Améliorer l'efficacité de vos projets avec le Lean Management

3 avril 2024
Par Cynthia Bolduc-Guay

Avant, pendant ou après le chantier, dans les bureaux comme sur le terrain, les gestionnaires sont confrontés à plusieurs décisions qui peuvent avoir des impacts non négligeables sur la productivité. Heureusement, des méthodes existent pour améliorer l’efficacité des différentes étapes d’un projet.

Dans les années 60, le fabricant de voitures japonaises Toyota a révolutionné le milieu manufacturier avec une philosophie simple, mais efficace pour gérer les différentes étapes de production. De là est né le Lean Manufacturing, ou Lean Management, qui a depuis été repris par différents secteurs d’activité. Le but : réduire le risque d’erreurs, augmenter la performance et surtout réduire les pertes de temps, d’argent, d’énergie et de ressources.

 

« La beauté de la philosophie Lean, c’est qu’elle peut s’implanter partout », explique Éric Trudeau, conseiller d’affaires principal à la Banque de développement du Canada (BDC) et dont 80 pour cent des clients oeuvrent dans le milieu de la construction. « Le Lean est comme un triangle qui comporte trois grands axes : des objectifs clairs, qui doivent être bien communiqués; des processus, donc comment on va faire les choses pour mieux servir le client; puis les gens, donc comment on va soutenir les employés et leur offrir le meilleur environnement possible pour assurer leur bien-être », ajoute-t-il.

 

Éric Trudeau, conseiller d’affaires principal à la Banque de développement du Canada. Crédit : BDC

 

Il s’agit d’ailleurs d’un concept assez nouveau dans l’industrie de la construction selon Jean-Marc Legentil, consultant et formateur en amélioration continue et Lean Construction chez Bell Nordic. « Ça fait environ une dizaine d’années que l’on a vu apparaître cette philosophie sur les chantiers au Canada », estime celui qui donne le séminaire Lean Construction à l’École de technologie supérieure (ÉTS).

 

La chasse au gaspillage

Au coeur de la philosophie Lean, la volonté de s’attaquer aux différentes sources de gaspillage. Dans Lean Construction, adaptée aux particularités de l’industrie, on le retrouve, par exemple, dans la surproduction, les inventaires inutiles, les délais qui s’allongent, les erreurs de manipulation, les mouvements inutiles et le transport. « En gros, le gaspillage, c’est tout ce que l’on fait que notre client n’est pas prêt à payer », explique Éric Trudeau.

 

Selon Jean-Marc Legentil, une des plus grandes sources de gaspillages dans le secteur de la construction réside dans les délais entourant la synchronisation des opérations au chantier. On n’a qu’à penser à la synchronisation des différents sous-traitants, aux temps morts, ou encore à l’arrivée du matériel et des équipements, ce qui peut amener des pénalités ou même générer de la frustration à l’intérieur des équipes. C’est pourquoi le Lean Construction utilise de plus en plus le Last Planner System, qui permet de tout planifier par zones pour augmenter la densité de travail et de réduire les délais.

 

Jean-Marc Legentil, consultant et formateur en amélioration continue et Lean Construction chez Bell Nordic. Crédit : Josias Gob

 

« Le Last Planner ressemble à un tableau quadrillé avec les différents jours de la semaine et les zones de travail. On peut ensuite placer des Post-it de différentes couleurs dans les cases pour représenter les corps de métier, par exemple », explique Jean-Marc Legentil.

 

La méthode 5S

Parmi les nombreux outils Lean, la méthode 5S est probablement l’un des plus connus. « C’est souvent le premier qu’on va utiliser, car c’est le plus facile et qu’il apporte de la rigueur», estime Marilyne Barbey, ingénieure et conseillère Amélioration processus, Ceinture noire Lean Manufacturing chez Hydro Québec. Les 5S font référence à des mots japonais. Chacun d’entre eux représente une étape logique à réaliser lorsqu’on souhaite améliorer un processus.

 

1) Seiri : Sélectionner/ranger

Cette étape consiste à se débarrasser de tout ce dont on n’a pas besoin.

 

2) Seiton : Situer/ordonner

Cette étape consiste à s’assurer que chaque chose est à sa place et est bien identifiée (par exemple, dessiner le contour de l’outil pour faciliter le rangement et pouvoir voir en un coup d’oeil s’il est manquant).

 

3) Seiso : Scintiller/nettoyer

Cette étape consiste à s’assurer non seulement que l’espace de travail est propre et ordonné, mais également que tous les équipements sont fonctionnels.

 

4) Seiketsu : Standardiser

Cette étape correspond à l’implantation d’une méthode unique standardisée pour que tous comprennent rapidement ce qui est à faire dans une situation donnée.

 

5) Shitsuke : Suivre

Ce point est le plus difficile et important, car il consiste à s’assurer que la méthode reste appliquée dans le temps, ce qui demande de la rigueur dans la gestion.

 

Ce qui est intéressant, c’est que la méthode 5S peut s’appliquer non seulement au travail sur le chantier, mais aussi à la gestion de l’information, ajoute Éric Trudeau, qui insiste sur son importance dans l’industrie de la construction.

 

« Ultimement, dans une entreprise de construction, on ne gère pas que des matériaux et des équipements, mais de l’information », soutient-il. Il donne l’exemple des modifications de dernière minute sur le chantier qui doivent être colligées et bien communiquées, mais aussi des répertoires qui nécessitent d’être bien organisés afin de trouver rapidement et facilement les données. « C’est aussi important dans la dernière étape du 5S, soit le suivi, afin de bien communiquer les indicateurs de performance », poursuit-il.

 

Le facteur humain : la clé du succès

Selon Marilyne Barbey, l’aspect humain est l’un des plus importants lorsqu’il s’agit d’implanter un processus d’amélioration continue pour accroître l’efficacité. « Quand on implique les personnes, elles se sentent valorisées, s’enthousiasme- t-elle. Elles ont plein d’idées et se sentent écoutées. »

 

Marilyne Barbey, ingénieure et conseillère Amélioration processus, Ceinture Noire Lean Manufacturing chez Hydro Québec. Crédit : Chris Mancini / Manikmati Photography

 

Elle remarque également que les personnes initialement réticentes deviennent souvent les ambassadeurs du Lean, car elles constatent rapidement les résultats. La sécurité et le bien-être sont les clés du succès de la méthode. « Quand les gens ont un espace de travail plus propre et sécuritaire, cela améliore l’ambiance de travail et favorise l’acceptation pour implanter d’autres outils Lean. Cet exemple positif a un effet contagieux sur les autres personnes qui souhaitent également participer. Cela créé un effet d’entraînement », conclut Marilyne Barbey.

 

LES CONDITIONS GAGNANTES DU LEAN CONSTRUCTION
  1. Définir avec une hiérarchie engagée des objectifs clairs;
  2. Faire l’inventaire des irritants (accidents, surcharges, plaintes, etc.);
  3. Identifier un outil Lean pour régler la problématique principale (exemple : le 5S);
  4. Nommer un ambassadeur 5S;
  5. Réaliser un état des lieux en allant sur le chantier;
  6. Établir un plan de match;
  7. Former les gens sur les 5S;
  8. Mettre en place une pancarte de communication pour rappels, calendrier, photos d’évolution du chantier et suggestions d’idées;
  9. Faire venir la direction sur le chantier;
  10. Ne pas hésiter à demander conseil aux Ceintures noires Lean.