Réhabiliter de vieilles centrales hydroélectriques avec brio

28 novembre 2012

Quand la réhabilitation de deux centrales hydroélectriques devient une course contre la montre, tout en amenant son lot de défis techniques.

Par Michel De Smet

 

Depuis une dizaine d’années, la Ville de Saguenay caressait l’espoir d’exploiter pour son propre compte les centrales Pont-Arnaud et Chute-Garneau, situées sur son territoire, dont Hydro-Québec avait abandonné l’exploitation respectivement en 1993 et 1994.

 

Il faudra cependant attendre la fin de l’hiver 2011 pour que Saguenay réalise ses ambitions en réactivant les deux centrales d’une puissance installée de 8,5 MW pour Pont-Arnaud et 5,3 MW pour Chute-Garneau, soit une puissance cumulée supérieure de 63,8 % comparativement à l’énergie produite alors que les centrales étaient exploitées par la société d’État.

 

Dès 2005, Saguenay avait confié une série de mandats à la firme de génie-conseil Cegertec afin de réaliser les études de préfaisabilité et de conception, mais également pour dresser une analyse technico-économique. Le plan de la Ville consistait à rééquiper les centrales et, grâce à l’expertise de son service municipal Hydro-Jonquière, de produire de l’énergie qui serait ensuite revendue à Hydro-Québec.

 

En parallèle, Saguenay mènera des négociations avec Québec pour le rachat des deux centrales, ce qui deviendra réalité à l’automne 2009 pour la somme symbolique de un dollar. En juin 2010, le gouvernement québécois confirmera son engagement à acquérir l’énergie qui sera produite par ces installations hydroélectriques. Pour financer son projet, la Ville contractera un emprunt de 41,8 millions de dollars en janvier 2011, une enveloppe budgétaire couvrant l’ensemble du projet.

 

Centrale Chute-Garneau - Ouvrages d'évacuation du trop-plein d'eau

 

Un échéancier très serré

Dans ses mandats de consultation, puis d’ingénierie, qui lui seront successivement confiés par Ville de Saguenay, Cegertec rencontrera une succession d’obstacles qu’elle saura surmonter avec succès. Le premier défi, et non des moindres, sera posé par l’obligation de se conformer à un échéancier très serré imposé par le client.

 

En mars 2007, alors que les études préliminaires s’avèrent concluantes, Cegertec se verra attribuer par la Ville le contrat de génie civil et de mécanique. Il faudra cependant attendre octobre 2009, date de la cession des deux centrales appartenant à Hydro- Québec à Saguenay, pour que les ingénieurs aient un véritable accès au futur chantier.

 

« La société d’État n’était pas trop intéressée de nous ouvrir les portes, en particulier pour des raisons de sécurité. Nous avons dû nous baser notamment sur de vieux dessins d’archives pour produire tous les plans de génie civil qui allaient permettre aux entrepreneurs de démarrer leurs travaux dès que la Ville deviendrait propriétaires des centrales », relate Benoît Turgeon, ingénieur, département énergie, chez Cergertec WorleyParsons, la nouvelle dénomination sociale depuis que la firme de génie saguenéenne a formé, en avril dernier, une coentreprise avec une société australienne.

 

De là, la firme de génie-conseil devra s’en tenir à un échéancier très serré, la Ville exigeant que les centrales soient mises en exploitation au plus tard le 31 mars 2011. C’est que passé ce délai, elle risquait de ne plus être admissible au programme fédéral pour les énergies renouvelables, soutien essentiel à la rentabilité du projet.

 

Les appels d’offres pour les mandats de sous-traitance seront aussitôt lancés et les travaux débuteront immédiatement, soit fin octobre 2009, pour se dérouler simultanément sur les deux chantiers en divisant les opérations en plusieurs lots, en mode fast track. Les centrales Chute-Garneau et Pont- Arnaud seront finalement mises en service respectivement les 8 et 22 mars 2011, respectant ainsi l’échéancier requis par la Ville.

 

Centrale Pont-Arnaud - aménagement de la nouvelle prise d'eau

 

Prouesses techniques

Outre le respect d’un calendrier des travaux exigeant, Cegertec va également devoir réaliser quelques prouesses techniques. « On a dû travailler dans des structures existantes, ce qui ne facilitait pas les choses, fait remarquer Benoît Turgeon. De plus, on était face à un aménagement de type au fil de l’eau, avec un barrage en amont sur la rivière Chicoutimi, et les deux centrales en aval. Il était donc crucial que le transfert de débit de l’une à l’autre s’effectue presque instantanément. Sans compter que les deux centrales étant situées en milieu urbain, il fallait trouver un mode opératoire sécuritaire et veiller à trouver des solutions qui élimineraient tout danger de voir un jour l’eau passer pardessus des ouvrages de retenue. »

 

En outre, comme il s’agit à l’origine de structures appuyées au roc dont la construction remonte à un siècle, dans le cas de la centrale Pont-Arnaud, il aura fallu réaliser des travaux d’ajustement de fondation afin de consolider les ouvrages. « À hauteur de la centrale Pont-Arnaud, souligne l’ingénieur, nous avons été forcés également de creuser plus profondément le roc et, conséquemment, de renforcer les assises du pont ferroviaire, propriété de Rio Tinto Alcan, sous lequel passe l’eau turbinée des centrales, un travail particulièrement délicat. »

 

LES ARTISANS DU PROJET
Ingénierie : Cegertec WorleyParsons
Architecture : Hovington & Gauthier Construction (entrepreneurs généraux) : J. Euclide Perron (Centrale Pont-Arnaud) et Paul Pedneault (Centrale Chute-Garneau)
Bétonnage et mécanique du bâtiment : Unibec
Structure d’acier et pont roulant : Remac
Électricité : Sirois Électrique
Mécanique d’adduction : Canmec
Ouvrages d'évacuation Groupes turbines-alternateurs : Litostroj