet, même bien ficelé, comporte des pièges et peut être voué à l’échec.

 

Une étude préalable de la communauté visant à développer une bonne compréhension du milieu et du contexte d’accueil du projet est primordiale. Qui sont les parties prenantes ? Quelles sont ses caractéristiques sociogéographiques et socioéconomiques ? Le projet s’implantet- il dans un milieu où la population dépend des ressources naturelles qui s’y trouvent ? Y a-t-il, au sein de la communauté, un biais en faveur de la main-d’oeuvre locale? Quel est l’historique des projets similaires précédents ? La consultation des membres de la communauté bonifie cette recherche préalable.

 

Une meilleure compréhension initiale du milieu d’accueil permet ainsi de présenter un canevas du projet déjà plus en phase avec le milieu dans lequel il s’inscrira à l’étape suivante, soit celle de l’information, de l’évaluation et de la consultation. Cette phase permet quant à elle de bonifier ou de modifier le projet. Des négociations peuvent intervenir à ce stade. L’intégration d’éléments observés par les parties prenantes peut d’ailleurs encourager leur adhésion au projet. « Les participants aux négociations peuvent même en devenir des ambassadeurs », ajoute Mathieu Pelletier.

 

Deux grandes règles régissent une démarche d’acceptabilité sociale. À toutes les étapes de conception, le dialogue doit être maintenu. Celui-ci doit débuter le plus tôt possible et l’information, pour sa part, doit être communiquée en tout temps. Transparente, elle ne se limite pas qu’à une simple transmission, mais se traduit par un échange. Nul besoin de mentionner que les stratégies propagandistes et de storytelling sont contraires au principe d’acceptabilité sociale. Un processus qui est mené jusqu’au bout permet donc de maintenir le contact avec la communauté, et ce, au-delà d’une clôture de chantier.

 

L’après-projet peut en effet être riche de renseignements nouveaux émanant de toutes les parties prenantes. Parmi les autres pratiques de suivi de projet, un comité peut être mis sur pied afin d’assurer un suivi auprès de la communauté après l’inauguration du chantier.

 

Acceptation et réputation

Au-delà de la simplification de l’implantation d’un projet au sein d’un milieu d’accueil, l’acceptabilité sociale favorise en bout de ligne des profits nets. Bien effectuée, elle permet la réduction des délais supplémentaires, voire un possible arrêt de production. Miser sur une telle démarche permet d’investir dans les étapes classiques préalables de la conception d’un projet et dans un chantier exempt de litige et d’ainsi réduire les couts engendrés par une possible paralysie en cas d’opposition.

 

Sans compter que l’adoption de cette façon de faire constitue un investissement dans la réputation et l’image de marque du promoteur. Non seulement le projet visé s’en trouve gagnant, mais également les futures réalisations du promoteur, qui ont plus de chances de jouir d’un préjugé favorable.

 

Malgré la mise en place d’une démarche d’acceptabilité sociale, un projet pourrait toutefois avorter. Certains cas de figure pourraient suggérer au promoteur de se retirer honorablement d’un projet plutôt que de construire en dépit d’une résistance locale ou d’un rejet complet du projet, même s’il est juridiquement en phase avec les dispositions législatives en vigueur. Une fracture avec la population locale ne mettra sur le chemin de l’entrepreneur qu’un barrage qu’il lui faudra déconstruire avant de poser les premières pierres d’un projet futur.

 

L’acceptabilité sociale s’impose de plus en plus comme une norme dans le secteur de la construction. Aujourd’hui, les projets doivent s’inscrire dans leur milieu d’accueil, qu’il s’agisse de considérations écologiques ou sociales. Si conception d’un futur pont-tunnel il y avait, l’acceptabilité sociale en ferait alors un véritable projet de société.