Innovation technologique en construction : les implications légales

11 janvier 2022
Par Sandra Soucy

Bien que porteuse de grandes promesses pour l’avenir de la construction au Québec, la montée en puissance des nouvelles technologies dans le secteur du bâtiment soulève certaines considérations, notamment sur la pertinence de bien se protéger d’un point de vue législatif.

Dans un contexte marqué par la pénurie de main-d’oeuvre et la hausse des couts des matériaux, les nouvelles technologies ouvrent des perspectives enthousiasmantes au sein de l’industrie de la construction. Devant les avantages qu’elles peuvent apporter, il est primordial d’encourager leur implantation d’autant plus que le Québec, on le sait, accuse un retard considérable quant à leur adoption.

 

Pour André Vautour, avocat et associé chez Lavery, il ne fait pas de doute que celui-ci puisse être rattrapé. À ce propos, il ne pourrait être plus éloquent : « Leur déploiement devient une question de survie à moyen et à long terme pour les entreprises. Le recours aux technologies est un facteur important qui contribue à pallier cette réalité qui, véritablement, constitue une menace pour l’industrie, indique-t-il. Et dans ce cas, elles offrent le potentiel de pouvoir accroitre la productivité de l’entreprise et de stimuler sa compétitivité, sans compter les améliorations potentielles relatives à la santé et la sécurité et les diminutions de malfaçons en chantier, entre autres choses. »

 

André Vautour, avocat et associé chez Lavery. Crédit : Gracieuseté

 

Qu’il s’agisse d’une application d’horodateur mobile, mieux connue sous le nom de « punch » mobile, d’un drone, de la maquette BIM ou autre, il faut cependant prendre le temps de bien considérer ce qui sera implanté tout en s’assurant d’agir légalement pour éviter qu’une autorité réglementaire, un syndicat ou autre, nous empêche d’aller de l’avant.

 

L’entrepreneur qui croit faire une bonne chose en implantant des technologies et qui n’aurait pas pris le temps de considérer les différents volets, notamment en termes de relations de travail, de santé et sécurité, de propriété intellectuelle ou encore sur le plan contractuel, pourrait malheureusement s’exposer à de bien mauvaises surprises. D’où l’impératif de bien se protéger.

 

Mieux vaut prévenir que guérir

Bien qu’elle comporte des bénéfices indéniables, l’implantation de nouvelles technologies en entreprise n’est pas sans s’accompagner d’enjeux. Les impacts que pourrait subir un entrepreneur mal préparé sont multiples et variables. D’un point de vue juridique, il est recommandé de prendre en compte le type de technologie que l’on veut mettre en place afin d’éviter les écueils. « Il est difficile d’obtenir une recette tous azimuts, car selon la technologie que l’on voudra implanter, les préoccupations ne sont pas les mêmes, et l’impact stratégique non plus, soutient André Vautour. La prévention joue un rôle central dans la réussite d’un tel projet, d’où la nécessité d’évaluer les risques qui pourraient s’y associer afin d’être capable de réagir en conséquence. »

 

Éric Thibaudeau, avocat et associé chez Lavery. Crédit : Gracieuseté

 

Aux yeux d’Éric Thibaudeau, également avocat et associé chez Lavery, d’un point de vue réglementaire pour tout ce qui a trait aux relations de travail ainsi qu’à la santé et sécurité, le plus grand danger réside dans la perte de son investissement. « Investir du temps et de l’argent dans une technologie et ne pas pouvoir l’utiliser parce qu’une autorité quelconque nous informe qu’on n’a pas respecté tel ou tel volet de la réglementation constitue un grand danger, affirme-t-il sans détour. On ne saurait trop insister sur l’importance d’agir en amont et non en aval. »

 

Les manières de se protéger diffèrent considérablement selon qu’il s’agisse d’une petite ou d’une grande entreprise. Comme le fait remarquer Éric Thibaudeau : « La petite entreprise fera probablement appel aux associations dont elle est membre et aura recours aux outils déjà accessibles à l’industrie, alors que la grande pourra investir plus d’argent et se débrouiller seule puisqu’elle en a l’habitude. Mais avant d’implanter une technologie, une grande entreprise verra toutefois à faire une vérification approfondie, car considérant le nombre élevé d’employé(e)s dont elle dispose, il y a plus de risques de se mettre les pieds dans les plats. »

 

De l’avis d’André Vautour, une petite entreprise ne dispose pas toujours d’équipes suffisantes pour mettre en place des technologies inédites : « Mon conseil est qu’il faut autant que possible éviter de se lancer dans un projet de développement de solutions informatiques à partir de zéro si l’on est une petite ou une moyenne entreprise. Je recommande fortement d’avoir recours à des solutions qui existent déjà dans le marché, quitte à les adapter selon les besoins. »

 

Définir les objectifs

Ainsi, ce qui importe avant tout, qu’il s’agisse d’une petite ou d’une grande entreprise, c’est de cibler ses besoins. La question fondamentale à laquelle l’entreprise doit répondre serait la suivante : que dois-je faire pour être plus rentable, plus compétitive, plus profitable ? Une fois cela établi, on saura dans quels domaines particuliers l’investissement technologique devrait être effectué.

 

Et cela vaut aussi pour les technologies plus sensibles comme celles qui modifient le processus d’affaires. « Il faut nécessairement avoir fait ses devoirs au préalable avant de mettre en place une solution technologique de processus qui en cas de dérapage aura des conséquences parfois désastreuses pour l’ensemble des gens en entreprise », souligne André Vautour.

 

Ces deux experts n’insisteront jamais assez sur le fait que l’entrepreneur qui veut mettre à profit des technologies au sein de son entreprise devra d’abord agir en amont en prenant soin de bien préparer ses dossiers et en faisant appel à des consultants. « Les avocats comme les ingénieurs, les architectes et autres professionnels peuvent aider le client à bien préparer son dossier et le conseiller adéquatement dans le cadre de l’implantation d’une technologie, rappelle André Vautour.

 

« Toutefois, poursuit-il, les compétences qui seront exigées dans un futur très rapproché ne sont pas les mêmes que celles que l’on retrouve à ce jour dans l’industrie de la construction. » Il va sans dire que la formation de la main-d’oeuvre dans un contexte de mise en place de la technologie sera cruciale au cours des prochaines années.