2023 : un recul des mises en chantier à prévoir

29 mars 2023
Par Mathieu Ste-Marie

L’année 2023 s’annonce difficile pour les entrepreneurs en construction, qui verront les mises en chantier chuter à cause de la hausse des taux d’intérêt. Toutefois, ceux oeuvrant dans le secteur institutionnel risquent de mieux tirer leur épingle du jeu.

L´Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec anticipe cette année 46 000 mises en chantier, soit un recul de 21 % par rapport à 2022. Il s’agirait de la baisse la plus importante à ce chapitre au Québec depuis 1995. Plus optimiste, le dernier rapport de la Commission de la construction du Québec (CCQ) prévoyait, quant à lui, une baisse de 7 % des mises en chantier en 2023. Il est cependant important de noter qu’en raison de l’évolution rapide et du caractère imprévisible de la situation économique actuelle, toutes les prévisions faites au cours des derniers mois peuvent être aujourd’hui sujettes à nuances.

 

Peu importe la baisse anticipée jusqu’à présent, une chose est certaine : les promoteurs et les nouveaux acheteurs seront refroidis par la situation économique. « Des projets sont mis sur la glace puisque les promoteurs attendent un retour à la normale des taux d’intérêt. Cette situation va faire mal aux entrepreneurs qui sont exclusivement dans le domaine commercial ou résidentiel », explique Patrick Vallerand, président de l’Association des estimateurs et des économistes de la construction du Québec (AEÉCQ).

 

Dans ses prévisions publiées en décembre dernier, la CCQ avait d’ailleurs averti que le secteur résidentiel allait être le plus affecté par la hausse des taux d’intérêt. « Les futurs propriétaires devront mettre sur pause leur projet d’acheter une nouvelle habitation le temps que les taux se replacent et garderont leur statut de locataire encore pour un temps », indiquait le document de l’organisme.

 

Mélanie Ferland, cheffe de section Recherche à la CCQ. Crédit : CCQ

 

Malgré tout, cette situation n’avait pas, en début d’année, d’impact sur les heures travaillées, qui ont atteint un sommet de 210 millions en 2022. « Les nombreux chantiers qui ont été mis en place depuis 2021, dans le résidentiel notamment, nourrissent encore l’activité. Nous anticipons toutefois déjà un effet négatif sur les heures qui se répercuterait à partir de cette année, jusqu’en 2024. Les prochains mois nous permettront d’y voir plus clair », indique la cheffe de section Recherche à la CCQ, Mélanie Ferland.

 

Plus de travail dans l’institutionnel

Par contre, les entrepreneurs qui oeuvrent dans l’institutionnel n’ont pas trop à s’inquiéter, car plusieurs travaux vont se mettre en branle alors que d’autres vont se poursuivre. « Depuis cinq ou six ans, il y a une augmentation de plus de 40 % d’investissement dans le secteur public, constate Patrick Vallerand. Il y a beaucoup de construction d’infrastructures, que ce soit des hôpitaux, des écoles, des maisons des ainés, etc. De plus, il y a à effectuer du maintien d’infrastructures construites entre les années 60 et 70. »

 

Patrick Vallerand, président de l’Association des estimateurs et des économistes de la construction du Québec (AEÉCQ). Crédit : Pierre Pelletier

 

Selon la Commission de la construction du Québec, le sous-secteur des routes et des infrastructures s’annonce, en effet, fort occupé à court terme, notamment avec la réfection du pont-tunnel Louis-Hyppolyte-La Fontaine, les travaux pour le réseau structurant pour le tramway à Québec et la réfection des tunnels Ville-Marie et Viger à Montréal.

 

Sans oublier le début des travaux d’excavation du projet de la ligne bleue du métro et le projet éolien Apuiat, près de Sept-Iles, d’une valeur de 600 millions de dollars. « Des entrepreneurs qui travaillent dans le commercial vont se recycler dans l’institutionnel, ce qui va créer plus de concurrence dans ce secteur d’activité », prévoit le président de l’AEÉCQ.

 

Encore un manque de main-d’oeuvre

En plus de la hausse des taux d’intérêt, la pénurie de main-d’oeuvre risque de mettre des bâtons dans les roues des entrepreneurs en 2023. L’an dernier, la construction faisait partie des secteurs les plus touchés par le manque de travailleurs et cela ne risque pas de changer cette année. « Le problème pour les entrepreneurs sera d’avoir suffisamment de main-d’oeuvre pour respecter leurs engagements auprès de leurs clients », souligne Patrick Vallerand.

 

Comme les métiers de la construction sont exigeants physiquement, ce secteur a un important roulement d’employés et doit constamment renouveler sa main-d’oeuvre, ajoute-t-il. De plus, le départ à la retraite des baby-boomers risque de compliquer la tâche des entreprises. Par ailleurs, celles-ci peuvent se réjouir puisque le prix des matériaux qui ont explosé depuis la pandémie se sont stabilisés, note le président de l’AEÉCQ. Toutefois, ils pourraient connaitre une hausse cette année, notamment avec la demande importante dans le secteur institutionnel.

 

Si l’incertitude persiste quant aux prix des matériaux, une chose est certaine : les primes d’assurance augmenteront pour les entrepreneurs. « Les compagnies d’assurance sont en train d’évaluer le risque, par exemple, des catastrophes causées par les changements climatiques. Ces événements ont des conséquences sur les compagnies d’assurance, qui veulent hausser leurs primes pour rester rentables », explique Patrick Vallerand.

 

Et pour 2024 ?

L’année 2023 s’annonce donc difficile dans les secteurs résidentiel et commercial et prometteuse dans le secteur institutionnel. Mais que nous réserve l’année suivante ? La CCQ et l’AEÉCQ n’osent pas trop se mouiller. Toutefois, il semble que le secteur résidentiel reprendra de la vigueur lorsque les taux d’intérêt se seront stabilisés. En effet, notait la CCQ dans son rapport annuel, le ralentissement dans le secteur résidentiel pourrait n’être que de courte durée, car les besoins sont très importants en matière d’habitation. « Le nombre de logements nouvellement construits est à son plus faible niveau depuis les 15 dernières années, et la reprise de l’immigration mettra également de la pression sur le secteur », indiquait l’organisme à la fin de 2022.