Depuis très longtemps, l'être humain observe le monde qui l'entoure afin de résoudre divers problèmes de nature technique. On n'a qu'à penser à Léonard De Vinci et ses nombreuses inventions qui ont souvent trouvé leur inspiration auprès du vivant et de la nature.
Aujourd'hui, le nombre de chercheurs qui tournent leur regard vers le vivant afin de développer toutes sortes d'applications technologiques va en augmentant. Depuis environ 15 ans, il s’agit même d’une nouvelle discipline d'études, le biomimétisme, un terme imaginé par la biologiste américaine Janine Benyus.
Biomimétisme, une discipline aux multiples avantages
« Le biomimétisme, c'est une imitation consciente du génie de la nature et de la vie, explique Moana Lebel, biologiste et cofondatrice de Biomimétisme Québec, un organisme qui tente de faire connaître et répandre cette jeune discipline scientifique dans la Belle Province. C'est de reconnaître que depuis 3,8 milliards d'années, la nature et les organismes vivants, grâce à l'évolution, ont développé les stratégies de survie les mieux adaptées aux conditions de vie existantes sur Terre. »
Mme Lebel précise que l'un des avantages importants du biomimétisme est qu'il permet de développer de nouvelles applications technologiques en respectant l'environnement et la biodiversité.
Par exemple, l'entreprise Columbia Forest Products a développé une nouvelle colle, inspirée de celle que fabriquent les moules bleues afin de rester accrochées aux substrats rocheux des zones côtières, qui lui a permis de créer du contreplaqué très résistant à l'eau, sans aucune trace de formaldéhyde, une substance très toxique.
Technologiques rentables
Autre avantage de taille, dit Moana Lebel, les entreprises qui adoptent les technologies issues du biomimétisme n'ont pas à craindre un fardeau financier supplémentaire.
« Habituellement, on dit que le développement durable entraîne un coût supplémentaire aux industries et aux entreprises, mais avec le biomimétisme, ça mène plutôt à une rentabilité assurée dans les projets », explique-t-elle, précisant que c'est l'efficacité des procédés naturels, développée pendant des millions d'années, qui assure les économies.
« Il y a plein d'organismes vivants qui ont déjà trouvé la solution pour bâtir des structures durables avec le minimum de matériel possible et le maximum de solidité, super efficaces, 100 % biodégradables ou recyclables », dit Mme Lebel.
Biomimétisme et construction
Pour l'instant, poursuit-elle, l'industrie de la construction n'a pas encore fait le pari du biomimétisme. C'est la raison pour laquelle Biomimétisme Québec effectue un travail de sensibilisation visant à faire découvrir ce concept et les retombées y étant associées. Depuis la fondation de l'organisme, il y a deux ans, la démarche commence à porter ses fruits puisque « les entreprises voient le potentiel et commencent à s'y intéresser ».
Ailleurs dans le monde, on n'affiche toutefois pas le même retard. Certains architectes s'inspirent aujourd'hui de la nature pour concevoir la structure de leurs édifices. Le Projet Eden, en Angleterre, en est un bon exemple. Les concepteurs de cette énorme serre ont été capables de la doter d'une résistance exceptionnelle, avec un minimum de matériaux, en organisant ses poutres en forme d'hexagones, une idée inspirée de la structure du pollen et du « squelette » de certains microorganismes.
Au Zimbabwe, à Harare, l'architecte Michael Pearce s'est lui aussi inspiré de l'habitat d'un autre insecte pour construire le Eastgate Centre, un imposant centre commercial et édifice de bureaux. Afin de limiter les coûts engendrés par le système de climatisation et de chauffage de l'édifice, l'architecte a fait appel à des biologistes pour comprendre comment les termites construisent et contrôlent la température de leurs nids. Ainsi, en adaptant le système de ventilation naturel des termitières à ce centre commercial, l'édifice de Michael Pearce, situé en plein désert, ne consomme que 10 % de l'énergie nécessaire à la climatisation d'un édifice traditionnel.
Mais les possibilités de biomimétisme en construction ne s'arrêtent pas aux structures et aux formes. D'autres s'inspirent des procédés physicochimiques qu'utilisent certains êtres vivants pour survivre. Par exemple, le Stenocara, un petit scarabée qui vit dans le désert, fait appel à la condensation pour survivre aux conditions climatiques rudes de son habitat. Grâce à sa carapace particulière, le Stenocara arrive à condenser l'eau contenue dans l'air, ce qui lui assure une source d'approvisionnement infinie de cette précieuse ressource, habituellement rare dans son habitat. En s'inspirant de cet insecte remarquable, l'architecte Nicholas Grimshaw a été en mesure d'imaginer et dessiner les plans d'une méga-usine de désalinisation qui ne consomme que très peu d'énergie. En plus, cette infrastructure a été conçue de manière à pouvoir en faire un théâtre en plein air.
Un potentiel économique à saisir
En plus des bénéfices écologiques du biomimétisme, son potentiel économique est énorme. D'après un rapport commandé par le Zoo de San Diego, l'un des chefs de file mondiaux du secteur, les retombées économiques aux États-Unis découlant des applications issues du biomimétisme pourraient atteindre 300 milliards de dollars US en 2025.
Pour en bénéficier, le Québec devra toutefois lui aussi se faire une niche et se doter d'une expertise en la matière. C'est pourquoi Biomimétisme Québec voudrait créer un forum où « entreprises, institutions de recherche, universités, ONG et agences gouvernementales » pourront échanger et développer les connaissances nécessaires pour faire en sorte que le biomimétisme soit ici aussi un secteur de recherche florissant.