Dans une décision rendue récemment, la Cour supérieure a réitéré l’importance de transmettre une mise en demeure préalablement à l’institution d’un recours en dommages suivant l’exécution fautive de travaux.
Faits
Dans cette affaire[1], la Coopérative de solidarité en habitation Carpe Diem (« Coop ») octroie un contrat pour les travaux de démolition de l’église Sainte‑Bernadette-Soubirous, située dans le secteur Lauzon à Lévis, à CFG Construction inc. (« CFG ») à la suite d’un appel d’offres public. Ces travaux s’inscrivent dans le cadre du projet de construction d’un ensemble d’habitations dont sera propriétaire la Coop, mais qui sera construit par un autre entrepreneur lors d’une autre phase des travaux.
Les documents d’appel d’offres en lien avec les travaux de démolition prévoient que « l’entrepreneur a la possibilité de concasser les matériaux de béton et de pierre de maçonnerie pour les utiliser sur place comme matériaux de remblayage ». Il est également mentionné que « l’acier d’armature doit être retiré du béton concassé et évacué hors du site ».
Les travaux de démolition et de remblayage se sont terminés à la fin du mois de mars.
Dès le 3 avril, l’entrepreneur chargé de l’excavation pour les travaux de construction constate la présence de grosses masses de béton, de morceaux de maçonnerie, de blocs de terracotta, de tuyaux de fonte, de barres d’armature, de pièces métalliques pouvant mesurer jusqu’à cinq pieds de long et de morceaux de bois.
Il se plaint alors de la mauvaise exécution des travaux de démolition et de remblayage.
CFG se défend en avançant que les normes d’Environnement Québec prévoient une tolérance de 1 % quant à la présence de matériaux non conformes, que la zone où les matériaux indésirables ont été retrouvés se situe à l’extérieur de la zone des travaux et qu’aucune mise en demeure lui enjoignant de retirer les matériaux ne lui a été transmise.
Décision
Le tribunal détermine que les spécifications des plans et devis ont préséance sur les normes d’Environnement Québec. Ce faisant, le remblayage de l’acier d’armature et des autres éléments identifiés aux documents d’appel d’offres était proscrit.
Le tribunal conclut également que des matériaux indésirables se trouvaient dans la zone de travaux de CFG. Cette dernière ne répondait donc pas aux exigences contractuelles.
Cependant, le tribunal conclut que CFG n’a jamais été mise en demeure de corriger ses travaux. CFG a reçu une liste de déficiences de la part des professionnels sept jours après la découverte du déblai illégal. Un représentant de CFG s’est rendu sur les lieux le lendemain et a nié les reproches qui lui étaient adressés. Ce dernier alléguait alors que les travaux étaient conformes.
À ce moment, la décision avait déjà été prise de confier les travaux correctifs à l’entrepreneur responsable des travaux de construction afin de ne pas retarder le chantier et d’éviter d’avoir deux entrepreneurs généraux sur le même chantier. De ce fait, aucune mise en demeure de reprendre les travaux n’a été transmise à CFG.
À la lumière de la preuve qui lui a été présentée, le tribunal a déterminé qu’il n’y avait pas de situation d’urgence permettant de passer outre l’obligation de transmettre une mise en demeure. De plus, CFG n’avait pas manifesté son refus d’effectuer les travaux correctifs; situation qui aurait dispensé la Coop de transmettre une mise en demeure à CFG.
Face à ce défaut, le tribunal rejette la demande en remboursement de 496 650,28 $ présentée par la Coop. Cette demande visait les couts supplémentaires payés à l’entrepreneur chargé de la construction du nouveau bâtiment et à ses professionnels ainsi que les couts engendrés pour la surveillance lors des travaux de tri et d’acheminement de débris vers des sites de récupération en raison du remblayage non conforme réalisé par CFG.
Au surplus, la Coop a été condamnée à verser à CFG le solde contractuel qui était demeuré impayé.
Bien que l’obligation de mettre son débiteur en demeure soit l’objet d’une jurisprudence abondante, il est encore fréquent que des recours soient rejetés en raison du défaut de respecter cette obligation.
Cette décision nous rappelle l’importance de respecter cette exigence.
Cet article est paru dans l’édition du 26 mai 2022 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous.