Développement de Montréal : conjuguer environnement et retombées économiques

22 septembre 2022
Par Elizabeth Pouliot

La Société de développement Angus (SDA) est l’organisme à but non lucratif (OBNL) derrière la création du secteur résidentiel, commercial et industriel des Shops Angus, dans l'arrondissement de Rosemont.

Véritable modèle de réussite en termes de développement urbain durable, ce coin, et l’organisation qui l’a mis au monde, sont cités en exemple par les urbanistes.

 

Issue de l’économie sociale, la SDA est née à la suite de la fermeture, par le Canadien Pacifique, des usines de construction et de réparation de locomotives dont il est propriétaire. Ainsi le chômage dans le secteur grimpe d’un bond, frôlant les 20 %. Un mouvement citoyen se met alors en branle. « C’est à ce moment que notre président et fondateur, Christian Yaccarini, qui travaillait déjà comme intervenant socio-économique dans le quartier, a décidé de prendre, si on veut, le leadership de la communauté, du mouvement communautaire créé, pour acquérir les terrains encore disponibles », explique Pierre Choquette, vice-président Communication et Affaires publiques pour la SDA.

 

Pierre Choquette, vice-président Communication et Affaires publiques pour la SDA. Crédit : Guillaume Simoneau

 

L’idée de départ est de créer un parc d’entreprises. Elle évolue, et l’objectif devient plutôt de concevoir des emplois de qualité à valeur ajoutée, c’est-à-dire de mélanger le commercial et l’industriel au résidentiel. Rappelons-nous qu’à l’époque, il y a plus de 25 ans, le quartier ne paie pas de mine ! « C’est un grand terrain industriel désaffecté, situé quand même au coeur de l’est de Montréal, mais relativement pollué. C’est aujourd’hui devenu un milieu de vie. C’est clair que la SDA a contribué à dynamiser et à changer la face de ce grand secteur », insiste Christian Savard, directeur général de Vivre en ville, une organisation indépendante et d’intérêt public spécialisée dans le développement de collectivités viables.

 

Mission (presque) accomplie

Un quart de siècle après sa fondation, la SDA arrive bientôt au terme du développement de ce premier secteur. En effet, l’organisme apporte son expertise à d’autres projets de la métropole, avec toujours les mêmes principes directeurs en tête : le respect de l’environnement, l’acceptabilité sociale et les retombées économiques. Ce qui lui permet de bientôt compléter son tout premier projet, d’en avoir parachevé d’autres et de se lancer sous peu un peu plus à l’est, c’est, entre autres, son statut d’OBNL, qui lui enlève une certaine pression en termes de temps et de finances. « Je pense que le fait de ne pas nécessairement avoir toujours la pression économique qui pousse le développement, ça nous permet d’essayer des trucs qui peut-être ne seraient pas essayés ailleurs », soutient Pierre Choquette.

 

Christian Savard, directeur général de Vivre en ville. Crédit : Vivre en Ville

 

« Quelqu’un qui fait du développement immobilier de ce style, c’est vraiment une exception », affirme aussi Christian Savard. Pierre Choquette donne en exemple la phase 2 des Shops Angus, en cours de construction. La SDA a été en mesure d’installer une boucle énergétique sur un quadrilatère. Parmi une dizaine de bâtiments se redistribue l’énergie thermique, donc la climatisation et le chauffage produits dans chacun, ce qui a un impact positif sur les émissions de gaz à effet de serre (GES). « La firme avec qui on a développé cette boucle, Énergère, nous a dit que ça faisait un bout de temps qu’elle cherchait le bon partenaire, mais il n’y en avait pas qui avait le temps, la patience, si on veut, de le faire. Et avec nous, on a réussi à le faire ensemble et ça fait école », souligne le vice-président Communication et Affaires publiques. En effet, l’Espace Montmorency, à Laval, par exemple, a aussi décidé de développer une boucle énergétique.

 

C’est que la SDA aime répandre la bonne nouvelle, partager ses recettes gagnantes. Tel que mentionné plus tôt, on vient d’ailleurs chercher son expertise comme conseillère, mais aussi comme firme de développement. Après le secteur de Rosemont, c’est donc aussi la SDA qui est en partie derrière la revitalisation du coin de rue Saint-Laurent et Sainte-Catherine, dans le centre-ville. « Il y avait une revitalisation qui était nécessaire. Et ça devenait encore plus criant parce qu’on avait le Quartier des spectacles qui se développait. C’est dans des opportunités comme celles-là que la SDA amène une valeur ajoutée », dit Pierre Choquette. D’un point de vue urbanistique, Christian Savard, de Vivre en ville, félicite d’ailleurs l’organisme de se lancer dans des projets souvent loin d’être gagnés d’avance. « Ils ne vont pas là où c’est facile, ils vont là où c’est utile, le plus utile d’un point de vue collectif. Ils ont redéveloppé un grand secteur de Montréal qui était stratégiquement situé, mais qu’on ne savait pas comment redévelopper. Ils vont là où une entreprise privée classique n’irait peut-être pas à cause des risques. »

 

Après Angus, Pointe-aux-Trembles

Un autre secteur de l’ile qui a besoin d’amour est sans aucun doute le vieux Pointe-aux-Trembles. Eh bien, c’est là même que la SDA a choisi de se lancer. « Présentement, on travaille sur un projet de revitalisation, à l’angle des rues Saint-Jean-Baptiste et Notre-Dame, où on retrouve déjà par exemple la desserte pour la navette fluviale qui s’en va vers le Vieux-Port », précise Pierre Choquette. Après un investissement de la Ville pour aménager la maison de l’arrondissement, la SDA arrive avec un projet mixte de commercial et de résidentiel. On y comptera des logements et des unités de condo abordables. « On souhaite un changement pour cette artère de Pointe-aux-Trembles, qui est au fond le coeur du village. » La SDA a aussi dans sa mire Montréal-Nord ainsi que Saint-Michel, où elle a d’ailleurs déjà contribué à la reconstruction de la nouvelle Maison d’Haïti.

 

LES BONNES PRATIQUES D’AMÉNAGEMENT SELON VIVRE EN VILLE

Avec la crise climatique, il urge de mettre de l’avant de plus en plus de bonnes pratiques d’aménagement. Il faut d’abord commencer par développer des quartiers où la proximité prime, que l’on parle du travail, du nombre de commerces ou de la présence de garderies, afin de laisser de côté la voiture autant que possible.

Il est d’ailleurs préférable de cacher les stationnements, en les construisant souterrains, en structure ou en ilot arrière. Le verdissement est aussi une clé importante de succès; un maximum d’arbres rend un quartier plus frais. Et pour contrer l’étalement urbain, il faut savoir procéder à une densification intelligente, c’est-à- dire occuper les espaces inoccupés et aménager les nouveaux de façon exemplaire. Bois-Franc, dans l’arrondissement de Saint- Laurent, ainsi que

Pointe-aux-Lièvres et D’Estimauville, à Québec, sont pour Christian Savard de bons exemples de bonnes pratiques d’aménagement. Et Angus ? « Je trouve qu’ils font un excellent travail. Est-ce qu’il y a du négatif ? Si je dois vraiment en dire, c’est qu’ils devraient développer plus, et plus vite ! », termine le directeur de Vivre en ville, emballé.

 


Cet article est tiré du Dossier régional – Montréal 2022, accessible gratuitement ici.
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