Regard sur la cure de durabilité du Cégep de Sherbrooke. Un campus carboneutre, qui vise maintenant la certification LEED Canada pour les bâtiments existants : exploitation et entretien.
En matière d’infrastructure durable, le Cégep de Sherbrooke a volé la vedette au cours des dernières années. En 2012, l’institution obtenait la toute première certification CSA attestant qu’elle était carboneutre. Mais déjà en 2009, une démarche d’amélioration de la performance énergétique se soldait entre autres par un Phénix de l’environnement, un Pilier d’or de l’Association des gestionnaires de parcs immobiliers institutionnels et autres prix.
« L’origine du projet carboneutre est un concours de circonstances », indique bien humblement le directeur des Services de l’équipement du Cégep de Sherbrooke, Jean Lussier. Tout a commencé par l’optimisation de la performance énergétique pour les six bâtiments du campus principal du Cégep, établi depuis 1968.
Avant 2008, ce campus était principalement chauffé au gaz naturel et au mazout. « Nous avons fait le virage vers l’électricité, raconte Jean Lussier, ce qui nous permettait de retrancher 85 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) du campus principal, soit environ 2 150 tCO2.éq./an. Peu après, l’idée de faire un pas de plus vers la certification CSA est née. »
Dans la foulée du projet d’efficacité énergétique, qui allait réduire la consommation du Cégep de 38 %, les contrôles centralisés ont été revus. Aussi, des systèmes de récupération de chaleur notamment sur les eaux grises et le refroidisseur principal ont été installés. Pour tirer profit du solaire thermique, deux types de préchauffage de l’air ont été sélectionnés : un collecteur solaire Luba et un mur solaire. Selon les données du Cégep, les économies énergétiques engrangées depuis 2008 atteignent 20 millions de kilowattheures.
À la suite de ce projet, il restait 15 % d’émissions de GES sur lesquelles le Cégep souhaitait se pencher. Un in vestissement de 30 000 dollars a donc été effectué pour la réalisation d’un inventaire, conforme à la norme ISO 14064-1. Les GES directement sous le contrôle du Cégep, de même que ceux attribuables à la production et à la distribution de l’électricité consommée ont alors été évalués à 401 et 27 tonnes respectivement.
Pour en arriver à un bilan neutre, ces 428 tonnes ont été compensées par l’achat de crédits carbone. « L’an dernier, nous avons sélectionné une organisation qui travaille avec des partenaires responsables de plantations de café, de noix et de cacao, précise Jean Lussier. Les émissions du Cégep sont balancées par ces plantations et les sommes remises permettent aux agriculteurs de financer leurs opérations. »
Maintenant que le projet carboneutre est bien en selle, c’est la certification LEED-EB que visent les Services de l’équipement du Cégep. Et pour ce faire, il faut tout mesurer, des consommations d’eau et d’énergie jusqu’aux déchets. Le Cégep est en pleine période de mesurage ; le dépôt de la demande auprès du Conseil du bâtiment durable du Canada est prévu pour la fin 2013.
Et quelle sera la suite ? Lucide, Jean Lussier rétorque qu’il lui reste encore beaucoup de pain sur la planche. « La certification CSA tient compte des émissions sous le contrôle du Cégep, mais il reste un pan important de GES qui ne sont pas inclus dans le bilan neutre, notamment ceux provenant des déplacements des étudiants et du personnel, soit 4 828 tCO2.éq./an. »
Le directeur a l’intention de réduire et éventuellement compenser ces GES bien qu’ils ne fassent pas partie du bilan officiel. Ainsi, une politique de transport étoffée et en constante amélioration fait la guerre à l’impact carbone des usagers. Un fonds en développement durable a même été créé par les revenus de stationnement. Ce dernier permet notamment de financer le poste à temps plein de la conseillère en développement durable du Cégep.
Jean Lussier croit qu’il est possible de voir davantage d’institutions suivre les traces du Cégep de Sherbrooke. Selon lui, pour entamer un tel processus, il faut d’abord faire un premier pas au niveau du bâtiment, parce que l’efficacité énergétique est incontournable. Après quoi, on peut commencer à élargir ses perspectives durables : l’eau, le transport, l’approvisionnement, l’entretien, etc. « Au départ, dit-il, le grand défi est de convaincre les gens. Après quoi, les efforts et les initiatives viennent de l’équipe ! » Au cours des prochaines années, Jean Lussier prévoit s’attaquer à l’aménagement durable du campus, de même qu’à la gestion des matières résiduelles. L’histoire est à suivre.
Consultant LEED : Karbon, une division de Cimaise
Bilan carbone : Enviro-accès
Gestion des matières résiduelles : Véolia
Entretien et nettoyage écologique : Poly M2
GES : 2008 : émissions directes : 2 365 tCO2.éq./an/ émissions indirectes : 180 tCO2.éq./an ;
2010 : émissions directes compensées : 357 tCO2.éq./an / émissions indirectes compensées : 30 tCO2.éq./an ; depuis 2008, le Cégep a épargné 13 500 tCO2éq.
Eau : réduction de 59 % par rapport aux standards actuels
Énergie : système de contrôles centralisés à jour ; mur solaire ; préchauffage de l’air (système Luba solaire) ; récupération de chaleur (condenseur, eaux grises) ; panneaux réflecteurs installés derrière les radiateurs ; éolienne de démonstration
Eau : compteurs d’eau avec suivi en temps réel par une application web ; robinetterie avec détecteurs infrarouges et embouts laminaires ; remplacement graduel des appareils de plomberie à forte consommation d’eau pour des équipements plus économes ; aucune irrigation extérieure
Ressources : mise en place progressive d’un système de compostage ; électrobac pour la collecte d’équipements électroniques ; diminution du nombre de poubelles ; achats écoresponsables (piles rechargeables, produits et équipements certifiés) ; marge préférentielle de 10 % pour les fournisseurs écoresponsables ; membre de l’Espace de concertation québécoise pour l’approvisionnement responsable ; mise en place d’une directive de réduction des impressions ; achat de papier d’impression composé à 30 % de fibres recyclées postconsommation, certifié SFI (Sustainable Forestry Initative) ; produits de nettoyage concentrés achetés en vrac ; conseillère en développement durable à temps plein
Transport : caractérisation des déplacements des 750 employés et 6 500 étudiants du Cégep ; automobile solo éconergétique : 6,1 % ; automobile solo : 24,5 % ; motocyclette : 0,2 % ; covoiturage : 11,8 % ; marche ou jogging : 20,9 % ; vélo : 1,0 % ; autobus : 35,6 % ; abonnement universel au service de transport en commun pour tous les étudiants du Cégep ; navettes interurbaines pour les usagers situés hors des limites du réseau de transports en commun ; programme de covoiturage ; vélos en libre-service ; abris sécurisés pour les vélos ; douches pour les cyclistes ; vignettes de stationnement auto-vélo ; bornes publiques de recharge électrique ; espaces de stationnement préférentiels
Cet article est tiré du Supplément thématique – Bâtiment 2013. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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