Des technologies sans tranchées et adaptées aux travaux souterrains

On appelle « sans tranchée » les méthodes de travail qui permettent d’intervenir sur le réseau souterrain sans trop perturber le milieu environnant et les activités de surface. Bien que ces méthodes aient fait leurs preuves ailleurs dans le monde, elles restent jusqu’ici sous-exploitées au Québec. Cette tendance devrait cependant s’inverser avec l’arrivée de Technologies Sans Tranchée Québec (TSTQ), un organisme créé en mars dernier justement dans le but d’en faire leur promotion.

Des techniques qui ne datent pourtant pas d’hier et qui sont aujourd’hui fort prisées en construction comme en réhabilitation d’infrastructures souterraines, signale Annie Roy, directrice générale de l’Association des propriétaires de machinerie lourde du Québec (APMLQ), le regroupement qui a, en quelque sorte, présidé à la naissance de TSTQ par l’entremise de l’Association des entrepreneurs en forage du Québec (AEFQ), sa filiale.

Annie Roy rappelle ainsi que la première technique sans tranchée est apparue au détour du siècle dernier, sous l’impulsion de l’industrie pétrolière, qui popularise le forage directionnel pour faciliter la découverte de champs pétrolifères. Les forages ne se font plus uniquement à la verticale, ils sont maintenant dirigés, c’est-à-dire que la trajectoire de la foreuse peut être modifiée pour atteindre plus facilement les nappes de pétrole.

Cette technique évolue dans les années 1930, lorsqu’un pipelinier américain a l’idée de recourir au forage dirigé pour faire cheminer des sections d’oléoduc sous des obstacles, comme des routes et des rivières. La méthode s’est depuis étendue à tous les types de conduites et de canalisations qui composent l’infrastructure urbaine, qu’il s’agisse d’aqueduc, d’égout, d’électricité, de gaz ou de télécommunications.

Véritable casse-tête pour les décideurs à mesure que les villes s’étendent, la gestion des infrastructures souterraines en zones fortement urbanisées donne lieu à une autre innovation : le microtunnelier, une version réduite et autonome du tunnelier mise au point au Japon au cours de la décennie 1970. Cette nouvelle technique permet d’effectuer, sur de très longues distances, le fonçage horizontal de conduites de grand diamètre, tout en limitant les répercussions des travaux sur la vie urbaine.

Un retard à combler

« Ces techniques sont aujourd’hui très répandues dans le monde, sauf au Québec, relève Annie Roy. On n’a pas vraiment de statistiques, mais je dirais que, globalement, le Québec est en retard de 10 à 15 ans. Même en Ontario, elles sont plus populaires qu’ici. Dans certaines régions du monde, entre autres en Europe, on peut avoir jusqu’à 30 pour cent ( %) des conduits installés sans tranchée. Ici, ça joue entre 2 et 5  % au maximum. »

Elle avance que les couts associés à ces méthodes peuvent constituer un frein à leur démocratisation, mais qu’ils restent quand même moins élevés que les couts socio-économiques engendrés par des travaux réalisés de manière conventionnelle. D’abord parce qu’on évite la plupart des nuisances liées au creusement de tranchées, à commencer par le bruit, les poussières et les restrictions de circulation. Ensuite parce qu’on limite les couts indirects, comme la remise en état du site ou les frais de coordination.

« Ces techniques profiteraient à tous les types de travaux d’infrastructure urbaine, mais aussi à de grands ouvrages comme le REM, le prolongement du métro ou, encore, le réseau structurant de Québec, qui comprend 2,6 kilomètres en souterrain, continue Annie Roy. Mais pour cela, il faut les faire connaitre auprès des ingénieurs et des donneurs d’ouvrage. Le Québec accuse du retard, mais ce n’est pas par manque d’intérêt, c’est plutôt par méconnaissance et manque de normalisation. »

Pour faire connaitre ces techniques novatrices, TSTQ mise sur plusieurs moyens, dont la formation et le développement d’une plateforme de documentation technique. À cette fin, l’organisme a noué un partenariat avec France Sans Tranchée Technologies (FSTT), une association scientifique et technique qui dispose d’une importante documentation en français, dorénavant accessible à ses membres.

L’association table également sur un congrès annuel, des séminaires techniques et des visites de chantier pour valoriser le sans tranchée. Du moins, lorsque la situation sanitaire le permettra. « Certaines formations prévues en mai ont été adaptées pour la diffusion en ligne, indique Annie Roy. Jusqu’ici, on a donné quatre formations et d’autres seront annoncées en septembre en prévision de l’automne. »