Les travaux en hauteur sont une des principales causes d’accidents graves sur les chantiers du Québec. Pourtant quelques mesures simples permettent de réduire considérablement les risques.
Les travaux en hauteur, faut-il le rappeler, sont la principale cause d’accidents graves et de décès dans l’industrie de la construction. En effet, chaque année, des travailleurs meurent ou sont blessés grièvement alors qu’ils chutent d’un toit, d’un pylône, d’une échelle ou d’un échafaudage. Dans un monde idéal, il suffirait d’éliminer le travail en hauteur pour écarter définitivement le danger. Une solution toutefois peu réaliste au chantier, où le travail en hauteur fait partie de la donne.
« Les chiffres parlent d’eux-mêmes, mentionne Dorothée Vallée, conseillère en prévention à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). Au cours des cinq dernières années, on a enregistré en moyenne 700 chutes de hauteur dans l’industrie et 4 décès, dont 1 en 2015. Globalement, les statistiques se sont améliorées avec le resserrement de la réglementation, mais la situation demeure quand même très préoccupante. »
Elle ajoute que les enquêtes menées par la CNESST à la suite de tels accidents ont mis en lumière des lacunes récurrentes en matière de formation, de méthodes de travail, d’équipements sécuritaires et de planification des travaux. « Les employeurs comme les travailleurs ont la responsabilité de contrer ce mauvais score, rappelle-t-elle. Ensemble, ils ont le pouvoir d’inverser cette tendance, mais cela demande une collaboration étroite pour identifier les dangers et planifier les travaux de manière sécuritaire. »
Des conséquences graves
Car les conséquences d’une chute sont rarement anodines. D’abord pour le travailleur, qui se verra contraint à un arrêt de travail plus ou moins prolongé et, parfois même, limité dans son travail, ses activités et ses loisirs en raison de séquelles importantes. Les blessures induites peuvent aussi le conduire à changer de métier ou à l’invalidité partielle ou totale, lorsqu’elles ne se soldent pas par son décès. « Pour l’employeur, les répercussions d’une chute de hauteur peuvent être tout aussi désastreuses, note Dorothée Vallée. Forcément, en cas de chute, les travaux seront interrompus, le temps de faire la lumière sur les causes. Il risque donc de prendre du retard sur son échéancier. Selon son type de couverture, il peut aussi voir augmenter son taux de cotisation à la CNESST. Sans oublier la réorganisation du travail, surtout si le travailleur occupe un poste clé au sein de l’entreprise. »
La prévention d'abord
Pour prévenir les chutes, la conseillère de la CNESST est sans équivoque : il faut d’abord éliminer à la source tout danger, comme le veut la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST). Par exemple, en assemblant au sol une structure de toit pour ensuite la mettre en place au moyen d’un appareil de levage. Lorsque, pour une raison ou une autre, cette méthode ne peut être utilisée, les exigences du Code de sécurité pour les travaux de construction (CSTC) s’appliquent.
Et que dit le Code à cet égard ? Tout d’abord que le travailleur, qui est exposé à une chute de plus de 3 mètres ou qui risque de tomber dans une substance dangereuse, sur une pièce en mouvement ou un équipement présentant des dangers, ou d’une hauteur de 1,2 mètre ou plus s’il utilise une brouette ou un véhicule, doit être protégé contre les chutes. Comment ? En modifiant la position du travailleur, de manière à éliminer tout danger de chute. Sinon, en installant un garde-corps ou tout autre moyen de protection collectif, comme un fi let de sécurité ou un matelas de recueil.
Cependant, il arrive que ces moyens de protection collectifs ne puissent être installés s’ils gênent l’exécution des travaux. « Dans ce cas, le port d’un harnais, relié à un système d’ancrage par une liaison antichute, s’impose, signale la porte-parole de la CNESST. Sauf que celui-ci n’empêchera pas la chute, il ne fera qu’en amoindrir les conséquences. Depuis 2014, le Code autorise également le recours à une ligne d’avertissement lors de travaux de pontage ou de toiture, pour remplacer l’utilisation d’un garde-corps et délimiter l’aire de travail. »
Des exemples à suivre
Si certains entrepreneurs font preuve d’une négligence crasse sur leurs chantiers, d’autres ont réellement à coeur la santé et la sécurité de leurs travailleurs et, de ce fait, adoptent des approches exemplaires pour préserver leur intégrité physique. Comme Santco, un entrepreneur en coffrage de béton qui a créé une plateforme de protection pour travaux superposés. Faite d’acier et ceinturée d’un fi let de sécurité, elle résiste à des impacts pouvant atteindre 5 000 livres.
« Ça faisait déjà quelques années qu’on avait mis au point cette solution pour les travaux superposés en milieu urbain à forte densité, mais elle était fabriquée en bois au départ, relate Franco Santoriello, le vice-président exécutif de l’entreprise. On l’a perfectionnée pour le coffrage de la tour de copropriétés Icône, à Montréal. Elle s’installe rapidement et permet de protéger les travailleurs qui oeuvrent aux niveaux inférieurs, mais aussi les passants. »
Spécialisée en construction commerciale, Construction Gératek s’est aussi impliquée activement dans le développement d’un garde-corps adapté aux bâtiments à structure d’acier. « Jusqu’ici, il n’y avait rien dans le marché qui répondait à nos besoins, signale l’agent de prévention de la firme sherbrookoise, Philippe Poisson. On fabriquait donc nos propres garde-corps en bois que l’on fixait ensuite à la structure d’acier, sans garantie de solidité, même s’ils étaient approuvés par un ingénieur. Et cela demandait un temps fou, pour la fabrication comme pour l’installation. »
C’était avant que Germain Dépot, le président d’Échafaudage Secur-IT, propose en 2015 de lui concevoir un garde-corps répondant à ses besoins spécifiques. Commercialisé sous l’appellation Rapid-Gard, cet équipement novateur est constitué de montants d’acier qui se fixent à la structure au moyen d’une pointe de serre réglable. « Avec l’aide des gens de Gératek, on a développé plusieurs prototypes avant d’arriver au modèle idéal, rapporte- t-il.
« Ce qu’il y a d’intéressant avec ce produit, ce sont les soudures des étriers dans lesquels sont insérées les lisses en bois, poursuit-il. Comme il s’agit de soudures d’assemblage et non de soudures de retenue, elles ne nécessitent pas de tests de contrôle tous les cinq ans. Le système dépasse aussi les exigences du Code : les soudures résistent à une poussée de 330 livres sans déformation. Le temps d’installation est aussi réduit de 80 % par rapport aux garde-corps en bois. Avec l’adaptateur pour les escaliers, ce produit répond à toutes les situations. »
- À une hauteur de plus de 3 mètres, installer des garde-corps conformes. Si ce n’est pas possible, s’assurer que les travailleurs sont attachés.
- Lors de travaux en hauteur effectués au moyen d’une échelle, veiller à fixer solidement l’équipement, l’installer sur une base stable et s’assurer qu’elle dépasse le palier supérieur d’au moins 900 millimètres.
- Veiller à ce que les travailleurs aient les mains libres lorsqu’ils montent ou descendent d’une échelle.
Cet article est tiré du Supplément thématique – Santé et sécurité 2016. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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