Le nouveau centre de Bibliothèque et Archives Canada: un BAC écolo et techno

1 avril 2020
Par Marie Gagnon

Conjuguant haute technologie et efficacité environnementale, le nouvel édifice de Bibliothèque et Archives Canada promet de faire école en matière de préservation de documents.

En archivistique, la préservation est une approche intégrée dont l’objectif est de ralentir le processus naturel de dégradation des supports, qu’il s’agisse de documents papier, de matériel photographique et cinématographique ou, encore, de documents magnétiques et électroniques. À Gatineau, le nouveau centre de Bibliothèque et Archives Canada (BAC) répondra non seulement à cette condition essentielle, mais il deviendra également le premier bâtiment « carbone net zéro » voué à la préservation des archives en Amérique.

 

Le bâtiment de 12 900 mètres carrés, qui sera construit tout juste derrière le centre de préservation actuel de BAC, sera en outre le premier édifice fédéral construit selon les exigences de la Stratégie canadienne pour un gouvernement vert. Cette stratégie, qui a été élaborée afin de soutenir les engagements du Canada en vertu de l’Accord de Paris sur les changements climatiques, vise à assurer la transition vers des activités gouvernementales résilientes aux changements climatiques, notamment par le biais de biens immobiliers durables et à faibles émissions de gaz à effet de serre (GES).

 

Nathalie Éthier, directrice de projet pour BAC - Photo de Claude Brazeau

 

« On est très chanceux parce qu’au Québec, l’électricité est à 99 pour cent (%) propre, rappelle Nathalie Éthier, directrice de projet pour BAC. À elle seule, l’énergie hydroélectrique répond aux objectifs visés par la Stratégie pour un gouvernement vert. On aura aussi recours à la géothermie – cinq puits sont prévus –, mais seulement en périphérie du bâtiment, car on doit respecter un certain plafond financier. Cette mesure contribuera à atteindre les cibles énergétiques globales établies par Ressources naturelles Canada (RNC). »

 

S’inscrire dans la durée

Ces cibles ont été établies en fonction de divers paramètres, dont les températures et les taux d’humidité nécessaires à l’entreposage des documents. Cinq voutes doivent en effet être maintenues à dix degrés Celsius et à un taux d’humidité de 40 %, tandis que la sixième doit avoir une température de six degrés et une humidité relative de 30 %.

 

De plus, contrairement aux modèles énergétiques conventionnels qui s’appuient sur la superficie totale d’un édifice, celui proposé par RNC tient également compte du volume du deuxième niveau. Ce niveau, qui regroupe tous les documents d’archives et le système de rayonnage automatisé, atteint en effet 30 mètres (m) de hauteur, ce qui modifie considérablement la donne en matière de consommation d’énergie. Le projet étant réalisé en mode conception-construction, ce modèle est par ailleurs constamment actualisé.

 

BAC - Photo de Claude Brazeau

 

Sur le plan architectural, Propriétés Plenary Gatineau (PPG), le partenaire privé qui réalise le projet, a également privilégié certaines stratégies afin de conserver l’énergie et limiter la consommation énergétique. Nathalie Éthier pointe notamment un faible ratio murs-fenêtres au rezde- chaussée, de même que l’absence de fenestration au second niveau, où seront aménagées les voutes d’entreposage. Afin de réduire les gains solaires l’été, l’étage est en outre conçu de manière à déborder légèrement au-dessus du rez-de-chaussée.

 

Le concept, qui vise au minimum la certification LEED Argent, mise également sur la masse thermique du béton pour diminuer les charges de chauffage et de climatisation. « Le design de l’enveloppe est assez particulier, signale la gestionnaire. On a en quelque sorte un édifice dans un édifice. Les murs de béton sont entourés d’une zone tampon qui est elle-même ceinturée de béton. En plus de réduire la demande en énergie, cette conception permet de limiter le dimensionnement des systèmes électrique et mécanique. »

 

Viser haut

Elle ajoute que le projet se distingue tout autant sur le plan technologique. Le futur centre de préservation sera en effet équipé d’un système de rayonnage automatisé à la fine pointe de la technologie. Couplé à un système informatique, qui identifie l’étagère mobile sur laquelle se trouve le contenant archivistique, il extrait au moyen d’une grue l’étagère et son contenu pour les descendre au rez-de-chaussée. « Ça évite les va-et-vient dans les voutes et assure le maintien des températures et des taux d’humidité à des niveaux optimaux », précise Nathalie Éthier.

 

Ce système d’archivage présente par ailleurs certains bénéfices appréciables. D’abord sur le plan environnemental, en protégeant notamment les caractéristiques naturelles du site. Grâce à la hauteur de ses voutes, qui privilégie l’entreposage vertical, le futur BAC possédera en effet une empreinte au sol réduite, ce qui minimisera son impact sur le milieu naturel, entre autres en réduisant l’excavation et la compaction des sols.

 

BAC - Photo de Claude Brazeau

 

Ensuite sur le plan humain. Les températures établies visent en effet une durée de préservation de 500 ans. Si le système d’archivage n’était pas automatisé, les employés devraient s’emmitoufler avant de pénétrer dans les voutes. Aussi, en éliminant le transport manuel des étagères, qui peuvent peser jusqu’à 15 kilos, le système réduit les risques de blessures musculosquelettiques. Sans compter les va-et-vient incessants qui causeraient des fluctuations de température qu’il faudrait compenser mécaniquement.

 

Voir loin

Comme le rappelle Nathalie Éthier, le projet dont les couts s’élèvent à 330 millions de dollars, prévoit également l’optimisation des chambres fortes de l’actuel centre de préservation. C’est dire les défis que devra relever PPG, notamment en termes de délais d’exécution. Le projet, qui doit être livré au plus tard le 5 mai 2022, se déroule malgré tout comme prévu.

 

Fin janvier, les pieux de fondation étaient foncés, les colonnes de béton étaient en place et une partie du mur de contreventement était érigée. Début février, l’entrepreneur se préparait à couler le béton du deuxième étage. Puis, au cours de l’été, il procédera à l’installation des grues du système d’archivage, qui doivent être introduites avant la pose du système de toiture. Et ce, toujours en ayant à l’oeil ses plans conceptuels afin de livrer le bâtiment le plus vert possible dans les limites budgétaires imparties.

 

UNE FORMULE GAGNANTE

L’équipe du projet Gatineau 2 de Bibliothèque et Archives Canada (BAC) recevait le prix Argent de la catégorie Développement de projet lors de la conférence annuelle du Conseil canadien pour les partenariats public-privé, le 18 novembre 2019. Instauré en 1998, ce prix prestigieux souligne le travail accompli par l’équipe de BAC et Propriétés Plenary Gatineau (PPG) afin d’assurer aux générations futures l’accès à leur patrimoine documentaire pour les siècles à venir.