Les bris d'infrastructures souterraines ont coûté 74,5 M$ aux Québécois en 2012

Une étude dévoilée aujourd'hui par le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO) révèle que les coûts indirects engendrés au Québec par les bris d'infrastructures souterraines se sont chiffrés à environ 74,5 millions $ en 2012.

 

« Additionnels aux coûts de réparation des conduites, ces coûts sont, pour la plupart, assumés par la société. Ce montant pourrait même être plus élevé, précise Ingrid Peignier, directrice de projets - Groupe RISQUES, CIRANO, car notre évaluation repose sur des données provenant d'un recensement des bris effectué sur une base volontaire, ce qui donne un portrait partiel de la réalité. »

 

Plus spécifiquement, cette recherche visait à identifier et à chiffrer les coûts totaux des bris d'infrastructures souterraines au Québec afin de les prévenir et d'inciter le développement de bonnes pratiques chez les entrepreneurs et les municipalités mais aussi chez les propriétaires d'infrastructures et les donneurs d'ouvrage.

 

Ainsi, pour la première fois au Québec, une étude permet non seulement d'évaluer les coûts directs (réparation du bris) mais aussi les coûts indirects (évaluation économique de l'ensemble des perturbations engendrées par le bris).

 

Rarement pris en considération, les coûts indirects peuvent être extrêmement variés : interruption du service aux usagers, déploiement des services d'urgence, évacuation des résidents et des commerces, risques de blessures ou de décès pour les travailleurs, perturbation de la circulation routière, frais administratifs ou légaux, retards dans l'exécution des travaux, etc. À cette facture s'ajoutent les coûts liés aux impacts environnementaux (bruit, vibrations, pollution en tous genres) et les coûts relatifs aux impacts économiques (perte de chiffre d'affaires, absentéisme et retard au travail, etc.).

 

Des statistiques alarmantes

Cinq bris d'infrastructures souterraines surviennent en moyenne chaque jour ouvrable au Québec. Dans 37 % des cas, aucune demande de localisation des réseaux souterrains n'avait été effectuée auprès d'Info-Excavation - l'Alliance pour la protection des infrastructures souterraines. Cet organisme est un guichet unique qui fournit gratuitement de l'information sur la nature et l'emplacement des installations souterraines et travaille, entre autres, à recenser les bris d'excavation au Québec.

 

Le CIRANO s'est notamment basé sur ces données pour effectuer son étude.

En outre, l'analyse révèle que le taux de bris pourrait être inférieur à 1 % si une demande de localisation était formulée. « Ces résultats nous portent ainsi à croire que près du tiers des bris pourrait être évité si les entreprises ou les municipalités faisaient une demande de localisation auprès d'Info-Excavation avant de creuser ou d'excaver le sol », déclare Nathalie de Marcellis-Warin, vice-présidente du CIRANO et professeure à l'École Polytechnique de Montréal. Cette vérification n'est toutefois pas obligatoire au Québec. Pour limiter le nombre de bris, il est aussi important que l'information fournie par les propriétaires d'infrastructures soit précise et à jour.

 

Par ailleurs, 35 % des bris d'infrastructures souterraines survenus en 2012 ont nécessité le déploiement des services d'urgence des municipalités et 83 % ont occasionné des interruptions de service. Ce bilan est assez inquiétant compte tenu des coûts que cela engendre.

 

Afin d'illustrer les différents types de coûts et d'évaluer le ratio des coûts indirects versus les coûts directs, le CIRANO a effectué quatre études de cas de bris réels survenus au Québec dans des municipalités de toutes tailles. Les cas choisis tiennent aussi compte de la diversité des infrastructures qui peuvent être touchées (télécommunication, gaz, eau).

 

Pour certains événements, l'équipe de recherche s'est rendue sur place au moment du bris afin de collecter de l’information de première main et d'interviewer toutes les parties prenantes. Le CIRANO a ainsi fait la preuve que les bris occasionnent des pertes importantes au Québec et qu'environ 80 % des coûts imputables à ces accidents sont de nature indirecte.

 

À titre d'exemple, un tel exercice montre que lors du bris d'une conduite de gaz à Montréal en 2012, un dispositif de 41 pompiers et de 11 véhicules d'intervention a été dépêché sur les lieux du bris pendant plus d'une heure trente, ce qui a représenté un coût estimé à 12 000 $. En outre, il faut prendre en compte les coûts difficilement quantifiables reliés à la perte de réputation de l'entreprise propriétaire de l'infrastructure souterraine.

 

En interrogeant les automobilistes, piétons et commerçants d'un quartier affecté par un bris, l'analyse a permis de constater que la faute est souvent rejetée sur l'acteur visible et présent sur les lieux pour la réparation du bris, alors que l'accident est généralement causé par un tiers.

 

 

Quelques recommandations

Cette estimation économique montre bien l'importance que revêt la prévention. « À la lumière de ces résultats, il nous est vite apparu indispensable de formuler des recommandations spécifiques pour chaque acteur concerné par les bris d'excavation au Québec. Ainsi, afin de prévenir les dommages, nous suggérons aux entreprises de suivre des formations et de prendre connaissance des guides mis à leur disposition pour apprendre les bonnes pratiques d'excavation. Il faudrait aussi obliger tout propriétaire d'infrastructures souterraines à déclarer et à tenir à jour la localisation de ses réseaux auprès d'Info-Excavation. Enfin, il nous apparait aussi capital qu'avant d'entreprendre tous travaux d'excavation, il soit obligatoire d'effectuer une demande de localisation auprès d'Info-Excavation. Cette contrainte a d'ailleurs permis de réduire de 70 % le nombre de dommages effectués aux réseaux enfouis aux États-Unis. Et malgré ces précautions, les statistiques américaines demeurent préoccupantes : 16 blessés et 2 morts en 2011 liés à des bris d'infrastructures causés par un travail d'excavation. Bien qu'aucune mortalité n'ait encore été signalée au Québec, il ne faudrait pas attendre que des travailleurs perdent la vie avant de réagir », conclut Ingrid Peignier.

 

Pour en savoir plus

Consultez le sommaire exécutif, Évaluation des coûts socio-économiques reliés aux bris des infrastructures souterraines au Québec, coécrit par Nathalie de Marcellis-Warin, Ingrid Peignier, Vincent Mouchikhine et Mohamed Mahfouf.

 

Source : Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations