1 avril 2020
Par Marie Gagnon

La requalification de friches industrielles permet de revitaliser des secteurs dégradés de la métropole. Mais elle comporte son lot de défis techniques, surtout en milieu fortement urbanisé. L’exemple de l’Îlot Rosemont.

La réhabilitation urbaine évoque l’évolution de la ville sur elle-même. À Montréal, l’Îlot Rosemont, un complexe valorisant la mixité sociale autour de la station de métro du même nom, s’inscrit dans cette vision. Le projet, qui prévoit 193 logements sociaux et un centre administratif de l’Office municipal d’habitation de Montréal (OMHM), vient clore le redéveloppement du site des ateliers municipaux de l’arrondissement, amorcé en 1992 avec les habitations Saint-Vallier.

 

Cet ensemble urbain, qui comptera à terme 868 unités d’habitation et inclura un CPE, deux parcs et la bibliothèque Marc-Favreau, s’insère dans un quadrilatère de 57 000 mètres carrés (m2), compris entre le boulevard Rosemont et les rues Saint-Denis, Saint-Hubert et des Carrières. Il est également reconnu TOD (Transit-oriented development), car il permet d’accéder à pied à un noyau de services et de commerces, en plus de favoriser le transport actif et collectif. C’est dire la densité et la compacité du site.

 

Taillé sur mesure

Si cette densité urbaine est souhaitable au sein d’une ville d’envergure, elle ne va pas de soi pour les artisans de l’Îlot Rosemont, qui ont dû composer avec ses limites. Afin de rendre possible le projet, le plan et la réglementation d’urbanisme devaient en effet être modifiés. La proposition d’aménagement a donc été soumise à un comité consultatif d’urbanisme (CCU), qui y a exigé certaines modifications, notamment en termes d’architecture.

 

« Les changements concernaient surtout la volumétrie de l’immeuble, qui a la forme d’une équerre, souligne Isabelle Garon, directrice de projet à l’OMHM. Au départ, les deux ailes étaient au même niveau, mais le CCU a demandé d’en revoir la hauteur pour qu’elle s’accorde avec la bibliothèque. Dans l’axe Saint-Denis, il a donc dix étages, tandis que dans l’axe Rosemont, il en a huit. Pour la même raison, cette aile comporte des murs-rideaux. On a mis beaucoup d’effort sur l’harmonisation. »

 

Elle ajoute que le terminus d’autobus de la station de métro Rosemont a été démoli pour permettre la construction du bâtiment, mais qu’il sera réintégré au site au terme des travaux. Il formera alors une bouche et sera en partie couvert par le nouvel édifice et masqué par les imposantes colonnes en forme de « V » qui soutiendront la portion basse du complexe immobilier. Une difficulté vite surmontée, si l’on compare aux travaux d’excavation que complique la présence de la station de métro.

 

Dynamitage contrôlé

En effet, pour éviter tout dommage à la structure souterraine, les amas rocheux, d’une épaisseur variant de deux à six mètres (m), ont été fragmentés par micro-dynamitage. C’est-à-dire que, pour chaque sautage, de 10 à 14 forages ont été réalisés selon un plan préétabli. Une fois les charges explosives en place, les cavités étaient ensuite remplies de gravier, puis recouvertes de matelas faits de pneus recyclés pesant environ 2 300 kilos (kg).

 

Si cette méthode s’impose en milieu urbain, elle n’est pas sans risques pour autant, signale Isabelle Garon. C’est pourquoi elle a été accompagnée d’importantes mesures de sécurité. Le premier dynamitage a d’ailleurs été encadré par le Service des incendies et coordonné avec le centre de contrôle de la Société de transport de Montréal (STM). De plus, des sismographes ont été installés dans le métro et aux habitations Saint-Vallier pour veiller à ce que les vibrations ne dépassent pas les seuils établis.

 

Également, pour assurer la sécurité au chantier, chaque dynamitage était précédé d’un coup de sirène. Ce premier signal indiquait aux travailleurs, qui avaient reçu au préalable une formation à cet effet, qu’ils devaient quitter sur-le-champ le périmètre déterminé par le boutefeu. La sirène était ensuite déclenchée douze fois, suivie de l’explosion 30 secondes plus tard. De quatre à sept sautages ont ainsi été exécutés chaque jour, pendant 35 jours. De plus, lorsque les sautages étaient effectués à moins de huit mètres du trottoir, la circulation véhiculaire et piétonne était temporairement suspendue.

 

À CONSULTER
Pratiques et innovations : Le micro-dynamitage en milieu urbain

 

Précautions multipliées

Mais les dangers associés au dynamitage ne se limitent pas à la seule projection de débris ni aux dommages pouvant être causés aux constructions riveraines par la force des vibrations. Les travaux de sautage, faut-il le rappeler, produisent du monoxyde de carbone (CO), un gaz hautement toxique et potentiellement mortel. S’il ne se dissipe pas à l’air libre, il peut se déplacer dans le sol et se concentrer à l’intérieur de bâtiments, de puits d’accès et en d’autres endroits confinés et mal ventilés. Et il est d’autant plus à craindre qu’il est inodore et incolore.

 

Pour éviter d’éventuelles intoxications, des détecteurs ont donc été distribués aux habitants du secteur, qui ont en outre été formés sur leur utilisation et la procédure à appliquer en cas d’alerte. Toujours dans le but de prévenir l’impensable lors des dynamitages, un abri a été dressé devant le métro afin d’en protéger les usagers. « On a aussi établi un tracé spécifique pour les camions, les trajets d’autobus ont été revus, la signalisation aussi, indique Isabelle Garon. Le secteur est très achalandé et tout est fait pour sécuriser les environs du chantier. »

 

L’ÎLOT ROSEMONT

 

Îlot Rosemont - Commencés à l’automne 2019, les travaux seront
complétés au printemps 2022. Image : Lapointe Magne & associés

 

En bref
  • Superficie totale : 21 849 m2
  • Projection maximale de l’emprise au sol : 2 614 m2
  • Superficie bureaux : 5 751 m2
  • 193 logements pour personnes âgées à faible revenu, dont :
  • 23 studios
  • 170 appartements d’une chambre à coucher
  • Cout de construction : 92 M$ (toutes taxes comprises)
  • Échéancier : automne 2019 – printemps 2022

 

Les artisans du projet
  • Maitre de l’ouvrage : OMHM
  • Soutien technique : GRT Bâtir son quartier
  • Architecture : Lapointe Magne et associés
  • Génie civil : Aecom
  • Génie structural : Tetratech
  • Génie électromécanique : Norda Stelo
  • Architecture du paysage : Vlan Paysages
  • Gestion en échéancier : Cima +
  • Services environnementaux : Englobe
  • Entrepreneur général : Pomerleau