Le pont en arc surplombant l’autoroute 73, à Stoneham-et-Tewkesbury : une solution technique audacieuse alliant originalité, économie et esthétique.
Par Michel De Smet
En juin 2011, CIMA + complétait la construction d’un pont en arc à tablier inférieur sur le boulevard Talbot au-dessus de la future autoroute 73 reliant Québec à Saguenay, à hauteur de Stoneham-et-Tewkesbury, à 30 kilomètres au nord de Québec. La firme de génie conseil réalisait ainsi une structure d’exception qu’elle avait proposée au donneur d’ouvrage, le ministère des Transports du Québec (MTQ), à la suite d’un premier mandat exécuté entre 2005 et 2007 pour identifier le type de pont idéal en fonction des contraintes à considérer préalablement à la conception de l’ouvrage.
Lors de l’étude préliminaire, les ingénieurs avaient en effet noté que le boulevard Talbot allait croiser la future autoroute 73 avec un biais important de 49 degrés. Cette dernière affichant une courbure fort importante, deux options s’offraient principalement alors à eux.
La première consistait à édifier un pont conventionnel de type dalle sur poutres avec une pile située sur le terreplein, au milieu de la 73. Dans ce cas, la visibilité pour les automobilistes au moment d’aborder la courbe n’aurait toutefois pas été optimale et, de surcroît, le risque réel de voir certains d’entre eux percuter la pile aurait nécessité la construction d’une glissière de protection en ciment.
Une seconde avenue, soit la construction d’un pont d’étagement de type dalle sur poutres, fut également écartée. « Certes, on aurait ainsi pu éviter la construction d’une pile, mais cette formule présentait un gros désavantage. Comme elle nécessitait un tablier d’une épaisseur de 2,5 mètres environ, il aurait fallu excaver davantage le roc, ce qui aurait entraîné des coûts additionnels considérables pour obtenir un dégagement suffisant entre le bas du tablier et l’autoroute », explique Paul Dandois, directeur structure au bureau de Lévis de la firme de génie CIMA+.
Les ingénieurs opteront finalement pour une structure audacieuse, rarement réalisée au Québec : un pont en arc de 67 mètres de long, dont chacune des deux arches est soutenue par 17 câbles. Une solution qui permettra à la fois d’éliminer la pile et sa glissière de ciment, en plus de permettre la conception d’un tablier d’un mètre seulement d’épaisseur pour éviter de creuser davantage le roc lors de la construction de la future autoroute.
Une formule gagnante
Si l’option de réaliser un pont en arc s’accompagnait d’un surcoût par rapport à une structure conventionnelle, elle aura en revanche permis des économies substantielles grâce précisément à la faible épaisseur de béton de son tablier et la réduction des travaux d’excavation dans le roc. À preuve, alors que la firme d’ingénieurs avait réalisé initialement des plans et devis estimant les travaux à 6,1 millions de dollars, le coût final du projet se sera chiffré à un peu plus de 4,4 millions de dollars.
L’échéancier du chantier a lui aussi été globalement respecté. Le MTQ avait exigé initialement que les travaux, entrepris au début de l’été 2010, prennent fin au bout de 38 semaines. Toutefois, d’un commun accord entre le ministère et la firme de génie-conseil, il fut décidé de reporter les opérations le bétonnage de la dalle au début du printemps 2011, plutôt que de les entamer tard en automne 2010, afin de bénéficier de conditions climatiques plus favorables. De sorte que les travaux se sont étirés jusqu’en juin l’an dernier ; un report qui n’a toutefois eu aucun impact négatif, l’autoroute 73 passant sur le pont ne devant être ouverte que bien après la fin du chantier.
Une autre particularité du projet fut sans conteste l’implication très active de la firme d’architecture Lemay associés, dont plusieurs recommandations auront permis de bonifier la dimension esthétique de l’ouvrage. « Un pont comportant des arches caractérise un ouvrage qui se distingue par son élégance, commente son chargé de projet, Étienne Germain. Nous avons notamment proposé une utilisation graduée des quantités de béton à utiliser selon que l’on se trouve à la base ou au sommet des arches, de manière à bien mettre en évidence la grâce et les volumes d’une telle structure. Par ailleurs, la base extérieure du tablier a été soulignée par une bande de couleur qui accroît la visibilité du pont. »
L’ouvrage conçu par CIMA + représente une exception au Québec. Il est en fait le second du genre à être construit sur le réseau routier de la province depuis près de 50 ans, l’autre ayant été érigé à la fin des années 1960 sur l’autoroute 15 dans les Laurentides.
Cette réalisation audacieuse a valu à CIMA+ de remporter le trophée Léonard des Grands Prix du génie-conseil québécois, organisés par l’Association des ingénieursconseils du Québec (AICQ), dans la catégorie Infrastructures de transport.
Architecture : Lemay associés
Construction : Entreprise Alfred Boivin
Coffrage et bétonnage : Coffrage Provincial
Fourniture et installation de l’armature : ABF
Contrôle des matériaux : LVM
Cet article est tiré du Supplément thématique – Infrastructures et grands travaux 2012. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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