Être transparent ou ne pas être

Dans une industrie souvent décriée pour son opacité, faire preuve de transparence dans la gestion quotidienne de ses affaires a tout pour surprendre. C’est pourtant le chemin hasardeux sur lequel s’est engagée la firme A+ Entrepreneurs généraux, après avoir frôlé la faillite en 2008. Un choix qui l’a ramenée sur la voie du succès, à telle enseigne qu’elle doit maintenant faire preuve de la plus grande circonspection dans la sélection des projets qui lui sont proposés.

« On ne prend qu’un mandat sur cinq, affirme d’entrée de jeu son vice-président associé, Louis-Philippe Chénier. Comme la demande est forte, on fait une préqualification des projets. Ce qu’on cherche, ce sont des clients qui veulent ce qu’on a à leur offrir. C’est-à-dire des clients qui recherchent un vrai partenaire d’affaires, pas seulement une commodité, un simple exécutant. »

Être une référence

Pour Louis-Philippe Chénier, être vu comme un professionnel signifie avant tout être vu comme un agent qui apporte des solutions matérielles concrètes et appropriées. « On veut amener un changement dans les mentalités, explique-t-il. D’un côté, les entrepreneurs généraux sont souvent mal perçus, ils ont mauvaise presse. De l’autre, l’industrie travaille en silo et les entrepreneurs se situent au bas de l’échelle. Ce qu’on veut, c’est se retrouver à la table de conception dès le début d’un projet pour en préciser le volet technique et établir les coûts réels de celui-ci en fonction des prix du marché. »

Son approche ? Multiplier les estimations préliminaires. Par exemple, lorsque la conception se trouve avancée à 20 %, une première estimation est produite. Si le budget risque d’être dépassé, le client s’en voit aussitôt avisé afin de pouvoir revoir ses objectifs. Et ainsi de suite, à mesure que la conception progresse, jusqu’à une production de dix estimations par l’entreprise. Lorsque les plans et devis sont complétés, ils reflètent les aspects techniques et budgétaires réels du projet.

Maintenir la communication

« En conception intégrée, on fait preuve d’une transparence totale, signale Louis-Philippe Chénier. Cette transparence prend plusieurs formes, à commencer par une plateforme en ligne qui permet au client et aux professionnels de suivre le projet. Il leur suffit de se connecter pour avoir accès, en temps réel, aux budgets, aux échéanciers et aux modifications. Ils peuvent aussi y consulter un rapport journalier sur l’avancement des travaux et les demandes de paiement. »

Cette plateforme se complète d’un journal de chantier, accessible par téléphone et en tout temps, où sont publiées chaque jour une douzaine de photos de chantier. Un autre outil fort apprécié des clients, qui peuvent ainsi constater de visu l’évolution de leur chantier en temps réel. Sans oublier, bien sûr, les rencontres de chantier auxquelles sont conviés tous les intervenants, et dont la fréquence, hebdomadaire ou bihebdomadaire, varie en fonction de la nature du projet.

Inspirer confiance

« On prend soin de notre monde, on veut qu’ils aient confiance en nous, confie le gestionnaire. On a d’ailleurs une très bonne réponse de la part de nos clients. Ils ne sont pas habitués à cette façon de faire, les architectes et les ingénieurs non plus. On veut être vus comme des collaborateurs, alors on s’en donne les moyens. »

Ces approches font partie des stratégies préconisées par Louis-Philippe Chénier et son associé Louis Lachapelle, afin de donner un second souffle à l’entreprise qui se consacre surtout à la construction et à la rénovation commerciales. Des approches qui portent leurs fruits. À preuve, depuis cinq ans, A+ Entrepreneurs généraux voit son chiffre d’affaires doubler d’année en année.

En 2015, elle déclarait des recettes de cinq millions de dollars. L’an dernier, le montant déclaré atteignait les 10 millions. Cette année, elle s’attend à encaisser des revenus de 20 millions de dollars.

Cultiver de bonnes relations

Cette croissance enviable, le dirigeant l’attribue en outre à la considération que l’entreprise accorde à ses employés et à ses sous-traitants. « On voit nos sous-traitants comme des partenaires d’affaires, pas juste comme des exécutants, fait valoir Louis- Philippe Chénier. En les traitant convenablement, on s’assure qu’ils servent bien les besoins de nos clients. C’est une relation gagnant-gagnant, et on applique la même philosophie à nos relations avec nos employés. »

A+ Entrepreneurs généraux offre en effet à ses employés un cadre de travail des plus stimulants. Non seulement on leur donne des responsabilités, mais on leur laisse aussi beaucoup de latitude dans l’organisation de leur travail. À titre d’exemple, Louis-Philippe Chénier mentionne qu’à chaque poste de travail est associé un tableau de bord où sont inscrits les objectifs de résultats visés et les indicateurs de performance permettant d’en valider l’atteinte. En contrepartie, ils profitent d’une grande souplesse dans l’emploi de leur temps, notamment grâce aux technologies de l’information qui favorisent le télétravail.

« On applique le principe du work hard, play hard, ajoute-t-il. On exige un rendement, mais on cherche aussi à créer un sentiment d’appartenance. À Noël, on loue un hôtel et on invite les employés et leur famille à venir fêter ensemble. Même chose l’été. Ceux qui le souhaitent peuvent participer à une activité de CrossFit les mardis et jeudis matin. On veille aussi sur leurs habitudes alimentaires, en leur donnant accès à des plats surgelés faits maison.

Maintenir le cap

« Présentement, on compte une vingtaine d’employés administratifs et environ 35 salariés de la construction. On rêve d’ailleurs de figurer parmi les 50 employeurs de choix au Canada, ajoute-t-il.

Pour 2027, on anticipe des revenus annuels de 100 millions de dollars et une équipe de 150 personnes à temps plein. Pour atteindre nos objectifs, on mise sur l’amélioration continue de nos processus internes et la formation de nos employés. On vient d’ailleurs de terminer une formation sur la Lean Construction, une approche inspirée de Toyota pour éliminer le gaspillage. »

A+ Entrepreneurs généraux a d’autres ambitions d’ici 2027, dont la refonte de son offre de services et l’élargissement de son marché géographique. « Pour soutenir notre croissance, on s’enligne vers une offre à 360 degrés, avec une intégration verticale de nos processus d’affaires, signale Louis-Philippe Chénier. On souhaite aussi s’imposer dans les marchés d’Ottawa et de Toronto, tout en accentuant notre présence dans celui de Montréal. On a le vent dans les voiles et on veut poursuivre sur notre lancée. »