La protection des infrastructures souterraines enjoint aux entrepreneurs de formuler une demande de localisation avant d’excaver. Tout comme aux donneurs d’ouvrage lors de la planification de leurs travaux.
Par Rénald Fortier
Câbles électriques, conduites de gaz naturel, canalisations d’eau potable… Excaver à l’aveuglette, c’est risquer à tout moment d’endommager les infrastructures courant un peu partout sous terre. Des dommages qui peuvent entraîner de graves conséquences sur la santé et la sécurité des travailleurs comme du public, sur la qualité de l’environnement et sur le maintien des services à la population (énergie, télécommunications, etc.).
C’est sans compter que la note est très salée. Car si les coûts que doivent défrayer les propriétaires pour remettre leurs infrastructures en état sont grands, ceux encourus indirectement par la collectivité le sont beaucoup plus encore. Des coûts liés, dans ce cas, aux perturbations découlant des bris : déploiement des services d’urgence, congestion de la circulation ou impacts sur les commerces avoisinants, pour couper court à l’énumération.
Pour 2013 seulement, les coûts directs des dommages causés aux infrastructures souterraines au Québec, principalement par des entrepreneurs utilisant une rétrocaveuse, sont évalués à 7 millions de dollars. Et, selon un rapport du groupe de recherche CIRANO, les coûts indirects se sont élevés à plus de 70 millions de dollars, soit 90 % de la facture totale.
L’an dernier, ce sont 1 240 bris qui ont été causés aux réseaux enfouis en sol québécois, soit 181 de moins que l’année précédente, poursuivant ainsi une tendance à la baisse depuis cinq ans. Un repli dont Info-Excavation, l’alliance pour la protection des infrastructures souterraines, est cependant loin de se contenter.
« Si le total des incidents a un peu diminué par rapport à 2012, il reste qu’on en est toujours à plus de cinq bris par jour ouvrable, un ratio encore trop élevé. Nous avons beaucoup de travail à faire pour renverser la situation puisque dans 33 % des cas, aucune demande de localisation n’avait été formulée au préalable à Info-Excavation. Ce sont des bris qui auraient pu être évités », observe Nathalie Moreau, directrice générale, Prévention et affaires publiques, de l’organisme.
Devant ce constat, Info-Excavation ne cesse donc d’accentuer ses efforts pour faire échec aux excavations pratiquées à l’aveuglette. En continuant bien sûr de sensibiliser les entrepreneurs à l’importance de lui adresser une demande de localisation avant de creuser, surtout que ses services sont gratuits et accessibles 24 heures par jour, sept jours par semaine. Et qu’une cartographie numérisée, mise à jour régulièrement, est disponible pour l’ensemble du territoire québécois.
Et en sensibilisant davantage les donneurs d’ouvrage aussi, histoire de les amener à prendre en compte la protection des infrastructures souterraines en amont de l’exécution de leurs travaux. D’autant plus que plusieurs de ces réseaux sont enfouis à une profondeur oscillant entre 0,5 et 1,5 mètre seulement, donc grandement exposés aux risques d’accident.
En formulant une demande de localisation au moment de planifier des travaux, un donneur d’ouvrage pourra ainsi transmettre l’information aux entrepreneurs qui répondront à son appel d’offres. Les soumissionnaires seront alors bien au fait, et dès le départ, de la présence ou non d’infrastructures souterraines à l’endroit où s’activera le chantier.
« Si l’information n’a pas été communiquée préalablement aux entrepreneurs et que les échéanciers alloués pour effectuer les travaux sont serrés, indique Nathalie Moreau, le risque est plus grand que celui qui décroche le contrat ne fasse pas non plus de demande de localisation et, du coup, provoque un bris.
« Les donneurs d’ouvrage peuvent contribuer de façon importante à enrayer les incidents causés par des entrepreneurs n’ayant pas demandé une localisation, renchérit-elle du même souffle. Particulièrement les municipalités, parce qu’elles effectuent elles-mêmes des excavations et qu’elles octroient également beaucoup de contrats pour l’exécution de travaux. »
Voilà d’ailleurs pourquoi Info-Excavation a produit le Guide des clauses à l’intention des rédacteurs d’appels d’offres. Disponible en ligne, cet ouvrage clarifie l’importance du rôle du donneur d’ouvrage dans les phases de planification et de conception de travaux, puis lui permet d’intégrer les clauses à ses demandes de soumissions.
Pratiques sécuritaires
Dans cette même veine, Info-Excavation vient également de publier la troisième version de son Guide des pratiques d’excellence, qui s’adresse à tous les acteurs ayant une responsabilité à assumer pour protéger les infrastructures souterraines dans le cadre de travaux d’excavation. Des gestionnaires aux entrepreneurs, en passant par les ingénieurs et ceux qui font le marquage au sol.
C’est qu’il faut savoir que 58 % des bris au Québec surviennent même si une demande de repérage a été adressée à Info-Excavation. Dans ce cas, ce sont les façons de faire qui sont en cause, dont deux plus particulièrement : le non-respect de la zone tampon, soit la distance devant être maintenue entre une infrastructure et une excavation pratiquée au moyen d’un équipement motorisé, et le non-emploi de méthodes de creusage dites douces, comme la pelle à main ou l’hydro- excavation.
Pour corriger le tir, Info-Excavation a entrepris de donner une formation sur les meilleures pratiques en matière de prévention des dommages. Couvrant toutes les sections du guide, elle a été offerte pour la première fois à l’hiver 2013, réunissant alors 125 participants.
Disponible gratuitement, cette formation a déjà profité à près de 1 000 personnes depuis le début de 2014. Données principalement entre janvier et avril, avant que ne débute la haute saison de travaux, des sessions avaient été préalablement planifiées dans huit régions : Montréal, Montérégie, Outaouais, Québec, Laurentides, Mauricie, Estrie et Saguenay.
« Nous pouvons aussi nous déplacer pour offrir la formation ailleurs dans la province. Il suffit de nous en faire la demande et de réunir un groupe d’au moins huit participants », indique Nathalie Moreau, en soulignant que le cours peut également être donné en entreprise.
Info-Excavation a récemment mis un nouvel outil à la disposition des acteurs concernés par la protection des infrastructures souterraines : une application mobile leur donnant accès rapidement et simplement, où qu’ils se trouvent, à ses services de repérage.
L’utilisateur pourra démarrer ses travaux au plus tard le quatrième jour suivant sa demande de localisation, une fois que les infrastructures dans la zone visée auront été identifiées et que le marquage au sol aura été appliqué. En outre, le nouvel outil technologique permet de conserver un historique des demandes et d’en assurer le suivi.
Cet article est tiré du Supplément thématique – Infrastructures et grands travaux 2014. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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