D’une superficie de 18 644 kilomètres carrés et comptant plus de 750 000 habitants, la Capitale-Nationale poursuit sa croissance, attirant les populations d’ici et d’ailleurs. Portrait urbanistique de cette région qui, construite d’une façon bien particulière, doit maintenant faire face à son lot de défis.
La région administrative de la Capitale-Nationale se compose de l’agglomération de Québec et de six municipalités régionales de comté (MRC), soit Charlevoix, Charlevoix-Est, La Côte-de- Beaupré, L’Île-d’Orléans, La Jacques-Cartier et Portneuf. Si son urbanisation débute sous le régime français, au 17e et au 18e siècle, c’est surtout au 19e siècle qu’elle gagne en importance. « La ville de Québec, comme toutes les villes en Amérique du Nord, ne s’est pas déployée en tache d’huile. Les établissements humains se développent généralement en petits morceaux ici et là », explique Johanne Brochu, professeure titulaire à l’École supérieure d’aménagement du territoire et de développement régional (ÉSAD) de l’Université Laval et spécialiste en urbanisme physico-spatial. Des liens commerciaux – ou encore des guerres – façonnent peu à peu le territoire composé d’abord de villages et de hameaux. « Cette myriade de petits morceaux va tranquillement croitre pour former par la suite un ensemble plus ou moins cohérent », ajoute-t-elle.
Une région et ses particularités La Capitale-Nationale connait une importante vague d’urbanisation à la suite de la Seconde Guerre mondiale s’intensifiant dans les années 1970. Celle-ci se développe principalement en fonction du transport automobile. La nécessité d’établir les différentes agglomérations plus près les unes des autres ou encore d’aménager des parcs semble alors secondaire. Les cours arrière sont grandes et la nature, à quelques minutes de voiture. « On parle depuis longtemps de faire communiquer les ensembles entre eux, de développer du transport en commun, mais on se rend compte que ce n’est vraiment pas évident parce que tout a été pensé autour de l’utilisation de la voiture. Si on veut y arriver, on doit faire face à de nombreux défis », mentionne Jean Dubé, économiste, aussi professeur titulaire à l’ÉSAD et spécialiste de l’économie régionale et urbaine.
Construite majoritairement en fonction des autoroutes sillonnant son territoire, la Capitale-Nationale reprend donc les traits de la banlieue pavillonnaire de l’après-guerre. Son côté morcelé la distingue fortement d’autres régions administratives, Montréal par exemple. « C’est une ville marquée par les ruptures, précise Johanne Brochu. Ça crée des morceaux qui vont se développer presque d’une façon ‘‘autonome’’ et qu’on essaiera de raccorder par la suite. » Les nombreuses routes et autoroutes, qui nécessitent maintenance et des interventions ponctuelles, engendrent par le fait même de nombreux chantiers routiers.
Néanmoins, la Capitale-Nationale se distingue aussi par la qualité de vie qu’on y retrouve. Plus petite que Montréal, elle séduit certains habitants issus de régions comme le Bas-Saint-Laurent, le Saguenay ou encore la Côte-Nord, qui profitent de la possibilité d’y travailler et d’habiter dans une maison, tout en restant proche de grands espaces verts. Si elle compte peu de secteurs dits ruraux, des secteurs de l’agglomération de Québec et des six MRC de la région mélangent le rural et l’urbain, ce que le Groupe interdisciplinaire de recherche sur les banlieues (GIRBa) de l’Université Laval surnomme « les milieux rurbains ». C’est la présence de la chaine de montagnes des Laurentides, située au nord et présentant une topographie inhabitable, qui a forcé le développement urbain à s’arrêter.
En constant développement
La croissance se poursuit dans la Capitale- Nationale. Avec le vieillissement de la population et la montée des prix de l’immobilier, auxquels Québec et ses environs ne font pas exception, les premiers acheteurs peinent à dénicher une propriété au sein des quartiers centraux. Ces derniers s’établissent donc généralement à leur périphérie, soit à Portneuf, Donnacona, Pont- Rouge, Sainte-Brigitte-de-Laval, Sainte- Catherine-de-la-Jacques-Cartier, Sainte- Thérèse-de-Lisieux. « Et même sur la rive sud! Il y a beaucoup de quartiers qui ont poussé de manière très rapide dans le coin de Saint-Nicolas ou encore de Saint-Étienne. On observe le même phénomène dans à peu près toutes les grandes villes », note Jean Dubé. Le développement continu de cette région amènera sans aucun doute la construction de nouveaux complexes résidentiels et industriels, de maisons pour personnes âgées et d’écoles.
D’ailleurs, si plusieurs croient toujours que la ville de Québec se compose essentiellement de membres de la fonction publique, ces derniers forment à peine 10 pour cent des travailleurs. Comme ailleurs, le secteur manufacturier a perdu en importance dans la Capitale-Nationale, au proffit de l’économie tertiaire, commerciale et quaternaire. Recherche et développement, tourisme, technologies de l’information, agriculture, optique-photonique, foresterie : plusieurs industries ont le vent dans les voiles, souffrant aussi de la pénurie de main-d’oeuvre qui sévit dans la province.
Favoriser la (bonne) croissance
Pour Jean Dubé, plutôt optimiste, il demeure crucial que la croissance de cette région soit encadrée, de façon à ne pas répéter les erreurs du passé, et qu’elle s’inspire des bons coups urbanistiques du secteur. « Les villes en périphérie de Québec se développent très bien. Le défi est de structurer leur développement pour éviter qu’elles deviennent difficiles à gérer », avance l’économiste. « Il faut avoir une vision de design urbain dans l’organisation de la ville, ajoute Johanne Brochu. Comprendre comment organiser l’espace, quels sont les rapports entre les entités, qu’est-ce qui anime les constituants, que faire pour que l’ensemble se tienne et que ça favorise un développement économique que j’appellerais naturel. »
En attendant, la Capitale-Nationale traverse actuellement une phase de travaux majeurs. Les chantiers sur le pont Pierre- Laporte, le boulevard Henri-IV et l’autoroute Félix-Leclerc accentuent les congestions et encouragent plusieurs résidents de la région à travailler de la maison ou à prendre des vacances. Cette situation témoigne du manque de vraies alternatives à la voiture dans la Capitale-Nationale. En serait-ce l’ultime défi urbanistique ? Certains diraient que oui !
Selon Johanne Brochu, spécialiste en urbanisme physico-spatial, l’urbanisme en général est une démarche qui vise à concevoir l’organisation physique des milieux de vie au sens large, à planifier la croissance urbaine afin qu’elle réponde aux désirs et besoins des populations. Il englobe à la fois les spécialistes de la réglementation, du transport et de la mobilité, de l’environnement, de la gouvernance et du physico-spatial, souvent appelé design urbain.
Actuellement en vogue, l’urbanisme durable est une pratique qui tient compte des trois grandes sphères du développement durable, soit l’économie, l’environnement et le social, et tente de les concilier à travers des stratégies d’aménagement. Il n’en existe pas de modèle unique, universel ou applicable partout. Chaque projet d’urbanisme durable doit être pensé selon sa réalité et son contexte.
Cet article est tiré du Dossier régional – Capitale-Nationale 2021, accessible gratuitement ici.
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